Le soleil brille

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Je me souviens parfaitement du soir où tout a basculé.

La soirée se passait à merveille : les différents groupes dansaient, fumaient ou se disputaient une partie de strip poker endiablée. Des vieilles amies étaient venues de Nantes pour me faire plaisir et j'étais réellement comblée. Vers 22h30, j'ai décidé de me jeter à l'eau. J'ai avalé d'une traite mon verre et me suis avancée vers Hélios.  Il était venu avec Rosalia mais elle l'avait abandonné pour se déhancher sur la piste de danse.

"Salut...
- Ho, je t'avais pas vue, salut ! Merci de m'avoir invité, c'est super chez toi.
- Pas de soucis, ça me fait plaisir de te voir, tu m'as un peu évitée ces derniers temps.
- Éviter ? Non, non, je suis juste totalement débordé par les DS et le bac blanc qui arrive, puis Parcoursup et tout le tralala m'angoissent vraiment...
J'ai hésité quelques secondes, ne trouvant pas les mots alors que tu me fixais en attendant ma réponse :
"Ce qu'il t'a dit, c'est faux.
- Ce qu'il m'a dit ? Qui ?
- Tu sais très bien qui...
- Heyyy la reine de la soirée ! Qu'est ce que tu fais dans ton coin ? Viens illuminer la piste de danse, as-tu soudainement crié."

Tu m'as entraînée avec toi et on s'est déhanché sur du Britney Spears en s'égosillant comme des abrutis. Hélios semblait me fixer à l'autre bout du salon mais j'ai évité son regard, aussi flattée que gênée. Au bout d'un certain temps, il a quitté la salle et s'est engouffré dans le couloir menant à ma chambre. Son mouvement a attiré mon attention et j'ai décidé de le suivre pour éviter qu'il ne tombe sur des affaires compromettantes.

Quand je suis arrivée dans sa chambre, il était assis à la fenêtre, observant mes murs et mon plafond entièrement peints par mes soins. Il a souri en me voyant entrer et une étincelle s'est allumée dans son regard. Son regard pétillant me rassurait sur sa bonne humeur retrouvée mais m'embarrassait tout de même.
"Donc, si je comprends bien, il m'a menti ?
- Oui, enfin il ne m'en avait même pas parlé !
- Et donc, quelle est la vérité ?"
J'ai rougi en réalisant ce que ma réponse impliquait : Hélios était un ami incroyable mais je n'avais jamais rien envisagé de sérieux avec lui. Il s'est approché de moi et sa main est venue caresser ma joue.

"Tu es diablement belle ce soir, je sais pas comment résister."

Dans mon cerveau les neurones cherchaient désespérément quelle attitude adopter, mais il s'est penché vers moi et il était apparement trop tard pour faire machine arrière.
La porte s'est ouverte d'un coup :

"Enfin ! Je te cherchais partout... ah, je dérange à ce que je vois, je vous laisse..."

. . . .

Tu as claqué la porte et t'es enfui en courant. Le moment ayant été brisé, je me suis dégagée des mains d'Hélios, me suis excusée et ai essayé de te rattraper. Avant de fermer la porte, j'ai aperçu une enveloppe à mon nom sur le parquet et l'ai mise dans ma poche dans la précipitation. Les autres invités m'ont informée que tu étais parti et j'ai décidé de te suivre, confiant ma maison à Rosalia.  

La course-poursuite a duré une ou deux rues mais mon asthme m'a définitivement abattue et tu es parti sans que je puisse te rattraper. Mon corps était en feu et mon cerveau encore plus, je n'arrivais pas à analyser clairement la situation et me sentais sur le point d'exploser. C'est là, au bord de la crise de nerfs que je me suis rappelée de cette lettre et j'ai décidé de la lire.

Bonjour, bonsoir, qu'importe le moment où tu liras cette lettre.

Tu vas me trouver pathétique mais je trouvais mignon de tout expliquer par lettre quand le courage manque fortement.
Le fait est que je ne sais pas comment dire à quel point tu es importante dans ma vie.
Toi et moi, on est BFF4ever évidemment mais bizarrement, ça me suffit pas.

Parce que, de la même manière que Victor m'a fait remettre en cause mon hétérosexualité, c'est toi qui m'a fait douter de mon homosexualité.
Oui c'est toi, avec ton air victorieux quand tu arrives enfin à comprendre un exercice de maths,
Toi, avec ta danse de la joie quand tu passes un niveau de Mario,
Toi, avec ta tête perdue à chaque fois que je te perds dans la foule,
Toi, avec ta joie de vivre, même pendant la semaine de bac blanc qui nous fait tous déprimer,
Toi, avec ton enthousiasme pour regarder Azur et Asmar, Petit ours brun ou les Disneys que les gens de notre âge méprisent,
Toi, avec tes yeux émerveillés quand tu découvres mes talents cachés comme bouger uniquement le petit orteil,
La liste pourrait être longue...

Je ne comprends plus ce que je suis pour toi et je ne sais pas si notre relation pourrait être plus que ça. Je sais que je prend un gros risque en t'écrivant ceci, mais cette ignorance me torture trop. Tu n'es pas obligée de me répondre et je comprendrai totalement ton choix, quel qu'il soit.

Merci de m'avoir fait comprendre que la magie de l'enfance ne disparaît pas quand on passe le brevet.
Merci d'être toujours là quand il le faut, même si tes gâteaux remonteurs de moral sont toujours cramés.
Merci de m'avoir supporté cette année.
Merci d'être toi.
Merci d'être un soleil qui illumine chacune de mes journées sans jamais qu'il n'y ait d'éclipse.
Merci de m'avoir donné la chance de tomber amoureux de toi.

. . . .

De la même manière que tu l'as fait, j'ai pris mon courage à deux mains, ma feuille et mon stylo et j'ai tout déballé. Ma lettre est un peu plus longue et tu as apparement tout lu si tu es arrivé ici.

Si l'aventure te tente je t'attends dans mon salon, mais si cela t'effraie je comprends totalement. Ne te précipite pas, on a la vie devant nous et aucune raison de la gâcher.

Je ne sais pas où l'avenir nous mènera mais jusqu'ici le soleil brille et il espère briller encore des années.

PS : Apporte des chouquettes en venant, j'ai tellement faim !

F
I
N

Zut alors Où les histoires vivent. Découvrez maintenant