lisa killed herself

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Il est 5h30 du matin. Cela fait environ vingt minutes que mon réveil sonne en boucle. Je commence à haïr cette sonnerie à la harpe. Je suis censée me préparer pour rejoindre le lycée dont le trajet équivaut à une heure de transport. Il fait encore sombre, le soleil ne s'est pas levé. Je pose mes pieds sur le sol froid de ma chambre avant de me lever pour de bon, et gagner la salle de bain. Après m'être débarbouillée, je prends une pomme dans la cuisine et me fais un café.

Durant toute cette préparation matinale, je m'efforçais de ne pas penser au lycée. Mais à chaque fois que je tentais de songer à une quelconque autre occupation, l'image des regards sordides des  autres adolescents me revenaient en mémoire, comme le pire des poisons, immonde, abject, et me rappelaient l'ignoble poids qui m'opprimerait dans quelques heures. La sensation d'être un monstre, rien de plus qu'une erreur profonde m'envahirait dès mes premiers pas là-bas.

Je me savonnais le visage vigoureusement, tentant d'éloigner mes démons de mon esprit. Je vais bien. Tout va bien. Ma journée va bien se passer. Personne ne va m'embêter. Je serai heureuse. Mais oui, je serai heureuse. J'ai besoin d'y croire, rien qu'une fois. Sinon, je sens que je vais encore m'écrouler comme une pierre, écrasant autour de moi mes proches, une fois de plus. Je me regardais dans le miroir. J'avais beaucoup maigri depuis l'accident. Mes os et mes côtes n'étaient à présent que plus évidents, et formaient des traits épais, me donnant un air fébrile. Mes yeux, eux, étaient toujours vides, malgré qu'assez clairs. J'avais perdu cette lueur propre à tous, qui enjolivait le regard. Cette fugace vivacité que seuls les heureux possèdent, apportant au visage une impénétrable beauté. Cette candeur, je l'ai égarée. Dans cet incroyable foutoir qu'est ma vie, elle s'est dégradée avant de disparaître définitivement. Tout ce qu'il me reste à présent est cette indolence, cet engourdissement impossible.

Je me passais un dernier coup d'eau sur la figure avant de prendre mon sac fait au préalable la veille, et sortais de la maison. Le ciel était blanc. Je le détaillais tout en marchant, évitant les coups d'œil réprobateurs des voisins, qui avaient probablement eu vent de ma tentative, ou avaient assisté à l'ambulance arrivant devant chez moi. Je détestais ça, tous ces jugements gratuits qu'ils m'adressaient, rien qu'avec le pouvoir de leurs regards.

Après quelques chansons, et une heure de bus bien trop courte, j'arrivais devant le fameux lycée. Passant la grille blanche de l'établissement, il me semblait pénétrer dans le Tartare.

Retirant mes écouteurs, j'entrais dans le lycée avec beaucoup d'appréhension, redoutant les visages, ces horribles visages aux mines répugnées. Je me fis toute petite en marchant dans les couloirs, et en gagnant mon premier cours de la journée : l'Histoire-Géo.

Des nausées étaient en train de m'envahir lorsque j'ouvrais la porte de la salle en question, avant d'entrer de ce qui me semblait être l'antre de cruels démons. Je m'asseyais à ma place habituelle, vide depuis une semaine. Je me mis alors à fixer mes mains tremblantes, posées sur le bois lisse de la table.

Le prof entra dans la classe. Après nous avoir salué, il débuta son cours par quelques explications sur un rappel concernant l'économie de notre pays, avant d'engager la problématique du jour : le rôle du Pacifique à l'échelle mondiale, et ses enjeux. Je fixais mon bureau, priant pour que le cours ne s'éternise pas, et que les minutes s'accélèrent d'elles-mêmes, sans que j'aie à prétexter des maux de ventre pour me réfugier à l'infirmerie. Réduite à baisser la tête, je décidais alors de prendre quelques notes du cours, pour ne pas être trop perdue en rentrant chez moi. J'avais déjà gâché une bonne semaine d'explications sur les cours actuels, ce qui m'assurerait une chute inédite de mes notes très prochainement. Je commence à me rendre à l'évidence qu'il est temps de mettre mon envie de crever de côté, et de me surmener comme je le faisais si bien avant pour rattraper mon retard...

J'ose un mouvement de la tête pour balayer la classe du regard. Personne ne fait attention à moi. Ouf. Je m'obstine à prendre des notes, mais, à côté de mes abréviations peu compréhensibles, je me permets de dessiner une croix superposée à une tombe. Et puis un jardin. Ce sera mon cimetière.

Il est l'heure de déjeuner. Je sors de mon dernier cours avant de me remarquer des messes-basses tout autour de moi. J'ai l'impression de devenir parano, mais les apartés deviennent de plus en plus évidents, et lorsque je me retourne pour surprendre les commères en question, je tombe sur deux filles qui se mettent aussitôt à me toiser avant de s'enfuir en m'adressant un "Sale suicidaire". Je me faisais visiblement des idées quant à l'ignorance de mon lycée vis-à-vis de ma tentative... Ils sont tous au courant.

Et je sais d'avance que durant la prochaine semaine, je vais m'en prendre plein la gueule.

the last tearsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant