Les Jumeaux

15-Transfert

Yana paniquait. Le pouls de Luka ne revenait pas, malgré les décharges électriques qu'un dénommé Adrian qui tremblait de tout son corps se chargeait de lui administrer. Feliks se tenait la tête, chamboulé.

« Comment est-ce arrivé ? Réponds-moi !

- Je vous l'ai déjà dit ! Il a voulu lire dans mes pensées sans me demander ma permission, et je l'ai repoussé ! Je me suis enfuie et quand je suis revenue, il était comme ça.

- Quand tu dis que tu l'as repoussé, c'était physiquement ?

- Non, non c'était mentalement ! »

Feliks la fixa, incrédule.

« Mais enfin c'est impossible ! Je veux dire, personne ne repousse un mentaliste de niveau 4 ! »

Yana ne savait pas comment répondre. Elle voyait le corps de Luka agité de soubresauts inutiles, une équipe entière autour de lui.

Elle voyait un jeune garçon, n'ayant pas plus de 10 ans, agenouillé à côté les joues baignées de larmes. Une femme d'âge moyen lui tenait la main, elle aussi en souffrances. La réalité frappa la jeune fille de plein fouet : c'était sa faute.

Si personne ne repoussait les mentalistes, il devait y avoir une bonne raison. Mais elle, l'avait fait. Et c'était probablement la cause de la mort de son nouvel ami. Maman, papa, Luka. Elle faisait la liste de ceux qui étaient morts par sa faute. Si elle n'avait pas existé, tout aurait certainement été très différent. Mais, alors qu'elle réfléchissait profondément, elle se sentit faible et un voile noir passa devant ses yeux avant de la faire sombrer. Elle perdit connaissance sans prévenir.

« ...a ? Tu m'entends ? »

Revenant à elle, Yana vit qu'elle était allongée au sol, la tête sur un oreiller. Feliks lui tenait la main. Ses yeux mirent quelques minutes à s'habituer à la lumière aveuglante du sous-sol.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Tu as fait un malaise, ce n'est rien.

- Et Luka ? »

L'homme grimaça.

« Il est toujours en état de mort cérébrale. Mais ne t'en fais pas on va le transférer.

- Le...transférer ?

- Il n'a plus d'énergie vitale. C'est ce qui a causé sa mort. La seule solution est de lui en redonner, mais ce n'est pas fiable à cent pourcents.

- Comment vous faîtes ça ?

- Tu vas voir, ce n'est pas très compliqué. Il suffit que chacun d'entre nous prenne une part de l'énergie que nous avons et que nous la transmettions au moyen d'un réceptacle comme toi ou moi.

- Donc vous pouvez ramener des gens à la vie ?

- Grossièrement dit, c'est ça, mais ça ne marche pas à chaque fois. Et surtout ça ne marche que sur des gens avec des pouvoirs. »

Yana hocha la tête. Cela faisait beaucoup d'informations, mais elle trouvait que c'était fascinant. Le regard fixe, elle chuchota :

« Je veux essayer. »

L'homme mit quelques secondes à comprendre de quoi elle parlait.

« Tu viens de faire un malaise, ce n'est pas raisonnable de transférer ton énergie alors que tu es encore faible.

- Je n'en ai rien à faire de ton discours de père inquiet. Aux yeux de la loi je n'existe pas, je n'ai donc d'ordres à recevoir de personne. Je vais lui transférer une partie de mon énergie, que ça te plaise ou non. On y va ? »

Eberlué par l'attitude de ce qu'il considérait comme son élève, Feliks lui tendit une main pour se relever qu'elle éjecta d'un geste. Prenant appui sur ses deux jambes tremblantes, elle se mit debout. Aussitôt sa tête se mit à tourner, et elle faillit perdre l'équilibre.

« Tout va bien ?

- Oui, très bien. »

Et elle se mit en route, faisant de gros efforts pour ne pas tomber ou se tenir aux murs. Elle y voyait trouble, mais elle parvint à distinguer le corps de Luka au sol. Des gens commençaient à se mettre en cercle autour, et Feliks vint se placer en face du corps du jeune homme sans lâcher Yana du regard.

C'est bon tu peux me lâcher je ne suis pas en sucre, lui lança la jeune fille par la pensée.

Sursautant, Feliks la fusilla du regard avant de saisir les mains de ceux placés à ses côtés.

« Je vais servir de réceptacle, Mavra tu m'assisteras au cas où. »

Mavra ? Ce nom était totalement inconnu pour Yana, et elle se demandait de lui il pouvait bien s'agir.

« Allons-y le temps presse. »

Tous ceux qui étaient présents se prirent les mains, y compris Yana qui grimaça au contact de la main fripée d'une femme à sa droite. Elle détestait ça.

Tous ceux qui faisaient partie du cercle fermèrent soudainement les yeux, et la jeune fille s'empressa de les imiter. Elle se concentra, ne sachant pas tellement ce qu'elle faisait.

Elle visualisa son énergie dans ses veines, et s'imagina la transmettre à Feliks. Rien ne se passa. Elle réessaya, mais rien ne se produisit. Elle sentait son sang commencer à bouillir dans ses veines, preuve de son impatience.

Soudain, elle sentit que son corps faisait quelque chose d'anormal : elle commençait à sentir de plus en plus d'énergie s'accumuler en elle et déborder comme un vase trop plein. Ses mains tremblaient, et ses yeux s'ouvrirent d'un coup. Autour d'elle, seul Feliks semblait avoir compris que quelque chose n'allait pas : il avait ouvert les yeux et fixait avec étonnement les gens qui composaient le cercle.

Mais quand son regard s'arrêta sur le corps de Yana qui commençait à convulser, il ouvrit grands les yeux de terreur. Il lâcha aussitôt les mains de ceux qui l'entouraient, qui à leur tour fixèrent leur environnement avec étonnement. Alors que les personnes qui tenaient les mains de Yana la lâchèrent, elle s'écroula au sol tandis que Feliks se précipitait vers elle.

« NE LA TOUCHEZ PAS ! »

Il hurlait, paniqué. Il approcha aussitôt le corps de Luka de celui de la jeune fille, tandis qu'autour de lui les gens parlaient dans tous les sens.

« Que se passe-t-il Feliks ? »

C'était Adrian, l'élémentaire électricité, qui était totalement paniqué.

« Aide moi à approcher Luka. Yana a emmagasiné toute l'énergie, elle risque d'y passer si on ne fait rien ! Il faut qu'elle le touche pour la lui restituer immédiatement ! »

Ils tirèrent le corps de Luka, faisant en sorte d'effleurer celui de Yana.

A l'instant précis où leurs mains se touchèrent, une onde de choc expédia tous ceux qui étaient dans la pièce contre les murs.

Feliks écarquilla alors les yeux sous la surprise. Il se passait quelque chose d'exceptionnel.