12. Luna

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Luna

Connaissez-vous cette sensation de manque ? Celle qui vous tord les boyaux, vous remue le cerveau et joue avec vos nerfs. Comme si on venait de vous enlever le cœur, et qu'à la place, il ne vous restait qu'un énorme rien à combler, un immense vide à remplir. Comme si la révolution de la terre s'était arrêtée, comme si les nuages encerclaient le soleil et empêchait ses pieds dorés de fouler le sol pur de la planète et y réjouir ses habitants.

La sensation de manque est peut-être la pire qu'un être humain peut ressentir. Elle mêle tristesses, douleur et rage et embrase les cœurs les plus sains pour en faire des braises et les réduire en cendres.

Paradoxalement, c'est elle qui nous remplit de noir. D'un noir si sombre et si épais qu'un chat ni verrait que du feu. Un noir qui nous engouffre et nous pénètre de toute part, pour ne jamais en ressortir. Un noir qui nous tient en vie mais nous empêche d'exister. Un noir qui, petit à petit, nous mange de l'intérieur et nous enferme dans une cage, notre propre cage. Celle de notre propre souffrance.

C'est un effroi plus grand encore que la mort. Ses victimes ne sont que fils de Thanatos et aussi nombreuses que les dieux. Malheureusement, elles ne sont pas choisies par leur bonté. Mais par leur faiblesse. Pour les faire courber sous le poids des larmes de l'âme, les tordre par les bruits des lamentations de l'esprit.

Louis en est une. Victime. Peut-être à plus facile à achever, mais la plus dure à plier, la plus robuste à faire céder.

Comment Louis en est-il devenu une ?

Un beau soir de printemps. La lune était pleine, haute, énorme dans le ciel bleu velours tacheté de scintillants nœuds aussi blancs que purs. Ils étaient en route vers la meute, après de longue vacances à la montagne bien méritées par ses parents, le chef Alpha et sa Luna. Ses sœurs et lui s'amusaient à compter les étoiles. Il était rendu à 547 alors que la voiture bifurqua violement sur le bas-côté. Louis ne savait plus ce qu'il se passait. La seule chose dont il était sûr, c'était qu'il ne voyait plus le ciel, et ne pouvait donc plus compter les étoiles.

Le résultat fut de deux morts. Et bien plus de mots.

La Luna et sa plus grande fille furent enterrées dans les quelques jours qui ont suivis l'accident. Accompagné du plus beau cortège de fleurs et de sucreries que Louis n'avait jamais vu. Main dans la main avec ses autres petites sœurs, il savait que les choses ne seraient plus les mêmes.

Mais il ne pensait pas que ce serait aussi dur. Son père, enfermé dans son cocon doré, ne fit plus jamais apparaître un sourire sur ses lèvres pulpeuses. Et puis, chaque nuit ses sœurs pleuraient. Demandant sans cesse les bras de leur mère, les conseils de leur sœur. L'alpha, bien trop attristé par ces demandes, ne fit même plus l'honneur de sa présence, cadenassa son cœur et la porte de son bureau.

Les journées furent courtes, et les nuits bien trop longues. Ses joues se creusaient, ses yeux périssaient et son esprit rendait l'âme. A ses 16 ans, il se transforma pour la première fois. Seul. Ses sens décuplés, sa solitude gonflée, il courut de nombreux kilomètres avant de s'effondrer au pied d'un magnifique saule pleureur. Seul.

Puis, à ses 18 ans, sa condition première fit surface. Il était un oméga, à la plus grande déception de son père. Mais, refusant de se trouver un alpha, Louis attendit patiemment qu'Hadès vienne l'arracher à sa vie.

Mais, alors que Louis souffle les bougies à moitié fondues de son gâteau, et observant avec attention le magnifique 20 qui décorait celui-ci, le jeune oméga se demande encore pourquoi la mort n'a pas encore toquer à sa porte. Peut-être qu'il n'est pas si faible que ça comme oméga, et que la vie lui réserve encore quelques cochonneries pour se défouler.

OS - LarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant