Chapitre 72 Souvenirs souvenirs

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Inconscient, je fus tiré de mon sommeil par un doux son de flûte. Je m'éveillais au milieu d'un charmant jardin décoré de fleurs.

« Les enfants ! Ne jouez pas si près du ruisseau, vous allez vous salir ! »

Cette voix m'était si familière et pourtant je n'arrivais pas à lui associer un visage. Émerger était si difficile qu'il me semblait récupérer d'un lendemain de fête. Je pouvais discerner non loin de moi plusieurs voix, dont certaines appartenaient à des enfants.

« Richard n'arrête pas de copier tout ce que je fais !

—Élisa, Richard, venez prendre votre goûter ! »

Cette autre voix, en revanche, je l'avais reconnu immédiatement.

« Isa ! » Pensai-je à voix haute.

Je m'approchai discrètement du jardin afin d'y observer la scène qui se déroulait. J'eus la surprise de découvrir le lieu où avait été prise la photo en noir et blanc de ma mère lorsqu'elle était enfant. Il s'agissait d'une grande maison du dix-neuvième siècle, de style normand, aux poutres apparentes. Toutes les personnes devant moi étaient alors vêtues à la mode des années 50. Isa, quant à elle, portait une robe à boutonnière, noire à pois blancs, descendant jusqu'aux genoux, ainsi qu'un chapeau et des lunettes de soleil.

Ma mère était présente, âgée d'à peine cinq ans, Isa était alors sa nourrice, mais qui pouvait bien être le deuxième enfant ? Pour le moment il m'était impossible de le savoir. Je vis alors Isa approcher avec un plateau garni d'une dinette. Elle servit ma mère ainsi que le dénommé Richard d'un verre de lait, d'un fruit et d'un biscuit.

« Monsieur Keller, votre fils a l'air de très bien s'entendre avec ma fille. Reprit la voix.

—Ils sont adorables, laissons les jouer le temps de conclure cette affaire.

Je m'approchais doucement, tel un voleur en direction de la fenêtre, caché derrière le mur afin de continuer à écouter la conversation entre les deux individus. Une voix s'adressa alors à moi, provenant de l'intérieur :

—Tu peux entrer Alex, ils ne peuvent pas nous voir.

C'était la voix d'Isabelle, qui était déjà à l'intérieur.

—Isabelle, enfin. Qu'est ce qui s'est passé, nous étions tous inquiets ! M'exclamai-je.

—Quelqu'un a dû passer avant nous. Toutes les portes de sorties sont bloquées. Je crois que notre bibliothécaire est forcé de revivre ses souvenirs.

—Alors c'est lui Richard ?

—On dirait bien. Et devant nous, c'est ta grand-mère.

Alors que je rejoignais Isabelle, je constatais que ma grand-mère et le père de Richard avaient disparus.

—Où sont-ils passés ? Demandai-je.

—Évaporés... Keller n'a pas dû assister à la scène. Nous sommes dans sa tête, ses souvenirs se limitent à ce qu'il a vu ou entendu. Retournons voir ta mère.

—Attends, j'étais censé te sortir d'ici ! Insistai-je.

Isabelle posa sa main sur ma joue.

—Tu as pris ce risque ? Au fond ce n'est pas plus mal. Tu n'as pas envie de découvrir quels liens il entretenait avec ta mère ?

—J'avoue que... Oui. Dis-je en soupirant. »

Nous retournâmes au jardin où Isa faisait jouer les deux enfants, tous trois assis sur l'herbe. Ma mère avait une petite flûte d'où elle faisait sortir un son aigu désagréable qui nous fit grincer des dents, moi, Isabelle, ainsi qu'Isa. En constatant qu'Isabelle faisait la même tête grimaçante qu'Isa, je ne pus m'empêcher de pouffer de rire.

La reine de la nuit : La libération Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant