Chapitre 27 : Un beau feu de tristesse

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Lorsque les autres nous ont rejoints, ils m'ont détaché. Nous sommes allés à la villa. En entrant nous avons croisé Lisbeth et ma mère qui allaient dehors, brûler notre passé. Nous les avons suivies. Cette crémation m'était complètement sortie de la tête. Nous sommes arrivés à un coin de la plage où était entassée une grosse pile incluant meubles, jouets, peluches, vêtements… Tous les objets de notre ancienne vie, une vie modeste et discrète, qui avait à peine commencé. James versait de l'essence sur le tas. Pourquoi ne pas le consumer magiquement ? Je ne sais pas. En voyant tout ça, j'ai été pris de nostalgie, une tristesse calme et soudaine m'a assailli. Toutes ces choses symbolisaient tout ce que j'avais vécu, les bons comme les mauvais moments, qui ne seront plus désormais que des souvenirs sans fondement. J'ai senti les larmes venir. J'ai regardé ma mère, elle semblait se retenir de pleurer et serrait la main de Lisbeth. Elle a ensuite sorti de sa poche une boîte d'allumettes, elle en a allumé une et l'a jetée sur le tas, qui s'est vite embrasé. Elle disait adieu à tout ce qu'elle avait accompli à cause de moi. Je ne vous cache pas que je me sentais vachement mal. Et très coupable. Mais elle ne voudrait pas que je m'effondre. Elle fait tout ça pour moi. Je dois faire en sorte que ce sacrifice ne soit pas vain. Pour ma mère je dois m'entraîner en donnant le meilleur de moi-même. Les fumées s’élevaient dans le ciel et semblaient disparaître sans laisser de trace. Quelque chose me dit que Sam ne voulait pas prendre le risque de polluer et a ensorcelé le feu. Nous étions tous là, silencieux. Sam et James, côte à côte, regardaient le feu calmement, ils avaient un petit air de famille. Les autres, Euthania inclue, étaient autour de moi, ma mère, et Lisbeth. Andorra m'a pris la main, doucement. C'était réconfortant, doux et chaleureux. C'était le point définitif de non retour…
Ma mère est allée mettre Lisbeth au lit après quelques minutes, puis elle aussi alla se coucher en souhaitant bonne nuit à tout le monde. Sam nous donna quartiers libres jusqu’à minuit, heure où nous devrons reprendre nos 5 tours. Il nous a évidemment interdit de dormir et est reparti vers la villa, suivi d'Euthania. Il ne restait plus que moi, les autres et James autour du feu, qui diminuait peu à peu. Personne n'a parlé, peut être à cause de la fatigue et de la faim. Quelquefois, on entendait le ventre de quelqu’un gargouiller. On dirait que nos ours ventraux étaient affamés. Cette pensée, qui me ramena à des souvenirs lointains, me fit doucement sourire. En me voyant sourire, Andorra sourit aussi, et tout le monde avec elle. Les sourires de transformèrent en rires puis en hilarité collective, il ne restait plus que James qui était sérieux. Malgré tout, c'était un bon moment. Encouragé par la joie naissante, Jay a proposé :
"-Andorra, tu envoies la musique ? "
Andorra sortit son BO et elle envoya American teen de Khalid. Ça donnait une ambiance festive de feu de camp. On s'est mis à parler de tout et de rien, avec la musique en fond sonore et le clapotis des vagues. Quand la musique était entraînante, on chantait et Luke effectuait quelques pas de danse. Il avait du talent. À un moment on a raconté à Andorra toute l’histoire du monde. Ça l'intéressait beaucoup. Elle posait des tas de questions :
"-Il était comment Lincoln ? Pourquoi Hitler détestait les juifs ? En quoi l'élection d'Obama fut elle un phénomène ?
-Pourquoi la communauté de l'anneau n'a pas utilisé les aigles ?" A ajouté Jay.
On lui donnait carrément des cours de culture générale et elle adorait ça. La chanson « radioactive » des imagine dragons était sa préférée, elle la faisait passer plusieurs fois. J'étais content de les avoir, dans ces moments là on est vraiment soudés. Il était 22 :12, et on ne parlait plus, le sommeil pesait très lourd, j'avais du mal à garder les yeux ouverts. J'étais sur le point de m'effondrer sur le sol, lorsque Luke a proposé d'aller faire un match de basket. Les autres étaient d'accord et Andorra a demandé ce qu'était le basket. C'était le bon moment pour l'initier. Le feu brûlait encore un peu. J'ai dit aux autres que je les rejoindrai, je voulais le voir s'éteindre. J'étais donc seul avec James. Gros silence.
"-Vous m'impressionnez, vous et vos amis.
-Pourquoi ?
-Vous venez de perdre toute votre ancienne existence, et vous continuez de vous relever.
-Pas faux.
-Espérons que les épreuves à venir vous feront réagir de la même manière. Peut être qu'après avoir tout perdu vous réussirez à vous forger une nouvelle destinée.
-Quelles épreuves ?
-Mais votre entraînement sera dur et éprouvant, les élus ont souvent du mal, psychologiquement, mais vous êtes spéciaux. C'est souvent la rencontre de plusieurs destins incroyable qui crée la plus belle des histoires. "
Mais de quoi il parle ? J'ai dit :" -Vous n'avez pas répondu à ma question.
-J'aime entretenir le mystère, ou alors c'est parce que je ne connais pas la réponse moi-même.
J'étais perplexe. Il est bizarre ce mec.
-Sur ce, je vous laisse, j'ai un petit déjeuner à préparer."
À 22 :30 ?
"-Je cuisine tôt. Ou tard dans le cas présent. C'est une habitude." A-t-il répondu comme si il avait lu dans mes pensées.
Il s'est levé, et s'est éloigné calmement, les mains derrière le dos. Mais à un moment il s'est retourné :-Espérons que cette histoire aura son happy end. Ou alors espérons qu'elle ait une fin tout court.
Et il est parti. Quand je me suis tourné vers le feu, il était complètement éteint.

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Les Immortels : Le réveil d'Obyris, Tome 1 [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant