Vendre mon corps

22.

Sans réfléchir, je me précipite à l'hôpital. Je vais aux urgences, puisqu'évidemment le reste est fermé pendant la nuit. Je demande à voir François, l'infirmière à l'accueil veut savoir qui je suis. Elle regarde ma pièce d'identité, puis son fichier.

– D'accord, il vous a désigné comme personne de confiance.

Je ne sais même pas ce que ça veut dire.

– Il est dans la salle numéro trois.

Elle m'ouvre la porte pour que j'accède aux salles de consultations. Je cherche la numéro trois, ce qui devrait être simple, sauf qu'ici c'est un véritable labyrinthe sans aucune logique. Enfin, je le vois.

– François, qu'est-ce qui t'arrive !

Un interne s'approche de moi :

– Il est sous sédatifs, il doit se reposer.

– Que s'est-il passé ?

– Apparemment il a ingéré une trop forte dose de ***.

– Il a tenté de se suicider ?

– Non, ce médicament est réputé pour servir de coupe-faim. Votre ami n'a pas vraiment respecté les doses indiquées, il a avalé la moitié de la boîte. Nous lui avons fait un lavage d'estomac, il va rester endormi jusqu'à demain.

– Est-ce que je peux rester ?

Il hausse les épaules, il s'en fiche totalement.

Assis à côté du lit de François j'essaie de dormir un peu. Impossible quand on est aux urgences. Il y a du passage en permanence, des gens qui hurlent de douleur, des infirmiers qui courent dans tous les sens. Il s'en passe des choses la nuit, quand normalement on dort paisiblement chez soi. Ce n'est qu'au petit matin qu'il se réveille.

– Comment tu te sens ?

– Mal.

– Pourquoi tu as pris tous ces médicaments ?

– Je n'arrive pas à me contrôler, j'ai tout le temps envie de manger.

– Il faut m'appeler quand c'est comme ça.

– Tu ne répondais pas.

Bon, c'est un peu de ma faute, quand je suis chez un client j'éteins complètement le téléphone, c'est la règle.

– Mais pourquoi tu as pris autant de pilules ?

– Ça ne faisait pas effet, j'ai été pris d'une fringale à vouloir vider le frigo.

– Il ne faut pas te mettre la pression.

– J'ai envie que tu sois fier de moi.

– Mais je le suis, tu as déjà fait des beaux progrès.

– Tu es resté toute la nuit ?

– Oui. Le médecin va passer et s'il te donne l'autorisation de sortir tu viens chez moi, d'accord ?

Comme je suis la personne de confiance, qu'un patient peut désigner quand il n'y a personne de sa famille à proximité, on me laisse le ramener. Avec une liste de recommandations puisqu'après un lavage d'estomac on ne peut pas manger n'importe quoi. Il en a pour plus d'une semaine à n'avaler que de maigres portions de riz ou de pâtes.

– Tu me promets de ne plus jamais faire ce genre de chose ?

– Je crois que j'ai retenu la leçon.

Je l'allonge sur mon lit. Je vais être aux petits soins avec lui, c'est quand même en partie de ma faute s'il est dans cet état.

– Qu'est-ce que tu faisais hier soir ?

– J'étais de sortie, au cinéma.

– Je le vois quand tu mens. Tu peux me le dire si t'étais en train de te taper un mec.

– C'est un peu plus compliqué.

– Je sens que tu caches quelque chose. Ce n'est pas grave si tu ne veux pas me le dire, on est potes vite fait, t'as pas besoin de tout me dévoiler.

Je suis assez blessé qu'il dise ce genre de chose, mais sans doute qu'il le fait exprès pour me tester.

– C'est une histoire qui devient assez dangereuse, je ne veux pas que tu y sois mêlé.

– C'est à cause du site d'escort ?

Parfois j'oublie que c'est grâce à ce site que je l'ai rencontré.

– Oui, il y a un lien.

– Quand tu voudras parler, n'hésite pas. Je n'aime pas savoir que tu as des problèmes.

– Il vaut mieux que tu n'y sois pas mêlé.

– Comme tu veux, mais je suis là si tu veux décharger ta conscience.