Chapitre 3 : Et maintenant ?

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Jason ne me brusque pas quand je refuse de bouger. Même quand je sais que Ben n'est plus dans l'enceinte de l'hôpital je n'arrive pas à me résoudre à quitter la sécurité de cette pièce.

Qu'est-ce qui m'attendra une fois que je sortirai d'ici ? Je n'ai rien. Ben m'a coupé de tout et de tout le monde au fil du temps, pour être sûr que je sois dépendante de lui, que je ne puisse pas partir.

Il faut que je me décide à bouger, je n'en ai absolument pas envie mais je suis à l'hôpital, dans une pièce des urgences qui plus est. Il y a forcément des gens qui ont besoin d'être là plus que moi. Alors même si j'aimerais rester encore longtemps caché ici, je me lève finalement, m'appuyant au mur à cause de mes jambes encore tremblante. Jason se redresse en même temps que moi et reste à mes côtés.

― Qu'est-ce que je dois faire maintenant ? je demande la tête baissée.

― D'abord vous allez passer la nuit à vous reposer, je pense que vous en avez vraiment besoin. Ensuite, il faudra aller faire votre déposition au poste demain. Je ne vais pas mentir, ce ne sera probablement pas facile pour vous, il faudra tout nous raconter.

Je recommence à trembler de plus bel alors qu'il continue de parler, je ne l'écoute plus. Tout ce qui reste dans mon esprit est le « il faudra tout raconter », tout ce que Ben m'a fait subir depuis plus d'un an expliqué à des inconnus. Je ne pense pas que j'en serais capable, je n'ai déjà pas été capable d'en parler à mes amies quand tout a commencé, qu'est-ce qui sera différent maintenant ?

― Aisling ?

Deux mains se posent sur le haut de mes bras et je sursaute en me reculant, me cognant contre le mur au passage. Je ne supporte pas qu'on me touche, encore moins quand on me surprend comme ça. J'étais bien trop dans mes pensées pour voir l'homme en face de moi bouger. Ses bras retombent d'ailleurs contre ses flancs, j'ose lever la tête un instant pour examiner son visage, son regard est rempli de pitié, sa mâchoire est serrée et ses lèvres sont pincées dans une ligne fine. Ma réaction doit lui faire comprendre à quel point Ben m'a traumatisé.

― Je suis désolé, je n'aurais pas dû vous toucher.

― C'est ... ce n'est rien.

Je mens en tentant de calmer mes tremblements. Jason se recule et me propose de sortir d'ici. Je le suis et me retrouve rapidement à nouveau dans la salle d'attente qui s'est rempli. Je m'assoie sur une des chaises en soufflant, coudes posés sur mes genoux, je plonge ma tête dans mes mains pour tenter de me cacher, de plonger dans le noir et d'oublier un instant ce qui vient de se passer. J'entends et je sens Jason s'assoir à côté de moi.

― Je vais passer un coup de fil au centre pour vous trouver une place rapidement, m'annonce-t-il, je serais juste devant la porte si vous avez le moindre problème, d'accord ?

J'hoche la tête, le visage toujours enfoui dans mes mains, sans même savoir s'il me voit. Mais puisqu'il se lève je pense qu'il a vu. Je reste dans la même position, sans oser bouger, depuis je ne sais combien de temps, quand j'entends à nouveau quelqu'un s'assoir à côté de moi. Je relève enfin la tête juste pour m'assurer que c'est bien l'officier qui vient de me sortir de deux ans d'enfer plutôt qu'un inconnu. Jason me fixe, une moue déconfite au visage, je crains qu'il n'ait pas de bonne nouvelle à m'annoncer.

― Il n'y a plus aucune place à cette heure-ci, il faut que je rappelle demain. Vous avez le choix de passer la nuit chez vous, votre... compagnon sera en cellule toute la nuit donc vous n'avez aucune crainte à avoir. Sinon on peut vous trouver une chambre d'hôtel, ou si vous avez quelqu'un qui peut vous héberger pour la nuit ?

― Je n'ai personne, pas d'argent pour me payer quoi que ce soit, et Ben a les clés de l'appartement, je ne les ai pas.

Je commence à me ronger un ongle sous le coup du stress supplémentaire, en plus de me retrouver sans rien, je me retrouve également à la rue. Je pense que cet anniversaire va officiellement de mal en pis. Si une autre mauvaise nouvelle s'ajoute à la liste je ne sais pas comment je réagirais.

Relève moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant