Sarah fut étonnée de ne voir ni anges ni démons quand elle ouvrit les yeux. Sa tête bourdonnait et sa vision mit quelques instants à redevenir claire. Elle ne voyait qu'un plafond nu et sentait sous son corps un sol irrégulier. De la poussière voletait autour d'elle et elle reconnut l'intérieur de l'épicerie où elle était venue chercher de la nourriture.
Que s'était-il passé ? Elle se souvenait avoir été attaquée par des pillards mais ils n'étaient pas du genre à laisser leurs victimes vivantes ou en relativement bonne santé. Le sifflement qui vrillait ses oreilles s'estompa, laissant la place à un silence seulement troublé par des bruits discrets venant de sa gauche.
Elle tenta de se relever mais sa tête tournait trop.
- Restez allongée encore quelques instants, le temps que vous vous sentiez mieux, dit alors une voix d'homme.
Il apparut au-dessus d'elle, bel homme barbu au visage fin et aux cheveux longs. Ses yeux étaient d'un bleu profond et il irradiait de lui tout un tas de choses agréables que Sarah n'aurait pu décrire. Elle savait seulement qu'elle ne devait pas avoir peur de lui.
- Vous n'êtes pas un pillard, dit-elle plus pour elle-même.
Il lui montra dans ses mains des brioches qu'il avait probablement trouvées dans les décombres de l'épicerie où ils se trouvaient tous les deux.
- Je suis un gentil pillard, sourit-il en lui tendant une brioche. J'ai trouvé ça et même une bouteille de vin dans ce capharnaüm.
- Il n'y avait rien à manger quand j'ai cherché tout à l'heure, remarqua-t-elle.
- Je suis plutôt chanceux pour ce genre de choses. L'avantage d'avoir été élevé dans les bois. Je m'appelle Christopher Therazan au fait, dit-il alors que Sarah prit la brioche de ses mains et commença à la manger. Chris, si vous préférez.
- Merci Chris de m'avoir sauvée. Moi, c'est Sarah se présenta-t-elle en lui tendant la main qu'il serra après un temps d'hésitation, comme si, au milieu de ce monde de chaos, la moindre notion de politesse lui était devenue déplacée, sinon étrangère.
- Enchanté de faire votre connaissance en ce dernier jour, Sarah, fit-il avec un sourire triste.
Ils mangèrent en silence pendant un petit moment, lui semblait être sur ses gardes, surveillant l'extérieur de l'épicerie.
- Vous ne semblez pas être du coin, Chris. Que fait un gentil pillard à New York surtout aujourd'hui ? Vous ne passez quand même pas votre dernier journée sur Terre à sauver des jeunes femmes en détresse ?
Il reporta ses yeux sur elle et la regarda comme s'il la voyait pour la première fois avant de rire doucement.
- En fait si. Je suis venu ici pour retrouver ma femme et ma fille.
- Il ne reste plus beaucoup de femmes en ville, vous savez. Les hommes sont partout et si vous ne m'aviez pas sauvée, j'ose même pas imaginer ce qu'ils me feraient en ce moment.
- Je sais qu'elles sont encore ici, je veux les retrouver à temps pour les voir une dernière fois. Qu'est-ce que vous, vous faites ici ? demanda-t-il après une pause.
- Ma grand-mère ne peut pas se déplacer donc nous sommes restées. Pour ce que cela changera au final.
- Amen, souffla l'homme.
- Vous savez où se trouve votre famille au moins ? Je veux dire, New York est plutôt grande, surtout pour un étranger comme vous.
- Je n'ai que cette adresse dans le Bronx, fit-il en lui tendant une feuille de papier qu'elle regarda.
- Je vois où c'est mais ce ne sera pas facile de vous y rendre. Je peux vous accompagner si vous voulez, j'habite sur le chemin.
**
Non, je ne veux pas que vous m'accompagniez, c'est ce que Christopher aurait du répondre. La règle de base quand il s'agissait de se déplacer avec efficacité et rapidité dans un environnement hostile était d'être seul et surtout pas en groupe. Mais il l'avait quand même laissée l'accompagner et ensemble ils marchaient à présent à couvert entre les monceaux de déchets qui jonchaient les rues apparemment désertes de New York.
- Vous étiez où quand on a annoncé la fin du monde ? Lui demanda-t-elle alors en chuchotant. J'ai toujours pensé qu'ils auraient dû nous cacher cela que l'on puisse finir nos vies tranquillement même si je peux comprendre aussi pourquoi ils nous l'ont dit.
Il ne voulait pas répondre, pas tant qu'ils ne seraient pas en sécurité. Il ne décocha donc pas un mot se contentant d'observer les environs.
- Ok, pas envie de parler, c'est noté, ajouta-t-elle avant de se taire.
Elle lui indiqua une rue sur la gauche.
- Nous sommes bientôt arrivés chez moi, ce n'est plus très loin.
Ils n'avaient croisé aucun groupe de pillards depuis qu'ils étaient partis mais on pouvait voir partout sur le sol des postes de TV éventrés au milieu d'autres gravats et Christopher aperçut un bras sans vie dépasser d'une carcasse de voiture qui avait été ensevelie par d'autres débris. Il espéra que Sarah ne le verrait pas, sans succès. Elle arrêta sa marche une fraction de seconde puis continua comme si de rien n'était. La fin du monde imminente avait aussi cette fâcheuse habitude de tout relativiser.
- C'est ici, fit-elle en montrant un immeuble délabré dont la plupart des fenêtres avaient été brisées, sauf certaines dans les étages supérieurs. Christopher allait entrer quand elle l'arrêta.
- Pas par la porte d'entrée. Les locataires du quatrième étage ont démoli l'escalier et la cage d'ascenseur pour éviter que les pillards ne montent. Il faut passer par l'échelle de secours, dans la ruelle là.
Il hocha de la tête et la suivit. Elle sortit de son sac à dos une sorte de grappin qui semblait avoir été fait maison à partir de cintres et de ceintures avant de l'envoyer dans les airs, jusqu'à l'échelle située environ trois mètres plus haut.
Elle réussit du premier coup à atteindre l'échelon et tira sur la corde pour abaisser l'échelle.
- Je n'ai pas toujours été aussi chanceuse. Les premières fois furent un vrai calvaire, dit-elle avec un sourire.
- Votre grand-mère a de la chance de vous avoir, vous savez.
- Nous sommes tous les deux bien placés pour savoir ce que nous sommes prêts à faire pour notre famille. Vous montez ?
Christopher hésita en jetant un coup d'œil à sa montre. Plus que huit heures et quinze minutes, un peu plus de trois heures avant la première vague d'astéroïdes. Le temps pressait mais il accepta quand même. Il n'avait eu de relations amicales avec quelqu'un depuis bien longtemps.
- Je ne vous retiendrai pas longtemps, dit Sarah. Ma grand-mère voudra connaître l'homme qui m'a sauvé la vie.
Avec agilité, elle grimpa le long de l'échelle, l'attendant en haut pour la remonter quand il arriva près d'elle. Sarah habitait au sixième étage et elle entra la première dans l'appartement avant qu'il ne la suive. Christopher eut l'impression d'avoir fait un saut dans le passé en marchant dans le salon de cette vieille dame. Tout était propre et bien rangé, l'exact opposé du monde extérieur. Il jeta un coup d'œil à certaines photos.
- Grand-mère, je suis rentrée dit Sarah en se dirigeant vers ce qu'il pensa être la chambre à coucher.
Lapremière chose qu'il entendit par la suite fut un cri de terreur.
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Le dernier jour
Mystery / ThrillerIl ne reste que 11 heures avant la fin du monde. Christopher n'a qu'un seul but alors qu'il arrive à New York City : retrouver sa famille avant qu'il ne soit trop tard et surtout, survivre.