Enveloppé dans la lourde obscurité de la nuit, un jeune enfant trottinait joyeusement sur l'asphalte d'une route déserte. Il avait l'habitude de s'absenter seul en pleine nuit pour observer la voûte étoilée; c'était un rendez-vous quotidien qu'il avait depuis toujours et qu'il ne manquait pour rien au monde.
Dans le ciel nocturne brillait une pleine lune écarlate, comme une pupille de sang, fixant de son regard mauvais le tout jeune enfant.
Ce spectacle jetais une ombre sur le cœur de l'enfant, ternissant un peu sa bonne humeur, mais il s'efforça d'ignorer cette peur diffuse qui s'insinuait en lui peu à peu.Il était comme un rayon de lumière, ignorant le danger de la nuit, et semblait être la seule âme qui vive sur des kilomètres.
D'excellente humeur, il gambadait sur une vieille route de campagne, toute cabossée et parsemée de multiples nids de poules. Le petit s'amusait à danser sous les flocons qui tombaient comme des poussières d'étoiles, les pieds protégés du froid par une paire de bottines bleues, et à sauter de nid en nid en chantonnant une très ancienne berceuse que son frère lui fredonnait chaque soir, pour qu'il s'endorme paisiblement :
" Lève les yeux mon enfant et regarde le ciel,
Bientôt tu iras rejoindre ces étoiles éternelles,
Ce soir quand se posera sur tes yeux le voile de la nuit;
Tu traversera l'univers parmi ses milliards de merveilles,
Et iras dans le pays des rêves, loin de cette terre d'ennui,
Ferme les yeux mon enfant, bonne nuit. "
La comptine se répétait, chantée par la voix douce et cristaline de ce si curieux enfant.
Sur les côtés de la route se dressait une forêt dense et menaçante de sapins noirs. Ils étaient immenses, chaque arbre semblait comme un géant d'épines sombre, dépassant aisément la trentaine de mètres, et perçait le ciel étoilé de leur grandeur surnaturelle. La cime des sapins des deux côtés de la route se rejoignait, dessinant à l'horizon une arcade noire, comme une porte vers l'enfer. Il était évident que rien de bon ne pouvait arriver dans ce sombre décor.
Soudain, l'enfant fit volte face et arrêta de chanter, surprit par le bruit d'un mouvement dans les buissons épineux, tout près de lui...
Il cessa de bouger, attentif.Il avait un sentiment de déjà vu désagréable, comme s'il savait ce qu'il allait se passer, sans vraiment le savoir.
Après ce qui'il semblait être une éternité, une forme humanoïde, presque spectrale jailli des entrailles noires de la Forêt Sombre.
Toute sa joie et ses émotions d'enfant disparurent d'un coup, remplacées par une terreur sourde qui le paralysa. Il fixa de ses yeux arrondis par la peur un homme haut comme trois fois sa taille qui le regardait fixement.
Le géant se confondait avec les arbres immenses et noirs qui l'entouraient, ce qui n'était absolument pas rassurant. Il se dégageait de lui une odeur de lavande mêlée à celle de la mort, si forte que l'enfant ne put se retenir d'éternuer, écoeuré. Il portait un long manteau noir comme l'ébène qui tombait jusqu'à terre, et un chapeau melon noir qui couvrait en partie des cheveux, blancs comme la neige, qui tombaient en mèches humides sur son visage déformé par la laideur de la vieillesse. Il semblait habillé par la nuit elle-même, et plus vieux encore que l'univers.
L'homme regardait l'enfant et l'enfant regardait l'homme. Tout deux étaient pâles comme la mort, l'un de peur, l'autre par nature.
Ce monstre qui n'avait d'humain que la silhouette avait le visage barré d'un immense sourire, souligné par ses dents de requin. Ses yeux immenses, entièrement blancs à l'exeption d'une pupille minuscule et noire, fixaient le pauvre enfant d'un regard terrifiant, à en faire gémir Cerbère." Viens, je vais te ramener à la maison, là où sont tes racines. "
Il avait une voix de ténor, froide mais agréable. Il était tout bonnement impossible de détourner le regard du Monstre, le pauvre enfant était à présent complètement sous son contrôle. Et comme si l'homme en le regardant avait aspiré chez l'enfant toute trace de raison, il répondit dans un murmure :
- D'accord.
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Adonis et la Forêt Sombre
Bí ẩn / Giật gânNoyé dans la lourde obscurité de la nuit, un jeune enfant trottinait joyeusement sur l'asphalte d'une route déserte. Le garçon avait l'habitude de s'absenter seul en pleine nuit pour observer les étoiles. C'était un rendez-vous quotidien qu'il avait...