Épilogue

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Une semaine plus tard.

Tout.

Il m'a absolument tout laissé.

Je ne veux pas assister à ça. Je ne veux pas voir ce notaire, je ne veux voir personne qui me rappelle que tout est bien vrai. Que Jason n'est vraiment plus là. Qu'il ne le sera plus jamais. Mais j'y suis obligée, c'est à moi qu'on doit parler de tout ça. Et même si Griffin et Sarah sont près de moi, je n'arrive pas à supporter ce qu'on me raconte. Jason m'a tout légué. Tout ce qu'il possédait et plus encore. L'assurance vie qu'il avait contractée bien longtemps avant de me connaitre a été modifiée pour que j'en sois l'héritière, tout l'argent qui se trouve sur ses comptes, tous ses biens, Van Gogh. Tout.

Je n'ai pas envie d'y croire parce que tout deviendrait encore plus réel.

Malgré l'incinération qui a eu lieu la veille je refuse toujours d'y croire. Le déni. C'est dans la phase de deuil dans laquelle je suis apparemment. J'ai entendu Griffin en parler à Sarah hier soir alors que je faisais semblant de dormir sur leur canapé. En vérité je ne dors pratiquement plus. Dès que je ferme les yeux les images reviennent en boucle et me donne envie de hurler. Je ne vois plus que du rouge quand je suis censée être dans le noir. Je ne vois plus qu'une arme pointé sur nous. Je ne vois plus que Ben qui tire. Jason qui s'écroule. Et je n'arrive pas à penser à autre chose que le fait que c'est de ma faute, que s'il ne m'avait jamais rencontré il serait encore en vie, que Van Gogh ne serait pas autant déprimé que moi. Ce pauvre chien qui a connu son maitre depuis qu'il n'avait que quelques semaines ne me quitte plus d'une semelle, je ne peux plus faire un pas sans qu'il soit contre moi. Il ne mange que si je reste près de lui, refuse que quiconque le sorte, dort à mes côté, le plus souvent le museau contre mon ventre. Je suis sûre qu'il a senti qu'une part de Jason grandit en moi et il veut protéger ce petit être parce qu'il n'a pas pu protéger son maitre. Lui ne comprend pas que c'est de ma faute, s'il savait il ne serait pas près de moi.

— Il y avait aussi cela pour vous.

J'entends la voix de ce notaire mais je ne réagis pas à ses mots. Je me contente de caresser le crâne de Van Gogh. Je vois Griffin du coin de l'œil tendre le bras et attraper ce que l'homme voulait me donner. Une enveloppe si j'en juge par ma vision toujours brouillé, encore des papiers, j'ai l'impression d'être enseveli sous une montagne de paperasse depuis plusieurs jours et je n'en peux plus.

Je pense avoir seulement cligné des yeux, mes quand je les ouvre à nouveau je ne suis plus en face du notaire. Seul Sarah est avec moi et Griffin est hors de portée de vue. Van Gogh, lui, est toujours positionné près de moi et ne bouge pas. Sarah m'observe, les larmes aux yeux, tenant l'enveloppe à la main.

— Tu m'en veux ? je lui demande parlant pour la première fois depuis ce qui me semble des heures.

Elle est surprise, ses yeux s'agrandissent puis elle me répond :

— De quoi je devrais t'en vouloir ?

— De tout. Ton meilleur ami, que tu considérais comme ton frère est mort parce qu'il m'a rencontré, et par-dessus le marché il m'a tout laissé. Si je n'avais pas été là, je suis sûre que c'est à vous qu'il aurait tout légué.

Sarah s'approche de moi et passe un bras autour de mes épaules pour me serrer contre elle, je la laisse faire mais je suis toujours incapable de lui rendre son étreinte. Je ne supporte à nouveau plus les contacts, de quiconque, je ne veux plus qu'on me touche, je ne veux plus sentir ce réconfort et cette pitié, je veux qu'on me laisse me morfondre seule encore quelques temps. Mais je sais que ma meilleure amie ne fait pas son deuil de la même façon.

— Aisling, soupire-t-elle. Tu es la femme dont Jason est... était fou, qu'il t'ait tout laissé est logique et en aucun cas je ne pourrais t'en vouloir pour ça. On se fiche de l'argent. Et jamais l'idée de t'en vouloir de sa mort ne m'a traversé l'esprit. Ce n'est en rien de ta faute et j'espère qu'un jour tu le comprendras et tu arrêteras de le penser. Il t'aimait et il n'aurait jamais voulu que tu te mettes ça en tête, crois-moi. Grâce à toi je l'ai vu heureux, vraiment heureux, plus que je ne l'avais jamais vu auparavant alors je sais que ses derniers jours étaient bon, qu'il n'est pas parti en regrettant quoi que ce soit. C'était trop tôt pour lui, toi comme moi on le sait parfaitement, c'est injuste, et ça nous fais vraiment mal, mais il était heureux, c'est toi qui lui a donné ça, alors non je ne t'en veux pas. Griffin ne t'en veut pas. Personne ne t'en voudra jamais.

Relève moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant