Chapitre 71 Innocent

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Dans le froid et la pénombre, nous fumes réunis, Isabelle et moi, dans une cellule de haute sécurité, disposant d'un miroir sans teint. Un groupe d'intervention se dissimula derrière, prêt à intervenir, sous la direction de Dimitri. Je me retournai vers eux :

« Je vous signale qu'on peut vous voir ! Lançai-je.

—C'est bon, ce vitrage a été conçu pour les véhicules blindés de la Police. Répondit Irina. Ces hommes n'interviendront que s'il venait à céder, ce dont je doute fortement. »

Avant que l'on ne verrouille la porte derrière nous, Charlotte qui se tenait derrière la vitre était venue m'apporter une petite seringue remplie d'extrait d'absinthe. Elle avait sans nul doute deviné ce que je projetais d'en faire. Je pouvais lire l'inquiétude sur son visage.

« Je vais devoir prendre son sang. Déclara Isabelle. Es-tu bien sûr de vouloir assister à cela ? »

Afin de la laisser faire, ce qu'elle avait à faire, je me retournai donc en direction de la vitre derrière laquelle était réunie une assemblée comme pendant les exécutions.

Je vis alors deux hommes de la gendarmerie nationale escorter un détenu aux yeux bandés derrière la vitre. Je fus alors stupéfait de constater qu'il ressemblait beaucoup au bibliothécaire.

Irina s'adressa alors à nous par l'intermédiaire d'un interphone :

« Mes amis, je vous présente, le véritable Stéphane Keller ! Je me suis dit qu'une confrontation nous permettrait d'éclaircir le mystère à propos de ce don d'ubiquité. Monsieur, reprit-elle en s'adressa au prisonnier, cet homme a usurpé votre identité pendant votre détention. Lui-même a avoué vous avoir déjà rencontré. Nous vous serions reconnaissants si vous pouviez nous aider à procéder à son identification.

—Reconnaissants ? Je ne me fais pas d'illusion, je sais jusqu'où s'arrête la reconnaissance de votre gouvernement. Répondit le détenu.

—Retirez-lui le bandeau !

—Dimitri ? C'est toi ?

—Oui c'est moi. Répondit modestement celui-ci.

—Alors tu travailles pour ces gens ? Même après que l'armée t'ai mis dehors ?

—Et le caporal est des nôtres lui aussi... Et aujourd'hui nous avons besoin de toi, c'est très important.

Tout pendant que les gendarmes s'affairaient à délier le bandeau qui obstruait son champ de vision, Stéphane Keller poursuivait :

—Tous comme j'aurais eu besoin de vous le jour de mon procès, mais vous êtes tous restés silencieux, vous, mes propres compagnons d'armes ! Vous les avez laissé m'accuser d'avoir tué mon propre... Papa ! S'écria-t-il en voyant le bibliothécaire.

—Comment ! Votre père ? » Répétai-je.

Alors que je restais abasourdi, toute la salle sembla pétrifiée de stupéfaction.

Stéphane Keller, perdit son sang froid et commença à se débattre pour pouvoir accéder à la salle où nous étions enfermés avec le bibliothécaire. Après plusieurs minutes, il fut maitrisé par les soldats du groupe d'intervention. Une fois calmé, Irina lui proposa un marché :

« Monsieur Keller, si ce que vous dîtes est bien la vérité, cela signifie que vous avez été condamné à tort. Pour nous en assurer, nous vous serions reconnaissants si vous nous permettiez de procéder à une analyse ADN sur vous ainsi que sur votre imposteur. Si le résultat s'avérait positif, je vous rendrais votre liberté.

—En avez-vous seulement le pouvoir ? Répondit le jeune homme. Voila près de dix ans que mon père a disparu. Et aujourd'hui je le retrouve, ici. Que lui avez-vous donc fait ? Pourquoi est-il si jeune ?

—C'est vrai ! Dis-je à mon tour. S'il s'agit bien de son père, il devrait être beaucoup plus vieux !

—Monsieur, votre père est devenu l'un des nôtres. Déclara Isabelle. Non seulement il ne peut plus vieillir mais il a accès à la jeunesse éternelle. Au fur et à mesure de ses repas, il a regagné des années, jusqu'à vous ressembler.

—Mais qu'est-ce qu'elle raconte la blonde ! Je comprends absolument rien ! Papa ! C'est moi !

—Bon emmenez le... Ordonna Irina. »

Constatant que la confrontation n'aboutissait à rien, les gendarmes escortèrent le jeune Keller loin de nous. Irina donna alors son autorisation pour que nous puissions entrer en contact avec le bibliothécaire par la voie vampirique. Après avoir consommé son sang, Isabelle prit le visage du bibliothécaire entre ses mains et plongea son regard dans le sien pendant de longues minutes.

« Alors ? Demandai-je.

—Je ne comprends pas, je n'arrive pas à entrer. On dirait qu'il y a déjà une prison à l'intérieur.

—Comment ça ?

—Il rêve.

—Une prison ? Mais qui a pu l'y enfermer ?

—Je n'en sais rien... Il n'arrive pas à en sortir. Attend, je crois que j'ai trouvé l'entrée... On dirait... On dirait...

Sur ces derniers mots, Isabelle s'effondra inconsciente.

—Isabelle ! S'écria Charlotte. »

Je me précipitai vers elle pour la ranimer sans succès. Charlotte déjoua la vigilance des soldats et parvint à entrer dans la salle où nous nous trouvions. Elle ouvrit l'une des paupières d'Isabelle à l'aide de ses doigts et nous pûmes voir qu'elle rêvait elle aussi. Charlotte déclara :

« Elle est sous l'emprise d'un esprit plus puissant.

—Un esprit, quel esprit ? Demandai-je.

—Je ne sais pas mon garçon, mais il se trouve que quelqu'un a enfermé cet être abject dans une prison spirituelle similaire à celle où j'avais enfermé Isabelle autrefois. Probablement pour nous empêcher de le sonder. En cherchant à entrer, Isabelle s'est retrouvée enfermée avec lui.

—Mais c'est horrible, il faut la ramener, vous devez faire quelque chose !

—Je ne peux pas.

—Comment ça, pourquoi vous ne pouvez pas !

—D'une, parce que je n'ai plus de pouvoirs, de deux parce que cette prison a l'air bien plus solide que toutes celles que j'ai pu bâtir. C'est à n'y rien comprendre. L'esprit qui a créé ça doit être redoutable. Mais toi mon garçon, tu as peut être une chance.

—Que voulez vous dire ?

—Avant d'être comme nous, tu étais déjà capable de visiter Isabelle dans ses rêves. Si tu profites du lien qui t'unit à elle, tu peux la retrouver et la ramener. Tu es un seigneur, aucune prison mentale ne saurait te retenir.

—C'est d'accord ! M'exclamai-je. Je vais la ramener !

—Je reste à tes côtés pour te protéger. Répondit Charlotte.

—De notre côté, nous allons tout faire pour savoir qui contrôlait Keller. Vous avez bien dit qu'il avait un mentor ? Demanda Irina.

—Exact.

—Alors si on le retrouve, nous le forcerons à vous libérer tous les trois.

—Faites votre possible de votre côté, je ferais au mieux du mien. Conclus-je. »

Je me mis en sommeil paradoxal et orienta toute mes pensées vers Isabelle. Je fus alors plongé dans un chaos semblable à un cyclone où je pouvais entendre résonner la voix d'Isabelle qui criait mon nom. Je tombais nez à nez devant une forteresse ressemblant étrangement à la ville prison que nous avions visitée dernièrement. Elle prenait place dans un désert de sable perdu dans la nuit. À la place de la grande porte se trouvait un passage empli de lumière, évoquant les trous de ver de la science fiction. En me tenant face à ce portail, j'avais la sensation de me trouver devant un immense miroir.

« Je suppose que je dois traverser maintenant. Tiens bon Isabelle,... J'arrive ! »

La reine de la nuit : La libération Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant