13.

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C'est sans compter sur Damien qui me force à me rendre au commissariat. Il faut déjà franchir l'accueil où on me demande une première fois pour quelle raison je viens.

– Je me suis fait agresser.

Le policier me regarde des pieds à la tête. Apparemment, il faut prouver l'agression. Je pourrais lui tendre le dossier médical, je ne sais pas si ce serait apprécié. Damien me donne un coup de coude pour me pousser à aller plus loin.

– Je me suis fait violer.

Le policier n'est pas plus impartial que le personnel de l'hôpital. On dirait même qu'il hésite à rire, il prend ça pour une blague. Si Damien n'était pas là j'aurais déjà fait demi-tour. Je comprends mieux les personnes qui n'osent pas aller porter plainte toutes seules. Ce ne devrait pas être une épreuve, je suis la victime, je n'ai rien à me reprocher. Et pourtant c'est moi qui ai honte.


Nous devons passer à l'étage. Encore une salle d'attente ! Il y a déjà pas mal de monde. Je voudrais juste retourner dans ma chambre et m'allonger. Disons qu'après ce que je viens de subir, la position assise n'est pas la plus confortable...

– Tu veux un café ?

Damien fait vraiment tout pour que je me sente bien. Mais comment est-ce que je pourrais me sentir bien dans cette situation ?

– C'est hyper long, on va louper les cours.

– N'essaie pas de te défiler. C'est bon signe s'ils prennent leur temps avec chaque personne. Une déposition ne se fait pas en cinq minutes.

– Tu vas venir avec moi ?

– Non, c'est comme pour le médecin, on ne peut pas être accompagné. C'est une mesure de précaution. Imagine que ce soit moi le violeur ! Je pourrais faire pression.

– Ouais, enfin si tu étais le violeur tu ne m'aiderais pas à venir porter plainte.

– C'est bientôt ton tour.

– Qu'est-ce que je vais raconter ?

– Absolument tout, tu ne dois rien cacher. Je sais que l'histoire n'est pas hyper brillante, tu es sur un site à la limite de la légalité et à cause de ça tu te retrouves dans une situation grave. Mais il ne faut rien oublier, la police est là pour te protéger.

– Tu crois vraiment qu'ils vont faire des recherches pour trouver mes agresseurs ?

Il laisse passer un silence.

– Tu sais comment ça se passe. Mais l'important c'est de porter plainte, il ne faut pas se taire.

– Donc toi aussi tu sais que c'est inutile.

– Ne dis pas ça. On t'appelle, vas-y.


Je ne suis pas totalement seul dans le bureau. En fait ils sont deux policiers, simplement séparés par une petite cloison en je ne sais pas quelle matière. J'entends tout de ce que raconte le type d'à côté, donc il va aussi entendre mon histoire. D'ailleurs, l'autre policier est une policière. Je serais peut-être plus à l'aise avec une femme. Mais je crois que je ne peux pas demander à choisir.

– Alors, vous venez pour quoi ?

Je commence par la fin, en racontant le viol.

– Comment avez-vous rencontré ces hommes ?

Je suis les conseils de Damien et je raconte tout. Le policier reste totalement impassible. Il note ce que je dis comme si je parlais de la pluie et du beau temps. Il doit entendre pas mal d'horreurs toute la journée, il est certainement blasé.

– Vous avez les noms des agresseurs ?

– J'ai des noms, mais ce sont peut-être des pseudonymes. Par contre, j'ai l'adresse.

Lorsque je la donne, il a sa première hésitation. Peut-être que d'autres sont venus porter plainte contre les mêmes agresseurs.

– Décrivez-moi les personnes.

Je fais de mon mieux, mais à part celui qui m'a piégé, les autres je ne les ai vus que dans la quasi-obscurité.

– Juste un instant, je vais imprimer, vous relisez la déposition et, en attendant, réfléchissez, pensez à un élément que vous auriez oublié.

Étrange, l'imprimante n'est pas dans le bureau où l'on prend les dépositions. Mais c'est l'administration, il y a sans doute une raison qui défie la logique normale.

– Bien, monsieur, veuillez me suivre.

Je ne comprends pas ce qu'il se passe. En traversant la salle d'attente je croise le regard de Damien, il semble aussi se demander ce qui arrive. Aucun autre n'a eu droit à ce type de traitement.

– Installez-vous.

Je n'ose même pas poser une seule question. Cette fois-ci je suis dans un bureau individuel. J'avoue que je commence à paniquer. Quelques minutes passent avant qu'un autre policier entre, un gros dossier sous le bras.

– Bien, jeune homme. Nous allons discuter de ce fameux site Internet sur lequel vous vous êtes inscrit.

Je savais que je n'aurais pas dû venir...

Vendre mon corpsWhere stories live. Discover now