La Basilique de Fourvière s'illumine devant les yeux de Lionel, alors que le soleil se lève. Assis sur sa terrasse, il déguste ses œufs brouillés et son bacon, profitant du vent frais du mois d'octobre.
Nina est encore sous les draps. Son service ne commence pas avant onze heures. Rassasié, le trentenaire ramène son assiette à l'intérieur et se presse sous la douche.
Une grosse journée l'attend aujourd'hui. On va lui présenter son nouveau coéquipier, Mickaël. Il est plus jeune que lui et n'est entré dans la police qu'il n'y a seulement deux ans.
Lionel appréhende cette nouvelle association. Il ne s'est jamais vraiment bien entendu avec ses équipiers, il n'est pas du genre à faire dans la politesse ou dans la finesse. On le décrit souvent comme : brute épaisse, fou furieux ou encore décérébré.
Le dernier policier auquel il a été affilié a fini en fauteuil roulant, après une descente mouvementée qui s'est mal passée. Disons que Lionel n'est pas du genre a protégé les arrières, mais plutôt à se jeter la tête la première dans la gueule du loup. Et cela, même si plusieurs fois, il avait été rappelé à l'ordre.
Non pas qu'il fasse mal son boulot, il sait quoi faire, mais l'intégrité physique de son coéquipier ne sera jamais sa priorité sur le terrain (même s'il fait en sorte de le garder vivant, tout de même, il n'est pas un monstre.)
Les bobos font partie du boulot, ne cesse-t-il de répéter lorsqu'une fois encore, sa stratégie d'attaque s'est terminée en fusillade dans les quartiers chauds.
Oui, ce n'est pas glorieux. Mais même si ses manières sont jugées parfois violentes, elles ont comme qualités d'être pour le moins efficace. Il a même reçu une médaille pour ses résultats.
À la sortie de la douche, il saisit son uniforme et l'enfile. Avec lui, il se sent plus fort, plus fier. Il est né pour être policier, et cela, il n'en a jamais douté. Il entre dans sa chambre et embrasse sa fiancée, avant de retrouver sa voiture de service, endormie sur le parking.
Arrivé au commissariat, il est accueilli par des regards glacials. Peu de gens l'apprécient à cause de sa réputation, mais il s'y est fait. Il ne trouve grâce qu'aux yeux d'Émeline, une jeune policière à l'optimisme déroutant.
— Bonjour Lionel, lance-t-elle, munie de son plus beau sourire.
C'est leur moment. Chaque matin, ils se retrouvent près de la machine à café et échangent des banalités. Il lui demande comment va Karine, sa copine et elle prend des nouvelles de Nina. Ils parlent motos et peinture, les deux passions qu'ils partagent en dehors de leur vocation, avant de débattre sur l'actualité.
— Tu as regardé le lien du blog que je t'ai envoyé hier ?
La jeune femme hoche la tête, faisant rebondir sa queue-de-cheval, perchée haut au sommet de sa tête.
— C'est particulier, mais très distrayant.
Une clochette fait ding dans la poche du policier. Il attrape son smartphone et remarque que le site : Le blog d'une fille en colère, lui a envoyé une notification pour lui annoncer la sortie d'un nouvel article. Il a découvert ce blog récemment en farfouillant le net après une énième insomnie. Le sommeil et lui n'ont jamais été amis.
Petit, il faisait des terreurs nocturnes. Il se réveillait en hurlant de tout son soûl et sa mère n'avait pas trouvé d'autre moyen que de lui donner le fusil de chasse de son oncle, et de le mettre sous son lit pour qu'il se sente protégé.
Aussi étrange et peu conventionnelle que peut sembler la manœuvre, elle avait eu le mérite de fonctionner. Plus jamais il n'avait crié et il lui arrivait même d'observer durant des heures l'objet non chargé (il avait vérifié.)
Sa passion pour les armes était sûrement née à cette période. Le fusil était devenu son ange gardien, son protecteur contre les monstres et les bêtes au souffle lourd et putride.
Ayant encore quelques minutes devant lui avant le début de son service, il décide d'ouvrir l'article du blog et commence à le lire :
« La jalousie, ça se reconnaît comment, d'après vous ?
Parce que ma nouvelle amie Vivienne ne cesse de me faire des remarques sur mon physique à coup de : « Tu devrais. » Putain, qu'est-ce que je déteste ces deux petits mots. Ça me donne juste envie de les faire bouffer à son propriétaire. « Tu devrais t'épiler plus les sourcils ; tu devrais prendre des bottines ; tu devrais mettre des push-up pour avoir plus de poitrine. » Non, mais de quoi je me mêle ? Je la supporte, car elle est amie avec Valérie, mais je vous jure qu'il me faut énormément de diplomatie pour ne pas l'étriper.
Comme je te disais précédemment, elle a beaucoup de prétendants, mais il faut savoir qu'elle a aussi des vues sur plusieurs garçons dont un n'est autre que Joe, un ancien ami à moi à qui je plaisais.
Alors qu'elle me bassinait les oreilles avec leur soi-disant attirance, elle m'a fait une remarque du genre : « Tu devrais te trouver un mec » et j'ai craqué. À la base, je ne voulais pas lui dire, mais elle me soûle tellement ces derniers temps, que je lui ai dit : « dans le passé, il m'a demandé de sortir avec lui. »
Elle a rigolé parce qu'elle ne me croyait pas. Il était juste derrière nous, mais pas assez près pour nous entendre. Elle a dit : « Bah j'ai qu'à lui demander. » Je lui ai dit qu'elle pouvait, mais que je n'étais pas sûre qu'il assume. Toujours avec son petit ricanement, elle lui a envoyé le SMS. J'étais un peu gênée, normal vu la situation, mais le moment satisfaisant fut lorsqu'elle reçut la réponse. Il avait été honnête : MERCI JOE.
Ça a eu l'air de la calmer, puisqu'elle a fermé sa bouche quelques instants (malheureusement, ça n'a pas duré longtemps.) »
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Blog d'une fille en colère
General Fiction[Tome 2 de Journal d'une mythomane. Il peut être lu sans avoir lu le premier tome, car les deux oeuvre se déroulent chronologiquement en parallèle, mais il y a présence de spoils.] Ugues a toujours aimé les histoires. Il a beau n'être qu'un pigeon a...