Chapitre 31 : Will

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- Le fait que ton mutisme soit un traumatisme est une "chance" : tu pourras reparler un jour. Peut-être à force d'entraînement, ou encore d'un coup, si il t'arrive une chose et que tu ressens de la peur, ou un autre sentiment qui est puissant.

C'est ce qu'avait dit ma psy, quelques mois après le premier rendez-vous chez elle. Pendant plusieurs semaines je m'y étais entraîné, sans résultats. J'ai fini par abandonner, nourrissant l'espoir (mais sans beaucoup y croire) que je pourrais reparler "d'un coup".

Quand j'ai retenu Peter d'aller tabasser davantage son père, j'avais besoin d'aide. Je ne pouvais pas le lâcher, sinon je sens qu'il y aurait eu des conséquences graves. Alors j'ai essayé de crier. Sans résultats au début, mais sentant qu'il commençait à s'enfuir, j'ai crié d'un coup. Ma voix était plutôt grave, puissante et rauque. J'ai crié "à l'aide" plusieurs fois avant que Lucas ne sorte.

Il m'a lancé un drôle de regard puis est allé directement se figer devant son père. Il lui a menacé d'appeler la police pour homophobie et violence. 

Moi, je reste abasourdi. J'ai réussi à parler !

Quand son père est enfin parti, je me suis mis devant Peter. Si je le lâche, il va directement le poursuivre ! Alors je lui ai posé mes mains sur ses joues chaudes et je lui ai parlé. Il avait l'air un peu surpris. Le sentant encore furieux, je fais la seule chose qui puisse le retenir. Je pose mes lèvres sur les siennes. Elles sont chaudes.

Il semble surpris, et ne réagit pas aussitôt. Puis, doucement, il répond à mon baiser. Il descend ses mains sur ma taille pour me rapprocher encore plus de lui.

À bout de souffle, je finis par me reculer. Il plante ses yeux dans les miens. J'y vois surprise, joie. Et la once de tristesse que je vois d'habitude disparaît. Mais très vite, elle revient et il éclate en sanglots, sans crier gare. 

Il me sert contre lui à m'étouffer, mais je ne dis rien. Je le laisse pleurer sur mon épaule.

Au bout d'un moment, il finit par reculer.

- Désolé, signe t-il.

Mais j'attrape sa main et la serre.

- Ah bah enfin ! s'exclame Lucas. Je me demandais quand vous vous mettrez ensemble.

Je lui lance un regard amusé mais ne peux m'empêcher de rougir. Je me tourne une nouvelle fois.

- D'ailleurs tu reparles ? me demande Peter en lâchant ma main.

- Il semblerait.

- Dommage j'aurai aimé t'entendre parler. 

Il me lance un regard malicieux. Je rougis encore plus.

- Arrête, raille Lucas, ou il va se transformer en tomate.

On finit par rentrer à l'intérieur. Ma main dans celle de Peter.


Le soir, nous dînons Chez Marcus. Malheureusement, la bande est là aussi. Elle ne fait pas attention à nous, jusqu'au moment où ils s'apprêtent à quitter le restaurant. 

Elle s'arrête devant nous.

- Alors ? ricane Dave. C'est vrai que ton père est venu ? 

J'attrape la main de Peter sous la table pour lui dire "ne les écoute pas".

- Ouais, il paraît qu'on avait raison. T'es pédé ! ajoute Rayan.

- Même que tu as chialer comme une gamine après ! renchérit Mark.

Peter serre davantage ma main puis se tourne vers la bande, avec un grand sourire. Il lâche ma main pour signer :

- Dites ce que vous voulez, j'en ai plus rien à foutre.

- Et voilà pourquoi tu étais furieux quand on disait que tu étais gay. Pathétique ! s'écrie Rayan.

- C'est vous qui êtes pathétiques. Vous êtes carrément ridicules, je lance.

- Ta gueule, le muet. D'ailleurs comment tu peux reparler toi ? Espèce de sale merde.

Lucas allait ouvrir la bouche, sans doute pour leur dire de dégager, mais Simon, qui jusque là est resté silencieux et à l'écart, lance :

- C'est bon, les gars. Laissez tomber, sérieux.

- Qu'est-ce que tu veux toi ? Tu te dégonfle ? siffle Rayan.

- Non, c'est juste que c'est con tout ça. On n'est plus des gamins. Et puis il est gay, et alors ? C'est son droit. On s'en fout après tout. Laissons-les tranquille.

J'hallucine. Lui qui n'arrêtait pas avec ses potes de nous critiquer, voilà qu'il nous défend.

Dave, Mark et Rayan le regardent comme si il faisait pitié.

- C'est bon, on se casse, marmonne Dave, sans quitter Simon des yeux.

Dave et Mark partent, et Simon est derrière.

- Simon ? appelle Lucas. (il attend qu'il se retourne pour continuer :) T'es pas obligé de rester avec eux, tu sais.

Il hausse les épaules, l'air las, nous lance un petit sourire, et sort à son tour.

Une once de tristesse dans ses yeux (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant