Eclipse (partie 3)

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Sa prison sous-marine était une cité. Sa prison sous-marine revêtait l'aspect d'un temple aux multiples pylônes et piliers moussus. Sa prison sous-marine avait été conçu pour l'enfermer, le punir d'avoir osé défier les Dieux Très Anciens, ses Pacifistes qui ne pouvaient concevoir l'image du chaos, de la destruction et de la folie.
Même si il rêvait depuis le commencement dans le sein même de la divine R'lyeh, même si sortir de sa torpeur relevait de quelque chose de quasiment impossible, le Grand Prêtre pouvait avoir foi en une seule chose. L'attraction qu'ont les hommes pour leur esprit malhonnête et torturé. Pour la foi qu'ils ont dans l'indicible. Pour le malheur qu'ils aimeraient causer aux autres.

Et cela avait fonctionné. Il avait dû attendre mais le résultat était là. Il pouvait enfin commencer à bouger ses grandes ailes membraneuses. Il pourrait bientôt, enfin, revenir sur terre.

Gloire à Azathoth notre maître à tous, gloire à Cthulhu le Prêtre à la bonne parole, gloire à Hastur l'Innommable roi, coeur et âme, gloire à Yog-Sothoth qui à la connaissance, gloire à vous pour qui tout est possible et qui comptez sur notre foi pour vous sortir de votre éternelle torpeur.

Ils se tenaient face à face sous le couvert sombre des bois et celui plus magique de l'éclipse. Ils n'avaient pas pris longtemps pour se reconnaître mais ils avaient pris plus de temps pour énumérer les changements physique pour l'un et mental pour l'autre que eux, les jumeaux venaient de subir.

Paix n'était plus. Victoire l'avait compris. Il ne restait de lui que le reflet de son regard, visible à travers les multiples yeux situés un peu partout sur son corps.
Elle, avait toujours cet aspect fragile.
Le bras nu, le symbole de son appartenance pour le divin Hastur ne se voyait que trop. Victoire était devenu aussi aliénée que possible. Elle voulait tout, rien, ce qui pouvait être nommé comme ce qui se trouve être interdit, ce qu'elle possédait déjà comme les choses qui lui manquaient dans sa collection. Elle voulait la paix et la fin du monde, le commencement comme la fin de son univers, la vérité comme le mensonge.

Et c'est dans la forêt qui la conçurent. Après que le nouvel Yog-Sothoth pris possession d'elle grâce à ses multiples appendices. Après que la reine en jaune crie sa jouissance sous la lune. Après que la clé qui reposait en Victoire passa de son corps à celui du Dieu qui ouvre les portes.

La portée qui devra se nourrir du monde.

Il se pensait sans coeur et il est vrai qu'il en avait pas.
Il savait tout et comme un journaliste avec froideur et sans pitié, il relaterait tout. Il croyait pouvoir les stopper dans leur ascension. Mais après avoir vu la scène qui se déroula devant ses yeux, il préféra partir. Partir de l'autre côté, vers le Nouveau Monde et relater ce qui venait de se passer. Comme ça les gens sauraient. Ils sauraient que la vérité qui s'ouvre à eux depuis toujours n'est plus la même. Plus depuis ce jour-là.

Le Chaos Rampant était un Dieu qui vivait à l'extérieur de tout. N'appartenant ni aux Très Grands, ni aux Grands Anciens, il n'en demeurait pas moins important.
Il pouvait voyager à travers les multiples espaces et les nombreuses frises chronologiques. Il n'était pas opprimé dans une prison mais il n'en demeurait pas moins un serviteur.
Nyarlathotep servait Azathoth. Maître Blasser le servait aussi. Et c'est en commun accord qu'ils avaient collaborer l'Apocalypse.
C'étaient eux qui tiraient les ficelles depuis le début.
Eux qui avaient tout planifié, programmé, ordonné. Et ceux depuis de nombreuses années. Le Chaos Rampant était devenu l'oeil et la voix du Grand Azathoth et Blasser lui obéissait sur terre.

C'est Nyarlathotep qui sous sa forme d'ombre ténébreuse avait persécuté Wendy Adams. Lui qui lui avait insinué dans son coeur la méfiance envers son protégé, son « frère », pour qu'elle se sépare du collier, ayant trop peur qu'il ne la prive de son pouvoir. Lui, Le Chaos Rampant, qui l'avait tué.
C'est également lui qui à été trouvé l'abbé Prieur, encore jeune moine à l'époque, et c'était lui qui lui avait mis dans les mains l'art du culte de Cthulhu.
Et c'était lui, encore une fois qui lui avait fourni les anciens oblats devenus à ce jour les frères Constant et Maynard.
Et surtout, c'est lui qui avait donné les statuettes à Maître Blasser pour que Dagon s'en prenne au village.

Quand à Maître Blasser, c'était un ami de longue date de l'abbé, de très longues dates même.
En cherchant les Grands Anciens, ils avaient trouvé la véritable connaissance du monde, mais aussi la longévité.
Mais cette vie plus longue, avait un pris à payer. Une foi inéluctable en un Dieu que lui et Prieur devront servir et ne jamais remettre en question. L'un avait choisi le Tentaculaire, l'autre le Grand Tout.

A la naissance de ses jumeaux, Blasser avait donné son fils pour qu'il devienne la connaissance et sa fille pour qu'elle devienne la plus incroyable des reines.
Ils ne les avaient jamais séparé, ils les avaient poussé l'un dans l'autre pour que ses jumeaux s'aiment et surtout pour que la tâche sois moins facile quand le jour de concevoir la première de toutes les portées arriverait.
Et ce sera lui qui mettra en scène la Fin.

La mer était magnifique. Le vert des algues et de la moisissure, les os des poissons crevés et l'encre des seiches éventrées la recouvrait d'un doux manteau.
Elle était redevenu calme depuis que les profonds après avoir décimé le village et répandu leur fléau, sont tous repartis en elle, le divin océan suivi de leurs Dieu Dagon.

Le vent était frais, d'une humidité et d'une moiteur qui vous prend à la gorge et bloque votre respiration.
Le soleil crépusculaire, décroissait, laissant place à la lune pleine dans le ciel.
L'astre après avoir perdu dans son mariage, ne possédait plus ni de chaleur, ni de rayons. On lui avait tout pris.

Maître Blasser se tenait là, ses enfants à ses côtés. Une masse tentaculaire et difforme à gauche. Sa fille, pâle comme la mort, les yeux vitreux cernés de noir et les cheveux arrachés, revêtu d'une simple étole jaune à droite.

La famille Blasser au complet, perchée sur la côte, devant la grandeur d'une mer en putréfaction qui ne veux pas mourir.
La famille Blasser, avec ses membres déchirés, corrompus jusqu'à l'os dans la pire folie et luxure, qui chacun son tour, clame haut et fort l'unique invocation. Celle qui les réveillera tous et nous entraînera tous dans le pire des cauchemars.

D'abord il entendit comme une clé qui cliquetait dans sa serrure, peinant, se débattant avec elle-même dans une lutte impossible pour s'ouvrir. Puis, un son discordant, traînant de deux immenses portes aux gonds rouillés, détruits par les ans qui peinaient à s'ouvrir. Ensuite vint la douce odeur du sel, puis celles de cuivre sanglant de ses larves qui revinrent à lui, dans son giron pour lui donner la force de sortir de son rêve et de se lever.
Cthulhu venait d'arriver.

Sa mission fini, la porte qu'il avait pour mission d'ouvrir, ouverte sur R'lyeh, et celle menant vers les cieux à peine entrouverte, Yog-Sothoth repartit. Laissant derrière lui le cadavre verdâtre et luisant de son hôte depuis tant d'années. Sans une once de remords.
Le ventre arrondit par une portée qui arriverait bientôt à terme, Victoire se sentit happé dans les airs.
Les Byakhees, mi-oiseaux, mi-chauves-souris, pourvus de leur gueule immonde et leurs ailes membraneuses et noires, emmenèrent leur reine vers un endroit où elle élèverait au mieux ses multiples enfants qui une fois devenu grand, changeront le monde de l'intérieur par le biais de la famine et de ses nombreuses formes.

Seul Maître Blasser était resté face à la mer qui commençait à se déchaîner.
Il n'avait pas encore achevé sa mission, ce pourquoi il avait lui aussi vu le jour.

C'est alors qu'une tête tentaculaire surgit à travers les flots.

L'Apocalypse selon CthulhuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant