Pâle figure

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Des fenêtres blanches, des draps immaculés, des lumières claires aveuglantes. Serait-ce le Paradis qui m'ouvre ses portes ? Quoique, j'en doute, étant donné les conneries dont j'ai pu faire profiter mon entourage et la société plus globalement dans la vie, je pense avoir le profil parfait pour aspirer aux Enfers d'Hadès.

J'essayais d'ouvrir les yeux le plus lentement possible, autant pour limiter les risques de brusquer ces chétifs organes que dans la crainte de ce que j'allais découvrir. Je tentais un léger mouvement de tête, vers la gauche, puis vers la droite, tout en balayant la pièce dans laquelle je me trouvais malgré les tons flous qui s'obstinaient à gêner ma vue.

Là, je trouvais mes deux parents, tous deux assis sur des chaises elles-aussi d'une couleur blanche inaltérée. Ma mère, dont le crâne s'appuyait très largement sur le mur, semblait presque paisible ; à croire que Morphée pouvait faire oublier à des parents le pire que leur fille ait pu commettre. Mon père, lui, semblait dans une sorte de transe, entre l'état éveillé et somnolant, intégralement soumis à cette condition qu'il ne se permettait jamais d'expérimenter d'habitude -le répit bien mérité.

J'osais un geste de la main, ou un simple murmure, mais, c'est avec stupeur que je découvrais l'inévitable évidence, rien ne se passa. Je réitérais l'expérience; toujours rien. Mon corps refusait décidément d'obtempérer, et je n'étais malencontreusement plus maîtresse de ce dernier, mais bien spectatrice de cet emprisonnement contre mon gré, au sein de ma propre structure.

Nouvel essai désespéré, cette fois-ci suivi d'un gémissement étouffé. Aussitôt que la sorte d'engourdissement qui me paralysait jusqu'à lors eut disparu, une violente douleur au ventre me pris avec virulence. Mon père -ce surhomme-, ouvrit les yeux pour se rapprocher en un clin d'œil de mon visage.

"- Lisa ! Lisa !, cria-t-il, comme sous le choc. Chérie, lève-toi !", s'empressa-t-il de clamer à ma mère.

Ma mère, suivant le rythme, s'approcha également de moi, pour mieux me jauger, ou plutôt estimer mon état.

Pressant un bouton sur le côté de mon lit, elle semblait tout comme mon père, bouleversée. C'est en voyant une jeune infirmière s'avancer vers mon visage que je réalisais alors la nature de l'endroit dans lequel je me trouvais : un lit d'hôpital. Génial, il ne manquait plus que ça... L'hôpital, et puis ce sera quoi ensuite ? C'était bien le dernier endroit où j'aurais voulu atterrir, après tout ce qui c'était produit.

"- Comment te sens-tu ?", m'adressa l'infirmière, son accoutrement classique jurant avec ses yeux d'un clair peu ordinaire. Malgré le sourire professionnel qu'elle arborait sans doute pour rassurer mes parents, je décelais une once de tristesse. Nouveau gémissement gênant en guise de réponse. Quand est-ce que ma bouche et ma langue vont daigner coopérer pour transmettre ne serait-ce que le dixième de ce que j'aimerais pouvoir répondre ?

"- Ce n'est pas grave..., intima-t-elle à mes parents, tous deux sur le point de faire un infarctus parfaitement synchro. Elle parlera dès que la fatigue et l'effet des soins délivrés ne feront plus effet."

S'en suivit une conversation composée de messes basses et de murmures presque inaudibles entre mes parents et l'infirmière, avant qu'elle ne sorte de la pièce en accordant un dernier regard compatissant à ces derniers. Puis, ce fut à leur tour de converser intensément à propos de ce qu'ils venaient d'entendre. Je m'interrogeais quant à l'heure fatidique où j'aurai à écouter leur sermon, tout en prenant part ; en répétant, bien évidemment, que j'étais d'accord, que j'admettais leur point de vue, et que je ne recommencerai pas. Et ce, sûrement jusqu'à la prochaine connerie de ce genre. Le plus ennuyeux dans tout cela était que je devrais sans doute m'expliquer au sujet de ce qui s'était passé. Sauf que c'était bien la dernière chose dont j'avais envie sur le moment.

Je profitais de mes derniers instants de somnolance dus au traitement administré par l'infirmière pour me replonger dans cet état si familier, entre le rêve et la réalité. Ce trou noir sans fond où la conscience persiste, faisant apparaître les dernières pensées qui passent la barrière de l'esprit, avant de s'estomper, peu à peu remplacée par les silhouettes du rêve et de l'inconscience complète. Interlude sacrée, joyeuse utopie. Je n'aurais su comment te remercier à ce moment-là, et ne le sais toujours aujourd'hui.

Ce que je sais, c'est que je souhaiterais de tout cœur pouvoir vivre infiniment dans un rêve, pour fuir la pénible réalité, au profit du songe illusoire éternel. Et ce, pour ne jamais me réveiller.

the last tearsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant