Chapitre 11 : C'est son boulot

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Je n'arrive pas à quitter Jason des yeux quand il part à reculons. Lui non plus ne me quitte pas du regard. Cette gêne qui me fait d'habitude baisser la tête pour échapper à son regard pénétrant ne se fait étrangement pas ressentir cette fois ci, je sens quand même que je rougis, surtout quand je vois ses lèvres s'étirer lentement, mais ma tête reste haute. Son regard change tout d'un coup quand il s'aperçoit que je n'ai pas l'intention de baisser les yeux, il s'arrête et j'ai presque l'impression qu'il a envie de faire marche avant, de venir vers nous, vers moi ? Je ne bouge pas même quand je vois la détermination dans son regard, mes pieds restent ancrés au sol, et je me rends compte que je ne tremble pas, que je n'ai pas peur. L'intensité de son regard sur moi ne me perturbe pas, au contraire. Peut-être que s'il décidait de s'approcher, à ce moment précis, en le voyant venir, je ne bougerais pas. Je le laisserais faire.

Mais ce moment se brise, il tourne la tête le premier. Il regarde son amie, je ne sais pas ce qu'il voit sur le visage de celle-ci mais il fronce un instant les sourcils et se retourne précipitamment pour disparaitre dans le couloir. Il se rappelle sûrement ce moment sur le canapé, il doit se dire que ça n'en vaut pas la peine, que je n'en vaux pas la peine. Il faut que j'arrête de penser à lui comme je le fais, comme ci, après aujourd'hui j'aurais l'occasion de le revoir, de lui parler, de le connaitre davantage...

Sarah me regarde tendrement quand je sors de mes pensées et tourne la tête vers elle. Elle sourit et s'approche lentement vers moi avant de poser une main sur le haut de mon bras et de me le frotter doucement. Son regard semble m'indiquer qu'elle lit parfaitement en moi. Je suis prête à entendre de cette inconnue que son ami n'est pas fait pour moi, qu'il faudrait que j'arrête de le regarder comme ça. Mais elle ne dit rien, elle me surprend simplement en attrapant ma main et en me demandant de la suivre. Elle m'entraine à sa suite dans la chambre de Jason où j'ai passé le début de ma nuit puis pose le sac rempli sur le lit avant d'en sortir une pile de vêtements de se tourner vers moi.

― Alors, qu'est-ce que tu aimerais mettre ?

Je souris de toute mes dents sous cette simple question, non pas que je me fiche vraiment de ce que je pourrais porter, mais ce simple tutoiement, cette réelle envie qu'elle a de savoir me fait du bien, me donne l'impression que pour un instant, j'ai une amie avec moi, et je n'avais pas ressenti ça depuis une éternité.

Je m'approche du lit et observe les vêtements sans oser les toucher. Je suis dans mes pensées, j'ai cette envie que cette matinée ne se finisse pas, que cette bulle qui s'est créé depuis que j'ai mis les pieds chez Jason ne se brise jamais et j'ai surtout l'envie d'oublier que ce n'est pas possible. Je vais devoir aller déposer plainte dans peu de temps, et qu'après ça plus rien ne sera sûre pour moi. Je ne sais pas où je serais, je ne sais avec qui je serais, je ne sais rien du futur qui m'attends, et ça, ça me terrifie encore plus que tout ce qui m'est arrivée jusqu'à maintenant.

Quand mes parents sont décédés je savais ce que j'avais, je n'étais pas à la rue, pas sans le sou, j'avais un avenir presque tracé. Un diplôme que je voulais décrocher, un métier que je voulais obtenir. J'avais peur de vivre sans mes parents, mais ça n'était pas terrifiant, beaucoup l'ont fait avant moi, je devais juste m'accrocher à ce que je voulais pour mon futur.

Quand Ben est entré dans ma vie et que tout a commencé à changer, que son agressivité c'est amplifié et que je me suis coupée du monde, j'avais également peur, mais je n'ai jamais été terrifié. J'avais toujours ce toit sur ma tête, bien que Ben s'occupait désormais de mon argent je ne manquais pas vraiment de quoi que ce soit. Mon avenir était devenu incertain certes, mais jamais flou. Je savais que je finirais soit par rejoindre mes parents -et j'en avais souvent envie- soit il se lasserai et partirai. J'aurais récupéré mes biens et j'aurais à nouveau avancé.

Relève moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant