Gardiens des Cités Perdues ~ 8. Héritage

Chapitre 6

La nuit avait été rude pour la jeune Télépathe. Sa tête menaçait d'exploser au moindre mouvement brusque de sa part. Après l'appel de Keefe, la jeune fille n'avait fait que ressasser sa conversation avec lui, dans l'espoir d'y décelé ce qui l'avait tant perturbé. Mais rien. Et puis, ses interrogations concernant son entrevue avec Prentice ne l'avais pas non plus arrangé. Aussi était-elle prête avant même que M. Forkle n'apparaisse dans les pâturages de Havenfield, sous le ciel encore sombre. Quand le vieil elfe entra d'un pas lourd dans le salon immaculée, Sophie tritura l'ourlet brodé de pierres précieuses de sa cape. La jeune fille avait opté pour une tenue qui aurait sûrement plu à Biana, avec toutes ces perles et ces magnifiques détails.

-Je suis... commença Edaline.
- Pourquoi Prentice tient-il à me parler ? s'empressa de demander la Télépathe, coupant la parole à sa mère adoptive.

Le visage boursouflé de M. Forkle était familier à Sophie, de même que son odeur écœurante de pieds sales, du aux baies de froiselles qu'il devait manger pour obtenir cette apparence. L'agent du Cygne Noir avait vécu douze ans dans les cités interdites, et ce pour protéger la Télépathe.

- Vous les gamins, toujours impatients, grommela-t-il. Mais tu le découvrira bien assez vite, nous sommes déjà en retard.

En retard ? Alors que le soleil se levait à peine ? Il n'y avait que le Cygne Noir pour pouvoir être en retard à une heure aussi matinale. Edaline serra la jeune fille dans ses bras et Grady, qui attendait jusque là quelques mètres derrière, se joignit à leur éteinte.

- Ne t'inquiète pas trop fillette, dit l'Hypnotiseur. Je suis sûr que ce n'est rien.
- Et je suis là en cas de danger, renchérit Sandor, qui scrutait la pièce depuis un coin sombre. Il ne vous arrivera rien.

Sophie se dégagea des bras de des parents et leur adressa un sourire. M. Forkle sortit un éclaireur de la poche de sa cape et intima à la Télépathe de le rejoindre. Elle s'exécuta, non sans se poser d'autres questions.

- Je suis sûr que ton imagination à déjà envisagé plusieurs scénarios catastrophes, mais tu n'as aucunes raisons de t'inquiéter, transmit le vieil elfe.
- On croirait entendre Alden...

Sophie s'attendait à atterrir au milieu d'une pleine herbeuse avec un chalet en bois face à elle, ou bien dans une vieille maison abandonnée au centre du grand nul part. Mais elle n'avait pas envisagé de se retrouver... à Éternalia. La cité se déployait devant la jeune fille, étincelante.

- Prentice est à Éternalia ? s'étonna-t-elle. Mais... ce n'est pas trop risqué ?
- Sache que les meilleurs cachettes sont celles auxquelles ont ne penses pas, déclara M. Forkle. Et puisque Prentice à recouvrer sa lucidité, il peut s'enfuir en cas de danger. Nous lui avons fournis un cristal de saut menant à l'une de nos planques.
- La capitale est très surveillée, il ne risque pas de se faire voir ? demanda soudainement Sandor, coupant l'herbe sous le pied de sa protégé.
- Je t'assure qu'il est bien caché, et puis Willy reste toujours à ses côtés.

Sophie ne répondit rien. C'est vrai, maintenant que Prentice n'était plus brisé, il pouvait marcher et parler. La Télépathe aurait dû se réjouir de le savoir sain et sauf et pas en train de se balancer d'avant en arrière dans une cellule exiguë, la bave au lèvres. Mais elle n'aimait pas le savoir de nouveau exposé au danger. Il avait déjà fait beaucoup pour elle.

Ils déambulèrent dans les rues scintillantes de cristaux en tout genre, Sophie peinant à suivre le rythme du vieil elfe. Aussi manqua-t-elle de lui rentrer dedans lorsqu'il s'arrêta face à un immeuble d'une hauteur exagéré. Dès qu'elle franchit la porte en cristal et qu'elle aperçut l'escalier devant elle, Sophie manqua de grogner.

- C'est un vortinateur ? demanda-t-elle, priant pour que M. Forkle réponde par la négatif.
- Je n'apprécie pas particulièrement non plus, soupira le vieil elfe.

La jeune Télépathe grommela dans sa barbe et posa ses pieds sur la première marche. Elle sentit son garde du corps poser une main sur son épaule. Elle souria en pensant que pour le gobelin, ce serait une toute nouvelle expérience. Une expérience pour le moins déplaisante.

- Cinquante ! lança M. Forkle.

Sophie s'accrocha fort à la rampe tandis que l'escalier s'ébranla dans un tourbillon d'air scintillant. Dans son malaise, la jeune fille entendit à peine son garde du corps poussé un cris de souris. Quand l'escalier s'immobilisa, Sophie se demanda si elle n'allait vomir les quelques crémantines qu'elle avait manger ce matin.

- Les elfes et leur technologie... grogna Sandor.
- Et je suis sûre que nous n'avons pas encore tout vus ! s'esclaffa sa protégé.
- Eh bien j'espère que vous avez tort Mlle Foster, souffla-t-il.

Elle souria et lança un regard interrogateur à M. Forkle. Le vieil elfe désigna la porte en métal devant lui. Sur celle-ci était gravé des runes elfiques, que Sophie ne parvenait malheureusement pas à lire.

- C'est écrit « habitée », déclara le chef du Cygne Noir comme s'il lisait des ses pensées.

Peut-être même était-ce le cas. Mais elle n'y prêta pas attention et fronça les sourcils.

- Nous sommes... dans un hôtel ? demanda-t-elle, dubitative.
- Bien sûr.

C'était envisageable après tout mais, Sophie ne l'avait simplement pas envisagé. Et puis, rien de vraiment étrange à ce que les elfes aient eux aussi des hôtels, à l'instar des humains.

- Et Prentice vit ici ? demanda Sandor.
- Oui, il nous attend d'ailleurs avec Willy, acquiesça M. Forkle en léchant la bande de métal fixé sur la porte.

Le battant tourna sur ses gonds avec un petit cliquetis, dévoilant un immense séjour, comparable à celui de Havenfield. Willy - dont la peau sombre détonait dans cette univers immaculée - était appuyé contre un canapé où était installé Prentice. Le gardien avait véritablement changé depuis sa sortie d'Exile. Sa peau brune était propre et dépourvue de toutes égratignures, ses cheveux étaient à présent coupé court et ses yeux bleus n'avaient plus leurs apparences laiteuses. La ressemblance entre père et fils était plus frappante que jamais.

- Bonjour Sophie, déclara-t-il, un sourire hésitant sur les lèvres.