Chapitre 2

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Depuis mon velux, j'ai une vue assez dégagée sur les montagnes et les vignes. La maison est au milieu de la campagne, sur la commune de Grimaud, entre le port et le village. C'est là-bas que se trouvent les ruines que j'aperçois depuis la fenêtre. Peut-être que je pourrais dessiner cette vue, il faudrait que j'arrive à mettre la main sur un tabouret. J'ouvre pour aérer et descends boire mon café du matin. Dehors, mon père est en train de vider la piscine de son eau verdâtre.

Ma mère est quelque part dans la maison en train de faire du rangement, ce qui me permet d'avoir un peu de calme au réveil.

Je fais un tour rapide à la salle de bains, et allume mon ordinateur pour traîner sur internet. Je fais défiler les publications de mes camarades sans les regarder. À part Laura et Erja, à côté de qui j'étais assis en cours d'arts plastique, je n'ai pas noué de liens au lycée. Et encore, on discutait juste en classe. J'ai toujours eu l'habitude de déjeuner seul ou de m'isoler pour simplement écouter de la musique. Je ne vais pas m'apitoyer, j'aime ma solitude. Il y a des jours où elle est plus pesante que d'autres, mais on s'y fait.

J'ai arrêté de faire des efforts quand j'ai compris que les autres n'en font pas lorsque quelqu'un est différent. Les gens ne s'intéressent pas à ceux avec qui ils ne peuvent pas discuter. Alors moi, j'ai décidé de ne pas m'intéresser à ceux qui n'apprécient pas le silence.

Mon psychiatre pense qu'il y a autre chose là-dessous. Sous mon agressivité latente, sous mon silence et mes phobies. Mais c'est lui qui me braque plus qu'autre chose avec ses tentatives d'analyses, alors nous rendez-vous se résument souvent à des platitudes.

En fin de compte, je passe la matinée sur mon dessin de Laajasalo. J'use beaucoup de vert pour les arbres, mais très peu de bleu pour le ciel. Il fait toujours gris, là-bas.

*

— Adam, tu veux bien monter à Gassin aujourd'hui ? Il y a un brocanteur là-bas, peut-être qu'il pourrait nous reprendre quelques meubles du garage.

Je m'immobilise, la main au-dessus du lave-vaisselle. Elle veut que moi, j'y aille ? Tout seul ? Je ne sais même pas où c'est !

— Comment ? demandé-je, légèrement paniqué.

— Tu veux bien monter... s'apprête-t-elle à répéter.

— Non, je veux dire comment je suis censé y aller ? Je ne peux pas prendre la voiture.

Je n'ai pas le permis depuis suffisamment longtemps pour pouvoir conduire la leur.

— Oh, eh bien tu peux prendre le bus. Regarde sur la console, il y a les horaires.

Elle hausse les épaules et continue de laver les poêles comme si ce qu'elle venait de me demander était tout à fait normal. Et ça l'est sans doute, pour elle, puisque je prends parfois les transports en commun à Helsinki. Je referme la porte de l'appareil et attrape mon téléphone en le serrant si fort que je crains de l'exploser.

D'accord, restons calme. C'est juste un autre pays, dont je maîtrise parfaitement la langue.

Je traverse la cuisine pour chercher le dépliant des horaires, dans le tas de papiers qui traîne sur le meuble à l'entrée. Où est papa ? Pourquoi ne peut-il pas y aller à ma place ? Je garde ces questions pour moi et enfile mes Converse de mauvaise grâce.

— Tu pourrais au moins mettre un short !

— Ça va.

Je sais que je vais avoir chaud mais ça m'est égal, j'aime bien porter mes jeans. Surtout pour sortir, j'ai toujours l'impression d'avoir l'air d'un plouc en short.

Painting Stars [ÉDITÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant