𝐹𝑎𝑖𝑟𝑦 𝑇𝑎𝑙𝑒𝑠 │ ᶜᴴᴬᴺᴮᴬᴱᴷ

Chapitre 9

La raison aurait voulu qu'ils évoquent le dérapage, histoire de mettre un mot sur le geste de Baekhyun, ou bien la réponse enthousiaste de Chanyeol. Certainement une mise au point aurait permise au forgeron de placer un adjectif sur leur étrange relation, ou de moins d'entrevoir les projets de la fée les concernant. Cela aurait rendu ses questionnements moindres, et son assurance probablement plus présente. Pourtant, aucun n'osa aborder le sujet au cours des jours qui suivirent, laissant à l'Intégration l'occasion d'occuper leur quotidien pour éviter, et cela à tout pris, de mentionner l'épineuse problématique.

Chanyeol se contenta de suivre Baekhyun à travers des escapades improvisées, acceptant de découvrir les moindre recoins du Royaume sans jamais outrepasser les limites que la créature lui avait imposées. Le baiser fit ainsi l'objet d'un arrangement silencieux, un secret commun qu'il convenait de conserver tel quel : un malheureux accident ne méritant pas éclaircissement.

L'humain s'appliqua à demeurer indifférent, bien que ce déni imposé le pesa un peu plus à mesure que les jours s'écoulèrent.

Une semaine était passée depuis l'incident, son état physique s'était considérablement amélioré, si bien que Baekhyun l'avait autorisé à reprendre une activité normale, abandonnant, et cela à son plus grand regret, son rôle de guérisseur improvisé.

Chanyeol avait vécu cela comme l'ultime abandon, observant avec impuissance la dernière corde qui le reliait à la fée se rompre, le ramenant deux semaines en arrière, alors qu'il le surprenait dans les bras d'un autre, sublimé par le paysage du ruisseau. Baekhyun avait cessé son jeu de séduction, adoptant une attitude moins frivole et définitivement trop sévère, véritable gâchis à son tempérament mutin, une muraille qui lui avait fait l'effet d'un coup de poignard. Il n'appréciait pas ce sérieux excessif jurant avec le pétillement de ses orbes ambrés, cette retenue rigide bloquant la grâce naturelle de son déhanché. La fée était devenue une statut de cire, impassible, si belle et si creuse à la fois. Tableau stupéfiant de maîtrise, peignant la joliesse figée d'un paysage sans âme.

Le plus douloureux demeurait la certitude que ce comportement lui soit exclusif. Dès que Noah ou Lux faisaient leur apparition, interrompant les enseignements mortellement monotones de Baekhyun, l'éclat vif de ses perles de miel reprenait subitement le dessus, accompagnant l'étirement sensuel de ces pétales de rose jusqu'alors baissés, en une agaçante moue boudeuse. Chanyeol avait l'impression d'être devenu une corvée, une épine gênante dans la vie bien rangée de son précepteur, qui ne faisait plus aucun effort pour dissimuler sa lassitude. Le voir tirer une tête dépitée à chaque fois qu'il croisait son regard était devenu sa hantise, une punition quotidienne qu'il savait ne pas avoir méritée.

Chanyeol, qui avait détourné le regard de gestes appliqués du plus petit, lui enseignant l'art de la négociation face à l'un des marchants occupant le premier étage de la citée suspendue, se demanda alors pourquoi il acceptait tout cela.

Il n'était pas responsable de cette guerre silencieuse, l'instigateur de cette atmosphère pesante n'était autre que celui qui s'appliquait chaque jour à la lui faire profondément regretter. Baekhyun était responsable de ce baiser, il était celui lui ayant voler ses lèvres sans avertissement préalable. N'était-il pas de mauvaise foi en lui donnant cette impression dérangeante qu'il avait fait quelque chose de mal ? Il voulait bien prendre la responsabilité de son absence de rejet, admettre qu'il y avait répondu sans scrupules, profitant de l'échange offert gracieusement par le plus petit. Néanmoins, ce n'était pas à lui d'essuyer les pots cassés, et Baekhyun n'avait pas à s'improviser victime de leur rapprochement dont il était l'acteur principal.

-Puéril, siffla-t-il inconsciemment en croisant rageusement ses bras sur son torse.

Baekhyun, qui était sur le point de conclure une affaire en or, délaissa subitement son sourire enjôleur, rompant le travail qu'il avait soigneusement tissé pour amadouer le commerçant, son regard perçant se figeant avec étonnement sur le faciès grognon du forgeron.