Heure zéro

102 9 2
                                    

La fin du monde approche. Ceux qui ne le savent pas encore, ne tarderont pas à bientôt le comprendre. La vision cauchemardesque qui s'étale en ce moment même devant mes yeux, n'est que le commencement d'une longue liste de choses les plus folles les unes que les autres.

Je voulais les stopper. Enfin au début. J'étais censé être le meilleur pour arrêter ses hommes. Le plus compétent de tous. Mais ne pas avoir de coeur ne signifie pas que je n'ai pas de grandes ambitions. C'est tout le contraire justement.

Je vis sur une terre de légendes. Un endroit où seule la fiction prend le pas sur la réalité. Depuis des millénaires, générations après générations, les histoires et autres contes se diffusent et forment un patrimoine étrange, un bagage folklorique pour les jeunes d'aujourd'hui.

De parfaits véhicules préparant un terrain propice à la mort. Propice à la pire folie.

« Frère Maynard ! Je pensais que vous en aviez fini avec cette enluminure ! Savez-vous que l'oisiveté...

-Est le pire des péchés je le sais que trop bien. Et oui Frère Constant j'en ai bientôt terminé. C'est qu'il m'est difficile de restaurer cette pièce. Elle est unique ! L'Apocalypse selon Saint Jean...Une merveille d'ingéniosité n'est-ce pas ?

-Vous dérivez Frère. A vous entendre, on pourrait penser que cet écrit est juste un simple récit. Mais vous vous trompez. C'est une mise en garde. Une vision de notre fin à tous.

-De notre possible fin. Pour moi cet écrit n'est juste qu'une fable pour faire peur aux enfants et aux gens déviants. Ceux qui ont un minimum de conscience savent que la vérité est tout autre et que celle-ci, celle de Saint Jean n'en n'est pas une.

-Vous n'êtes que blasphème ! Vous êtes la honte de ce monastère ! Un véritable fléau pour nos jeunes apprentis. A vous écoutez au long de la journée, ce n'est pas Dieu que nous finirons par prier mais le Diable ! L'abbé en sera prévenu soyez-en certain ! »

Et les sandales en cuir du Frère Constant claquèrent le pavé dans une colère sans nom. Maynard aimait beaucoup se prendre à ce jeu. Blasphémer à l'encontre du Saint Livre et des saintes écritures. Voir ses soi-disants frères se mettre en colère et clamer haut et fort à l'abbé qu'il devrait être excommunié. Mais il ne peux pas partir. Car si il part, s'effondre avec lui tout ce pourquoi le maître du monastère s'est battu.

Une ombre se lève sur la mer. L'île sur laquelle se trouve le monastère bénédictin, endroit terrestre protégé par l'archange Saint Michel, n'est que poussière face à la grandeur bleutée qui l'entoure.

Le temps est bientôt venu, se dit le frère Maynard devant la fenêtre. Le soleil perd de son éclat, les reflets sur l'eau la transforme en une marée d'encre noir et de vert poussiéreux.

La fin est proche.

La bière est bonne mais le pain ne l'est pas. Il n'est pas habitué au goût amer de la farine de blé noir. Puis le salé du beurre ne lui convient guère. Pour lui ses gens ne sont qu'étranges. Il se sent dévisagé, jugé. Il pense que les autres sont médisants avec lui car il vient d'ailleurs. Il n'a pas les mains calleuses et le goût de la terre dans la bouche. Ni celui du sel. Il a sur lui, l'odeur âpre de la fumée et le noir du charbon sous les yeux. Ses oreilles ne sont pas habituées au silence. Sa bouche au discours direct. Ses yeux veulent tout voir et tout calculer. Mais pour lui, il n'a rien à écrire sur ses autochtones. Rien que des contes biaisés et un folklore macabre. Rien à envier aux horreurs d'Edgar Allan Poe ou au fantastique de Tolkien. Des histoires qui pour lui ne mérite pas d'être relaté dans son recueil.

Il joue tranquillement avec une pièce qu'il fait glisser entre ses doigts. Le syndrome de la page blanche. Il déteste cela. Rester des minutes entières voire des heures incalculables devant une feuille blanche et un stylo. L'encre à formé une tâche sur le bois de la table. Une tâche noirâtre qui prend un peu plus d'ampleur au fur et à mesure que la pièce va, viens et revient à son point de départ sur la main de l'écrivain.

Les gens le regardent, le dévisagent. Certains d'entre eux n'ont jamais vu d'étrangers. D'autres se méfient de lui. Pourtant il se sent en sécurité parmi eux, dans ce petit village perdu. Allez savoir pourquoi. 

L'Apocalypse selon CthulhuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant