Mais le temps passe.
Le temps fuit.
Les humains meurent. Les histoires s'effacent. Et bientôt, le seul souvenir qu'il reste de l'Être aimé se tient dans une simple liste de nom, énumération interminable de ceux et celles qui ont laissé leurs vies pour le progrès de l'humanité.
Certes, on avance. Mais à quel prix?C'est la question que se pose le caporal-chef Livaï à chaque fois qu'il contemple l'anneau doré soigneusement enfoui au fond du tiroir de son bureau, ou qu'il laisse ses yeux parcourir distraitement cette même liste de noms.
Même souffrance. Même douleur lorsqu'il pose les yeux sur le nom de Petra Ral malgré les mois passés.Néanmoins, le temps ne fait pas que créer des blessures. Il les referme.
Ou du moins, il tente de le faire.
Et, quand il n'est pas occupé à briser des vies et des cœurs, le temps sait aussi faire évoluer.
Faire grandir.
Transformer un petit enfant frêle en un courageux soldat, ou tout au moins en un être toujours aussi fragile et éphémère, mais plus âgé.Isabel a aujourd'hui bientôt quinze ans.
Et, malgré son jeune âge, elle a déjà hérité de la détermination de sa mère à rejoindre le bataillon d'exploration coûte que coûte.
Projet qui n'enchante pas du tout son père. Depuis le plus jeune âge de la fillette, il a été très clair sur ce point: Isabel n'intégrera pas le bataillon d'exploration tant qu'il serait en vie. Et comme il compte le rester encore un bon moment, l'entrée de sa fille dans l'armée se trouve compromise.Mais à quoi bon repousser toujours l'inévitable? Au fond de lui, le caporal-chef sait pertinemment que sa fille rejoindra le bataillon un jour où l'autre. Les hauts gradés ne fermeront pas les yeux très longtemps sur la présence d'une bouche supplémentaire à nourrir qui s'avère inutile pour les recherches. Et le bataillon n'a pas besoin de problèmes en plus avec l'autorité.
Cependant, à tord ou à raison, peut être pour conserver son image de père impassible, Livaï s'obstine à interdire à sa fille tout entraînement, toute forme d'activité qui pourrait la rapprocher de prêt ou de loin au bataillon et à l'armée en général.Égo mal placé ou simple désir de protéger son enfant, on peut bien penser ce que l'on veut; le constat reste le même: Isabel sennuie.
Depuis aussi loin qu'elle puisse se souvenir, elle passe ses journées enfermée soit dans le bureau de son père, soit dans sa chambre, ses rares sorties n'étant destinées qu'à aller au réfectoire ou à effectuer une rapide promenade à la nuit tombée -une fois que tout entraînement est achevé- afin que la pauvre enfant ne devienne pas folle à cause de l'enfermement.
Autant dire qu'elle est devenue professionnelle dans l'art de tuer le temps. Avec quinze années d'expérience derrière elle, elle est devenue imbattable. Elle a même instauré une sorte de routine.Tous les matins, elle se réveille en même temps que son père, se prépare et se rend au réfectoire pour le déjeuner en sa compagnie, en faisant bien attention à ne pas se mélanger avec les soldats pendant le repas, comme elle y est expressément invitée.
Puis, elle remonte à l'étage et passe le plus clair de son temps à observer les entraînements militaires par la fenêtre. Et, même si elle ne peut pas les reproduire par manque de place -la seule fois où elle avait essayé, elle avait renversé l'encrier de son père et avait du répondre de ses actes- elle a presque l'impression d'y être.La jeune fille n'a jamais su expliquer pourquoi elle s'est toujours sentie poussée vers le combat.
Peut être à cause du sang Ackerman coulant dans ses veines;
Peut être parce que l'armée était tout ce qu'elle n'avait jamais connu depuis sa naissance;
Peut être parce qu'à chaque nouveau recrutement elle voyait des adolescents comme elle rejoindre cette armée à la fois si proche et si lointaine, et qu'elle les jalousait secrètement de ne pas pouvoir se joindre à la fête, elle qui aurait seulement voulu partager quelques mots avec eux.
Peut être parce qu'elle se sentait seule, tout simplement. Et qu'à cet âge, le besoin de reconnaissance est plus fort que tout.En tous cas, comme tous les soirs et ce depuis bientôt quinze ans, Isabel sort pour la première fois de la journée à l'air libre.
Accompagnée de son père, comme toujours.
Au fur et à mesure de ses pas, elle ferme les yeux. Elle se détend. Elle sent la brise fraîche du début de soirée caresser son visage. Et même si elle se sent en quelques sortes coupable d'apprécier ces quelques minutes de calme en temps de guerre, elle ne peut pas s'en empêcher.Elle se demande comment est vraiment l'extérieur des murs.
Est-ce que l'air est plus pur?
Est-ce que les étendues d'eau salée à perte de vue existent vraiment, comme elle en a entendu parler par certains soldats?
Est-ce que s'ils vivaient à l'extérieur des murs, son père l'aimerait enfin?Ces quelques questions qui resteront sans doute sans réponse pour un bon moment sont la raison du silence qui règne entre les deux individus. Pas que ce silence soit rare entre eux de toute façon.
Par moments, la jeune fille ose jeter quelques regards discrets en direction de son père pour déceler dans son regard une once d'affection, quelque chose, n'importe quoi qui puisse témoigner d'un quelconque respect à son égard, voire seulement un signe qui lui permettrait de savoir que le caporal admettait l'existence de sa fille.
Mais non, malgré le temps passé à l'observer, la jeune fille n'y trouvait jamais rien.
Pas un sourire.
Pas un mot gentil.
Seulement un ''Comment s'est passé ta journée?'' lui aurait suffit.
Pas même un regard.
Le caporal gardait les yeux rivés sur l'horizon, imperturbable, et s'efforçait de rester silencieux durant chacune de leurs promenades.Au fil des années, Isabel a apprit. Elle avait comprit que Livaï n'était pas un grand bavard. Elle avait apprit à se taire, à oublier son besoin d'attention de la part de son père.
En un mot, elle avait comprit que son père ne l'aimait pas. Qu'elle n'avait été et ne sera jamais qu'une erreur de jeunesse pour lui, qu'une épine qui se retrouvait profondément enfoncée dans son pied et avec laquelle il serait obligé de vivre, même si elle l'empêchait de marcher droit. Et en temps que telle, il était parfaitement logique qu'il ne lui témoigne d'aucune affection.
Parfois, elle se demandait comment il avait pu tomber amoureux de sa mère. Un homme tel que lui ne porte-t-il pas exclusivement de l'intérêt à sa personne?
Puis, elle se souvenait qu'elle resterait sûrement pour toujours seule face à ses interrogations, puisque sa mère ne serait jamais en mesure de lui répondre.Après cette promenade des plus réjouissantes, le bataillon passa à table.
Plusieurs services se succédaient, mais Isabel n'avait jamais assisté qu'au premier, puisque son père mangeait toujours le plus tôt possible afin d'avoir la soirée pour travailler.
Enfin, assister.
''Assister'' est un bien grand mot. Puisque comme elle en a l'habitude, Isabel se contentait de manger seule sur un coin de table, loin de tout soldat pour éviter tout contact entre eux.Mais ce soir là, pendant qu'elle avalait sa soupe cuillère après cuillère, elle se trouva une motivation nouvelle.
Ce soir là, elle allait convaincre son père de la laisser intégrer le bataillon d'exploration.
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A.N: Bonjour à toi, petit lecteur
Voilà (enfin) le premier chapitre de ma fanfic. Je sais, ça fait treeees longtemps que j'ai pas posté, mais j'espère que ça te plaira quand même x3
Prépare ton petit coeur, des tensions arrivent, hehehe
Bonne journée, bonne soirée, bonne nuit et à bientôt pour la suite!
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Comme un soldat
Fanfiction"Tu peux me faire confiance. Quoi qu'il arrive, je la traiterai comme un soldat. Sans traitement de faveur. Sans plus de douceur ou de tolérance." Et si Livai et Petra avaient fait face à leurs sentiments mutuels. Et si de cet amour était né un enfa...