Chapitre 2.02

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Ses recherches au marché se révélèrent finalement de vaines tentatives, du quartz la jeune fille trouva, mais par le moindre morceau de pierre de lune. Cheminant jusqu'à son domicile, elle réfléchissait aux différentes autres pistes à explorer, et qu'elle écartait les unes après les autres. Parcourir les bois à sa recherche revenait à chercher une aiguille dans une botte de foin, convaincre Ma'a de lui montrer l'endroit, impossible tant que l'idée n'émanerait pas de celle-ci, et nul doute qu'elle deviendrait soupçonneuse si Elfée se montrait trop insistante. À court d'idées, ses réflexions divergèrent vers les paroles que Loup lui avait murmurées avant de partir et qui n'avaient pas été sans éveiller son intérêt. De toute évidence, elle ne disposait pas des informations qu'il recherchait, que pouvait-il lui vouloir de plus ? Tentée de succomber à la curiosité la tenaillait, elle éprouvait néanmoins une certaine réticence à accéder aux instances du jeune homme, elle s'était fourvoyée dans les raisons de l'attention qu'il lui avait accordée, et ne désirait aucunement réitérer l'expérience. Elle se résolut finalement à ne pas se rendre au rendez-vous, convaincue que rien de bon n'en découlerait. Absorbée par ses pensées, elle remarqua avec surprise que ses pieds l'avaient portée jusque chez elle plus vite que prévu. Elle pénétra dans la maison vide et silencieuse savourant le calme et l'atmosphère paisible qui s'en dégageait, lorsque tous les occupants sortis, elle s'y trouvait seule. Elle monta à l'étage et rejoignit sa chambre à coucher, s'assurant de derrière elle pousser le loquet de la porte et s'étendit sur son lit, les yeux ouverts sur le plafond. Son regard se promena le long des mansardes, puis à travers la pièce où rayonnait une luminosité diffuse ; à sa gauche, de minuscules particules de poussière flottaient dans les rayons du soleil qui s'infiltraient par l'unique fenêtre, sa coiffeuse lui faisait face et à sa droite, près de la porte, des étagères disparaissaient sous les livres. Elle revint au plafond au-dessus d'elle, ses planches brunes, la trappe qui menait au grenier. Elle se redressa. Le grenier. Et si ce qu'elle cherchait s'était trouvé sous son toit depuis tout ce temps ? Après tout, sa famille avait conservé là un grand nombre de possessions au fil des générations, une pierre de lune aurait potentiellement pu s'y retrouver ; il existait un seul moyen d'en avoir le cœur net, aller vérifier par elle-même. Elle entrouvrit la porte de sa chambre, tendit l'oreille : la maison était toujours plongée dans le silence... Elle se faufila jusqu'à la cuisine où elle subtilisa un escabeau et se hâta de retourner à sa chambre le placer sous l'accès. Le grenier n'avait pas été visité depuis bien longtemps, et soulever la trappe nécessita plusieurs tentatives, un nuage de poussière s'éleva dans les airs lorsqu'elle y parvint ; elle passa la tête par l'ouverture mais la pièce était trop sombre pour qu'elle puisse apercevoir autre chose que les silhouettes, immobiles et sombres, du mobilier abandonné. La jeune fille se munit d'un chandelier, puis se hissa sous les toits. La lumière des bougies projetait des ombres aux formes étranges le long des murs et sur le sol, de nombreux meubles avaient été relégués là au fil des ans, vestiges de ces ancêtres dont elle ne connaissait rien. Elle trouva des caisses de bois dans le fond que par chance personne n'avait jamais scellées, et décida de commencer ses recherches par celles-ci. Elle fit coulisser le couvercle de la première, toussota à cause de la poussière, et y découvrit des papiers jaunis, déposés là sans grand soin. Elle se saisit d'un au hasard qu'elle éleva à hauteur de l'éclairage pour mieux le déchiffrer ; il s'agissait d'un testament daté d'un siècle plus tôt, le prénom d'Hélène y était inscrit, le nom de famille, quant à lui avait été effacé, soit par les ans, soit volontairement. Elfée le reposa avec précaution. Une deuxième boîte renfermait des vêtements aux couleurs passées, curieuse elle étendit une longue robe qui paraissait avoir moins souffert du temps mais la reposa, déçue, le tissu se révéla élimé et la coupe ample et sans forme, peu pratique. Un craquement dans le plancher la fit sursauter, la tension ne l'avait pas quitté depuis qu'elle s'était introduite dans cet antre du passé. Elle posa une main sur son cœur et laissa échapper une profonde expiration. Dans le lointain, elle guetta un signe, un son, des bruits qui indiqueraient le retour de ses parents ; la maison cependant demeura silencieuse. Elle avisa, sans grand espoir, une troisième caisse, la dernière, et fit en l'ouvrant une surprenante découverte. Elle soupesa un petit chaudron d'étain qu'elle posa sur le sol, d'autres découvertes se cachaient dessous, un calice d'argent terni par les années et un coffret de bois où avait été grossièrement gravé un triquetra. La jeune fille fronça les sourcils, la trouvaille se révélait des plus inattendues, elle n'en saisissait pas encore le sens. Elle parcourut à tâtons le fond de la caisse où sa main rencontra bientôt la rigide couverture de bois d'un livre et qu'elle extirpa, non sans mal, de sa main libre : l'ouvrage pesait plus lourd qu'elle s'y était attendue. Elle l'ouvrit, fascinée, et par mégarde une goutte de cire tomba sur la page. Elle caressa des doigts les inscriptions manuscrites, la langue avait évolué depuis, mais le sens en demeurait compréhensible : il s'agissait là d'un grimoire de sorcellerie ; le don de magie, si elle connaissait son existence, n'en demeurait pas moins rare qu'il était extraordinaire d'en découvrir l'héritage dans son grenier. Elfée pensa immédiatement à Ma'a, garante d'un savoir tel que la jeune fille éprouvait la certitude que celle-ci pourrait lui en apprendre plus à ce sujet. Excitée par sa découverte, la recherche de la pierre de lune lui représentait soudainement moins d'attrait, ainsi elle reporta à plus tard une fouille plus approfondie des lieux. Elle regagna sa chambre le lourd volume sous le bras, et remit de l'ordre dans la pièce, avant de finalement s'installer à plat ventre sur son lit, et de commencer à parcourir le sujet de sa curiosité. À l'intérieur, nombreuses figuraient les connaissances que lui avait transmises Ma'a sur les plantes, mais les pages parcheminées recelaient bien d'autres arts qui ne lui avaient pas été enseignés ; le tout formait la base de l'élaboration de sorts complexes et de divination. Avec contrariété, elle perçut le son la porte d'entrée qui s'ouvrait au rez-de-chaussée, venant mettre un terme à la possibilité d'une lecture prolongée. Déjà des pas se faisaient entendre dans les escaliers. Elle se redressa en soupirant, glissa le livre sous son lit, épousseta ses vêtements et se prépara à feindre une après-midi d'inactivité. Elle ignorait si ses parents avaient connaissance de l'existence du grimoire, mais une chose pour elle demeurait certaine, si elle venait à le mentionner, ils ne lui permettraient pas de le conserver.

Promenons-nous dans les boisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant