Chapitre 8 : Coups et blessures

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Jason

Aisling commence à lentement s'endormir vers la fin du deuxième film. Je n'ose pas lui faire remarquer et lui dire d'aller se coucher dans mon lit. J'ai peur qu'elle ne fasse de nouveau cauchemar si elle décide de retourner là-bas. Je garde donc le silence et jette un coup d'œil de temps à autre dans sa direction pour voir à quel moment elle se sera endormie. Mais il s'avère que je n'ai pas besoin de la regarder, je m'en rends compte sans problème quand sa tête vient se poser sur mon épaule. Je ne bouge pas d'un poil pendant les premières minutes de peur de la réveiller, je continue de regarder le film qui se termine. Je réfléchis à ce que je dois faire, si je dois me lever lentement en l'aidant à se coucher sur les coussins du canapé et prendre le lit, ou bien ne pas bouger et terminer la nuit dans cette position. Ce ne sera sûrement confortable pour aucun de nous, mais si c'est la seule façon qu'elle dorme alors je n'hésiterais pas.

J'éteins la télé quand le film se finit. J'hésite et décide finalement d'essayer de bouger pour la laisser s'allonger entièrement sur le canapé. J'ai à peine remué qu'Aisling se met à bouger. J'ai peur de l'avoir réveillé, mais elle me surprend en s'allongeant d'elle-même comme je l'avais prévu, à un détail près, sa tête est désormais posée sur ma cuisse. Je n'ai dorénavant plus aucune hésitation, je ne vais pas bouger d'ici et la laisser dormir.

J'attrape mon téléphone que j'avais délaissé sur l'accoudoir depuis un moment et vérifie l'heure. Il est presque quatre heures, ce sera encore une nuit courte, ce n'est pas comme ci je n'avais pas l'habitude. Je presse l'icône des mes messages et décide de répondre au SMS que Griffin m'a envoyé beaucoup plus tôt et auquel je n'ai pas eu le temps de répondre, avant d'avoir trop la tête ailleurs pour le faire.

Griffin : C'était quoi ce bordel aux urgences ? Tu étais encore là quand c'est arrivé ? Je voulais me lever et voir mais Sarah m'a menacé de me foutre un coup de pied au cul si je me levais...

Je ricane silencieusement en relisant le passage sur Sarah, sa femme a beau être menue et faire la moitié de son mari, elle lui fou une trouille monstre quand elle le menace puisqu'il sait parfaitement qu'elle les mettrait à exécutions sans le moindre remord. Elle a suffisamment peur pour son mari quand il travaille, je me doute bien qu'il n'était pas question pour elle qu'il se mêle de quoi que ce soit alors qu'il était dans un lit d'hôpital, même s'il n'avait rien de grave.

J'essaie de répondre sans entrer dans les détails, il sera au courant bien assez vite quand j'irais lui rendre visite.

Jason : Un connard qui prenait sa copine pour un punching-ball, j'ai aidé la femme. Le renfort est arrivé et il n'a clairement pas été content.

Je ne lui avoue rien d'autre. Je n'ai pas envie de lui dire que cette femme est actuellement en train de dormir sur moi, qu'elle me donne envie de la garder à l'abri de tout, et que je voudrais me charger personnellement du cas du connard en question. La vibration de mon portable me sort de mes pensées qui m'entrainait au mauvais endroit. Je suis surpris de voir que mon ami m'a déjà répondu.

Griffin : Superman, toujours au bon endroit au bon moment. Comment ça s'est passé ? Il ne s'est clairement pas laissé faire, combien d'insultes tu as reçu en le foutant en cellule ?

Jason : Qu'est-ce que tu fous encore réveillé à cette heure-ci ? Je ne sais pas comment ça s'est passé... Je ne m'en suis pas occupé.

Je n'ai pratiquement aucun doute sur le contenu du prochain message que je vais recevoir, et je crains devoir en dire davantage que je n'avais prévu.

Griffin : JASON ! Tu te fous de moi ?! Tu n'étais pas au cœur de l'action !? C'est une blague, c'est ça ? Qu'est-ce que tu aurais bien pu faire d'autre au juste ?

Un deuxième SMS arrive avant même que je ne puisse répondre.

Griffin : Et pour répondre à ta question : tu sais à quel point c'est dure de dormir quand tu as un bleu de la taille d'un melon sur le cul ! Ça fait un mal de chien mon pote. Je ne peux rester que d'un seul côté et j'en suis au point d'avoir des fourmis dans la fesse non atteinte !

Je me marre en essayant de bouger le moins possible pour ne pas déranger Aisling, je jette un coup d'œil sur elle et sers les dents en voyant à nouveau son arcade abîmée. Chaque fois que je pose les yeux sur sa blessure j'ai des envies de meurtre, alors je détourne le regard et le pose un instant sur son corp frêle. D'abord sur ses bras remonté près de son visage, la marque que Ben a laissé sur son poignet est toujours visible, je l'imagine la tenir alors qu'il la menace ou la frappe et je soupire en tentant de respirer plus calmement, voir ça ne m'aide pas à oublier son visage tuméfié. Je détourne encore le regard, le tee-shirt blanc que je lui ai prêté remonte sur ses côtes, je m'apprête à lui remettre pour qu'elle n'ait pas froid. Quand je l'aperçois...

Un hématome clairement récent s'étale sur son flanc, je mettrais ma main à couper qu'il date de quelques heures seulement et qu'il a été fait en même temps que le reste, je suis convaincu qu'Aisling n'en a pas parlé aux médecins à l'hôpital. Un coup à cet endroit, suffisamment puissant pour lui laisser un bleu comme celui-ci a dû lui faire un mal de chien, ça doit d'ailleurs toujours lui faire mal, et pourtant je ne l'ai pas vu une seule fois se plaindre ou flancher. Je me demande ce qu'elle a pu subir d'autre qui n'a jamais été reporter dans son dossier médical. Y penser me file des frissons le long de la colonne. C'est la goutte de trop, il faut que j'évacue cette rage et que j'en parle à mon ami. J'abaisse le vêtement le plus doucement possible et me concentre à nouveau sur mon portable.

Jason : J'étais avec elle. Merde Griffin, je suis encore avec elle. Elle est chez moi, il n'y avait pas d'autre choix. Elle s'est endormie, j'ai vu son dossier, ses blessures, anciennes et récentes. J'ai pu voir comment son mec l'a détruite en à peine quelques heures ! J'ai envie de lui faire la peau... Comment personne n'a rien vu !? En cinq minutes je me suis rendu compte que quelque chose clochait, merde !

J'envoie sans même relire et regrette déjà. Griffin ne va pas laisser passer ça, et quand je reçois sa réponse quelques minutes plus tard j'hésite à ouvrir le message. Pourtant je me lance en prenant une grande inspiration.

Griffin : Ce monde est fait comme ça, c'est malheureux mais on ne peut rien faire de plus que notre métier pour éviter que ça continue. On voit pire chaque jour mon vieux, on est déjà tombés sur des cas comme ça plus d'une fois, alors qu'est-ce qu'il y a de si spécial pour que tu réagisses de cette façon ? Ne me dit pas que tu t'es entiché de cette fille ? C'est la catastrophe assurée si c'est le cas, tu le sais n'est-ce pas ?

Je ne réponds pas et fixe à nouveau Aisling qui dort paisiblement. Elle ne remue pas comme elle le faisait dans le lit pendant son cauchemar, son visage a presque l'air serein. C'est une femme magnifique si on omet son arcade abîmée. Elle ne mérite pas de craindre qu'on la touche, elle devrait se sentir aimé...

Merde ! Cette fille m'attire étrangement, Griffin a vu juste, mais il a raison ce serait la catastrophe assurée si je me laissais aller à ce que je ressens. Ce n'est pas que l'envie de la protéger que je ressens, c'est ce besoin de lui montrer qu'elle peut être aimé sans avoir peur. Il faut que je chasse ces idées de mon esprit, la dernière chose dont elle aurait besoin est d'un officier, beaucoup trop vieux pour elle, s'amouracher d'elle.

Mon portable me distrait encore une fois. J'ai visiblement été perdu dans mes pensées un peu plus longtemps que je ne l'imaginais. Mon ami m'a de nouveau envoyé un message.

Griffin : Putain. J'ai tapé dans le mil pas vrai ? Faut qu'on parle mon vieux...

Je soupire. Je n'ai pas envie de lui confirmer quoi que ce soit, alors je me contente d'une réponse courte avant de mettre mon portable en silencieux et de me mettre le plus à l'aise possible sans réveiller Aisling.

Jason : Je passerais demain.

Relève moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant