Acquittement !

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Qu'est-ce que j'ai fait ?

Cette question hante mes pensées durant les mois qui suivent. J'ai la nostalgie des mes journées banales. De ma vie ordinaire. Cela fait 5 mois que je croupie dans une cellule et que je suis réveillé par l'haleine nauséabonde d'un mastodonte aux bras tatoués, au menton barbu et au se... la description de son physique ne peut pas aller plus loin. Les nuits sont longues.

Cet après-midi j'assisterai à mon procès. Aussi celui de mon fils. D'après mon avocat, à qui je n'adresse plus la parole pensant que je suis indéfendable, je risque 20 ans, avec 18 de sûreté. Pas assez à mon gout. Je mérite l'échafaud... Meurtre sans préméditation, avec circonstances atténuantes : dépression. La disparition de ma femme et ma fille m'aurait fait disjoncter. Plusieurs amis et membres de ma famille témoigneront dans ce sens. Je n'y crois pas une seconde. Déprimé ? Moi ? Je trouvais ma vie minable mais je n'étais pas déprimé.

Qu'est-ce que j'ai fait ?

J'ai eu le temps de cogiter du fond de ma geôle au pourquoi du comment ? Au pourquoi "j'ai tué mon fils" (titre). Pour un paquet de gâteau qui traînait ? Pour un goûter de trop ? Pour une bouteille de jus renversée ? Tout cela est surréaliste. Ignoble. Impossible. Quitte à tuer son enfant, autant avoir une raison valable. Une raison indiscutable. Une raison pour laquelle même sa mère aurait pu me dire : "Ah oui ! Tu avais raison !". Mais à ma connaissance aucune raison n'est suffisante pour justifier ce crime atroce... même s'il avait tué lui-même sa sœur.

"Qu'est-ce que vous avez fait ? "

Voilà la question à laquelle je dois répondre pendant ce procès. A laquelle tout le monde doit répondre. Les différents experts exposent leurs compte-rendus à la barre. Me confondant très clairement. Les témoignages des proches enfoncent le clou : je suis irascible. Dépressif. Nerveux. Mon fils avait peur de moi. Ah bon ? Je découvre une tableau très terne de ma personne. Je suis stupéfait. Et soulagé. Peut-être que tout ça est logique. Je suis un sale type. Qui a détruit toute sa famille. C'est ce que je dis quand je suis appelé à la barre.

Je décrit la journée. Le reste de ma vie. La disparition de sa mère et de ma fille deux ans auparavant. L'avocat, malveillant, de mon fils rappelle les soupçons qui avaient pesés sur moi à l'époque. Balayés d'un revers de voix par le juge et mon avocat. Aujourd'hui, j'aurai même pu endosser ça. Je dis tout. Je ne nie rien. Je me jette la tête la première vers un avenir derrière les barreaux. Tout ce que je mérite. Je vois mon avocat s'agiter. Il a l'air mal à l'aise. Je ne lui ai jamais parlé. J'ai toujours refusé. Mais lui est quand même là pour me défendre. Je termine mon monologue en m'accusant une dernière fois :

"J'ai tué mon fils, je suis un monstre, je mérite la perpétuité".

Alors mon avocat est pétrifié. Une stupeur se propage dans l'assemblée. Et le juge me regarde l'air dubitatif. Puis me lance :

"Vous plaider 'non coupable' je vous rappelle... pourquoi vous accusez-vous ?"

Quoi ? Non coupable ? Je regarde mon avocat qui hoche la tête. Je regarde ma famille, eppleuré qui ne comprend rien. Je ne comprends rien ! Je suis reconduit à ma place, mon avocat me souffle un mot :

"-Si vous aviez voulu m'écouter je vous aurais dis que vous étiez innocent et qu'on plaidait non coupable.

-Mais je l'ai tué... je m'en souviens, merde !

-Oui mais vous étiez sous l'effet de psychotrope !"

Des psychotropes. La benzodiazépines. Retrouvées en quantité astronomique dans mon sang. Un médecin toxicologiste confirmera. Un comportementaliste démontrera que ce psychotrope peut conduire à des emportements violent. Et alors que tout semblait me conduire au trou et après trois jours d'un procès que je croyais à sens unique le verdict, tout droit sortit de la bouche du juge tombe :

ACQUITTEMENT !

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Pourquoi j'ai tué mon fils.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant