Vendre mon corps

15.

En sortant du bureau, je retrouve Damien. Il va falloir que je sois bon comédien alors qu'en réalité je ne sais pas cacher mes émotions.

– Qu'est-ce qu'il voulait ?

Nous nous dirigeons vers la sortie du commissariat.

– Euh, ils ont reçu plusieurs plaintes contre le site. Apparemment la mienne est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Ils vont ouvrir une enquête.

– Ce n'est pas ce que tu voulais !

– Comment ça ?

– Ils devraient essayer de retrouver tes agresseurs. Au lieu de ça ils vont s'attaquer au site, la priorité c'est de retrouver tes violeurs.

– Je crois que les deux sont liés.

– Peut-être, mais c'est un peu décevant.

– Tu ne veux pas qu'ils poursuivent le site ?

Il faut que je fasse attention, mes questions ne doivent pas trahir ce que je veux réellement. Comme l'a dit Anthony, l'officier de police, Damien fait peut-être partie de l'équipe dirigeante du site.

– Je ne sais pas trop ce qu'on risque, en tant qu'utilisateurs du site, s'ils commencent à mener leur enquête.

– Si ça peut foutre la trouille à ceux qui sont derrière cette petite entreprise, ce sera déjà une bonne chose. Peut-être que ça les obligera à renforcer leur politique de prévention ou un truc du genre.

– Peut-être. Je crois que je vais me désinscrire, même si ça ne sert à rien.

– Ils conservent les données ?

– Évidemment, de tout le monde.

– Mais, d'après leur politique de...

– Tu crois vraiment que les sites détruisent les informations collectées ? C'est une véritable mine d'or, personne ne passerait à côté d'une telle manne financière.

Bon, cette petite conversation ne m'a pas permis d'avancer. Il faut que je sois beaucoup plus malin. En premier lieu je veux savoir à quel point Damien est impliqué dans le fonctionnement de ce site !

Lorsque je reviens vers ma chambre, François est assis devant la porte.

– Tu attends depuis longtemps ?

– Je n'ai aucun moyen de te contacter.

Ah oui, c'est vrai, nous n'avons pas encore échangé nos numéros de portable.

– Tout va bien ?

– Oui, ne t'inquiète pas.

Nous ne sommes pas amis, je ne vais pas commencer à lui raconter ma vie intime. Même si cela me ferait du bien de me confier.

– Désolé pour l'autre jour, je n'ai pas eu le courage de me lever pour aller faire un footing.

– Rien de grave. Je fais ça pour toi, si tu n'es pas motivé, ce n'est même pas la peine de commencer.

Waouh, je suis agressif envers lui alors qu'il n'a rien fait du tout. Il faut que je me calme.

– Je vois que t'es en jogging, tu veux aller courir ?

– Je ne veux pas être un boulet, si tu as autre chose à faire...

– Je me change et on y va.

Nous nous rendons au parc du campus. Ce n'est pas le moment idéal pour courir, il fait une chaleur de dingue, mais puisque François est motivé il faut en profiter.

– Tu aurais pu mettre un short.

– Bien sûr, et montrer mes cuisses toutes grasses en public.

Son bas de jogging est large, pour le tee-shirt c'est au moins du XXXL, il flotte dedans. Cela ne cache pas du tout ses formes, bien au contraire.

– On y va doucement.

Même si nous courons si lentement qu'on pourrait croire que l'on marche, au bout d'un tour de parc François transpire comme un dingue et n'arrive plus à reprendre son souffle.

– Je suis vraiment nul.

– Ne dis pas ça. C'est le premier jour, tu vas vite progresser. Il ne faut pas abandonner.

– Facile à dire pour toi.

– Tu crois que j'ai toujours été mince ? Viens, on retourne chez moi, je vais te montrer quelques photos.

J'avoue que ça me fait du bien d'être avec lui. Il ne connaît rien de l'histoire que je suis en train de vivre, il n'a aucune idée de tout ce qu'il s'est passé. Et c'est une bouffée d'air de pouvoir être avec quelqu'un qui me fait penser à totalement autre chose. Parce que si je le ramène dans ma chambre c'est pour lui montrer des vieilles photos de moi. Je n'aime pas les regarder, je voudrais oublier cette période. Mais elle fait partie de mon histoire et finalement, on ne peut rien oublier...