Mariée à un Démon

Chapitre 1 : Un Époux Cornu

Lisa se réveilla en étoile de mer sur son lit, le nombril à l'air et complètement vaseuse. C'était quoi, ce rêve ? La vache, elle devait vraiment être fatiguée, hier soir, pour imaginer qu'elle se mariait. À Satan, en plus.

Était-ce une allégorie sur le fait que le garçon dont elle était secrètement amoureuse l'ignorait royalement ? D'un autre côté, elle ne lui avait jamais réellement parlé... Basketteur dans l'âme, il s'amusait souvent avec ses multiples amis et était entouré d'une cour féminine quasiment infranchissable. En fait, se dit Lisa avec mécontentement, elle ressemblait à n'importe quelle lycéenne de son âge, vu sous cet angle.

La seule chose qui, dans son esprit, la distinguait de la masse de son lycée, c'était le fait qu'elle n'aimait pas particulièrement sortir, elle n'avait pas ou peu d'amis, pas les mêmes centres d'intérêt que ses compères, elle n'aimait pas le maquillage, et elle ne bavait pas sur les stars de cinéma en dépit de son amour des films. Sa vie n'était pas tournée non plus autour du moment parfait pour exécuter un premier coït. Ou sur le fait de le faire tout court.

Même si cela la turlupinait, en fait. Mais son problème était autre, puisqu'à dix-huit ans, elle n'avait jamais eu de relation amoureuse.

— Voilà un pli de contrariété bien triste au réveil, ma femme.

Elle baissa les yeux. Sur deux iris rouge vif dans un visage rouge uni avec des cheveux noirs, des cornes et un sourire canaille d'un blanc éclatant.

— Nom de dieu de bordel de merde ! s'exclama-t-elle en partant en arrière, pour glisser sur le bord du lit et atterrir par terre dans un vacarme épouvantable.

Elle était toujours endormie. C'était ça, l'explication.

Pourtant, un pied toujours sur le lit, elle le sentit s'affaisser sous un poids inconnu, avant qu'une tête n'apparaisse. Toujours aussi rouge.

— Ça va ?

Un hurlement de midinette lui échappa. Long, strident.

Accoudé sur le bord du matelas, allongé sur le ventre, l'inconnu rouge se contenta de pencher la tête de côté avec un sourire amusé. Il l'observait avec curiosité. Quand le souffle lui manqua, Lisa s'arrêta. Elle hésita à recommencer, mais elle dut se rendre à l'évidence : il n'était pas agressif, et elle se trouvait seule dans la maison de ses grands-parents. Rien ni personne ne viendrait la sauver de ce... De cette... De cet inconnu !

— Ça y est, tu as fini, ma femme ?

— Ta femme ? glapit-elle. Non, attendez...

Son rêve lui revint soudain. Non... Non... Non !

— Je suis toujours en train de dormir, c'est ça ? couina-t-elle.

— Non, sinon j'aurais choisi un rêve où nous consommons notre mariage, répondit l'homme avec un sourire canaille. Ça te ferait une bonne... mise en bouche.

Une mise en bouche ? Consommer le mariage ? Attendez... Il parlait de sexe, là !?

Horrifiée, Lisa s'assit, vérifiant qu'elle avait bien ses vêtements, et même sa petite culotte de la veille au soir. Au passage, elle remarqua une bague à son doigt. Une chose en acier noir ornait son annulaire, en forme de tête de mort avec des yeux en rubis.

— C'est quoi ce truc gothique !?

— Ta bague de mariage.

L'œil vide, elle regarda cet homme rouge démoniaque. Il ressemblait trait pour trait à celui de son rêve. Attendez... Il s'appelait comment déjà ?

— Satan !?

— Ah ! La mémoire te revient ? Je te rassure, je ne t'ai pas encore déflorée, ma femme.