Petit Prince

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Je m'appelle Edward Thompson. À l'époque, j'étais un garçon énergique et souriant avant que tout ce drame s'abatte sur ma mère et moi. Les gens de notre quartier me reconnaissaient sans mal grâce à mon style particulier. Je portais la plupart du temps un jean ajusté et un pull trop grand pour ma taille. Je traînais toujours mon iPod dans ma poche avec mes écouteurs à un volume adéquat afin que je puisse entendre mes amis me parler. Mes cheveux étaient plus noirs qu'un ciel de nuit, qu'à mes yeux, on pouvait contempler la profondeur de l'océan. Ils me critiquaient toujours sur mon poids. J'étais trop mince pour la grandeur que j'avais. Il fallait que je mange plus. C'est vrai que j'étais grand pour la moyenne de mon âge, mais à chaque fois qu'on me la disait, je haussais les épaules comme si ça ne me dérangeait pas. Grand ou petit, gros ou maigre, ça ne définissait pas la bonté d'une personne. Pour ma corpulence presque invisible, c'était dû à ma croissance trop rapide. Même si j'aurais mangé des tonnes de viandes ou de légumes, je n'aurais forcément pas changé de silhouette. Par-delà ces détails ou ces défauts, ils parvenaient à m'identifier par mon visage aussi doux qu'un enfant à sa naissance. Je n'avais aucune malice, je jouais et m'accordais avec tout le monde du quartier mais quand tout est trop beau dans la vie il arrive un temps que tout bascule...


Je n'avais pas atteint mes quinze ans lorsque j'ai craqué. Au début tout allait bien. Je vivais avec ma mère monoparentale accompagnée de tous mes amis. Dans le quartier, on se connaissait tous. Une grande partie de nos voisins se considéraient comme un membre de la famille. Lorsqu'un nouveau arrivait on allait faire sa connaissance. J'adorais ce quartier, c'était ma maison, mon petit monde qui m'était cher...

C'était lors de mon anniversaire qu'elle est venue me voir à ma chambre pour m'annoncer que tous mes amis seraient là ainsi que leurs parents. J'ai bondi en bas de mon lit pour me vêtir rapidement. J'ai regardé ma mère droit dans les yeux. Je me suis arrêté de bondir, j'ai senti qu'elle me cachait quelque chose. Je percevais une lueur de tristesse dans ses yeux noisette.

- Qu'est ce qu'il y a mon coeur ? M'avait-elle répondu.
- Rien maman.

Je venais d'avoir mes onze ans et le plus beau de tous mes anniversaires. Tous mes amis et leurs parents étaient là. On s'est amusés dehors toute l'après-midi, mais une chose me tracassait. La tristesse de maman. Je n'ai pas fait d'histoire et j'en ai profité jusqu'au soir. C'est quand mes amis commençaient à partir qu'elle m'a annoncé qu'on devait déménager. Mon estomac s'est noué d'une vive douleur. J'étais conscient que je ne pouvais rien faire pour changer ça. Quand elle m'a dit qu'on partait loin, une boule a pris forme dans ma gorge. Je voulais pleurer. Il fallait tout quitter, notre maison, notre quartier et mon petit monde. Tout ce que j'ai connu allait disparaître mais je voulais rester fort. Je lui ai pris les épaules avec mon plus beau sourire.

- Maman ne t'en fais pas, on va s'en sortir ensemble.

Je voulais lui montrer que j'étais fort face à ce changement qui s'ouvrait à nous mais maman, j'ai menti. J'étais triste à l'idée de ne plus revoir mes amis. Cependant, je ne pouvais pas te montrer ma peine pour ne pas t'en faire d'avantage. Mon sourire t'a redonné du courage pour partir en paix. Quand nous sommes arrivés, j'étais heureux de voir notre nouvelle maison. Elle était petite mais assez grande pour nous deux. Quand tout a été installé, elle m'a fait promettre que je reverrais mes amis. Elle ne m'a pas menti. Ils sont venus à mes anniversaires, et quelques fois dans l'année. J'étais heureux de les voir. Toi aussi, maman, tu étais contente car ton petit prince avait retrouvé le sourire.

Ma mère avait un travail payant qui la rendait heureuse car elle pouvait dire qu'on ne manquait de rien. Par contre je ne la voyais plus. J'étais seul et encore seul. Lorsque j'entrais les soirs après l'école, j'avais des simples petits mots collés contre le micro-ondes. Mon souper était là, mais pas toi maman. Tu m'offrais les plus beaux cadeaux, j'étais habillé en petit prince mais tu sais quoi maman, je te voulais toi. Si tu avais été présente, tu aurais su. Oui, tu aurais su qu'à ma nouvelle école les enfants sont méchants. Je me fais bousculer contre les casiers, mes livres sont renversés au sol, je me fais traiter de noms, je suis le petit prince trop doué et trop parfait. Je déteste ça, maman. Je ne veux pas subir une journée de plus, mais tu sais me convaincre. J'y suis allé encore et encore avec ce quotidien interminable. Tu ne voyais pas à quel point tu réparais les pots cassés sans les recoller complètement. Tu venais en un coup de vent et tu disparaissais. La maison était petite mais assez grande pour nous deux, mais maintenant elle est devenue trop grande, maman. J'ai le vertige, j'ai mal, je ne veux pas t'inquiéter mais je suis épuisé. Je t'avais dit qu'on allait franchir ça ensemble. J'avais essuyé tes larmes ce soir-là. Le soir de mes onze ans. C'est à ton tour, maman, de me rassurer. J'ai besoin de toi pour passer à travers. J'ai besoin de toi pour me serrer dans tes bras et de sentir que tu m'aimes. Je ne doute pas de ton amour, c'est ce monde qui me hante, maman. J'ai l'impression d'être abandonné par tout ce que j'ai pu aimer.

Je suis retourné à l'école avec la conviction que tout irait bien. Je t'ai écouté et je suis revenu à la maison avec un mal de chien. J'avais du mal à respirer, mais tu n'étais pas là pour t'inquiéter. Dans ma bouche, je n'avais qu'un goût, celui de mon sang qui avait rougi mes lèvres. Je m'étais recroquevillé dans mon lit en pleurs. J'avais mal, je croyais mourir, mon souffle se faisait court mais je pensais à ce que tu me disais. Reste fort et ne laisse personne te marcher sur les pieds. J'ai essayé, je te le jure, mais tu sais, je suis fragile maman. J'approche de mes quatorze ans et j'ai de plus en plus mal. J'ignore les appels de mes amis sur mon PC, je ne fais qu'attendre dans la pénombre de ma chambre, mais ça! tu ne le vois pas maman car tu n'es pas là. Tu es à ton travail. Tu es heureuse car ton petit prince ne manque de rien, mais si tu savais maman, si tu réalisais comment va ton petit prince, tu arrêterais tout. Je souffre, maman. Je ne vais même plus sur mon ordinateur, je ne lis même plus et je n'écris plus. Je reste dans mon lit craignant le jour suivant. Tu sais, j'ai pris mon appareil photo et j'en ai pris une. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je tremblais, je suffoquais. J'ai vu le reflet d'un jeune enfant blessé et secoué. Je n'étais plus cet Edward tout rayonnant de vie et de savoir. Mes yeux brillaient autant que le soleil d'été, ma peau aussi parfaite qu'une porcelaine et mon énergie planait sur mes photos d'avant. Maintenant je suis épuisé, j'ai des traits tirés et les épaules tombantes. Le petit prince a tout perdu. Il a perdu son royaume. Il est seul maintenant, mais pourquoi ? Il n'était pas si méchant ce petit prince, il était heureux ! Pourquoi maman, tout a été de travers ? Je veux revenir ce petit prince d'avant. Je veux revivre maman car je me sens mourir. Maman, j'ai froid dans ma chambre. Je pleure, j'ai peur de succomber à mes blessures. Maman je ne t'en veux pas, tu ne le savais pas. Pardonne-moi...

C'est le soir du douze décembre qu'elle m'a trouvé suspendu dans ma garde-robe. Son petit garçon, son unique fils qu'elle chérissait tant est mort. Maman, je te voyais pleurer du haut de mon corps. Ne pleure pas. Je n'ai pas trouvé d'autre façon de faire comprendre au monde entier ma souffrance. Tu as appelé les ambulanciers, mais tu savais déjà que je n'étais plus de ce monde. Tu as hurlé, tu voulais comprendre pourquoi j'avais fait cet acte. Tu aurais voulu remonter le temps et savoir ce qui s'est passé avec moi. Tu voulais mourir toi aussi. Tu te sentais coupable. Mais tu sais maman, ne fais pas ça car ta vie va bien. C'est la mienne qui a viré au noir. Je t'ai suivi jusqu'à l'hôpital, ils ont examiné mon corps. Ils sont allés te voir et tu as su ce que je subissais. Ils ont trouvé des côtes brisées, des plaies ouvertes refermées, et un estomac complètement saboté par tout ce qu'ils pouvaient me faire avaler, mais tout ça ! maman, tu ne le savais pas. Tu étais au travail. Tu as laissé ton petit prince sans surveillance. Tu le savais qu'il ne fallait pas me laisser car j'étais un enfant fragile. J'avais beau recoller tous les morceaux, mais sans toi, je n'y arrivais pas. Les gamins de mon école en ont profité pour me faire vivre l'enfer. Tu étais dans l'ignorance, maman. Au fond j'aurais dû te dire quelque chose, mais personne ne me croyait. Je suis triste pour toi. Continue sans moi. Je sais qu'à treize ans c'est tôt pour partir mais sache que je suis bien à présent. Tu n'as pas été une mauvaise mère, maman. Tu as seulement voulu travailler plus pour que ton petit prince ne manque de rien.

Je t'aimerais toujours, maman.

Edward

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