Chapitre 66 Numerum Bestiae

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Il était 11h56 très exactement, à l'heure de Paris ce matin là. C'était en tous cas ce qu'indiquait l'horloge de la tour où j'avais décidé de retrouver l'assassin d'Isa.

Plus tôt dans la matinée, je m'étais préparé, avais pris quelques réserves de sang humain et étais parti sans un mot. Je n'ignorais pas qu'Isabelle m'avait entendu claquer la porte, mais tout ceci ne la concernait plus. Je ne voulais plus la laisser redevenir la tueuse sanguinaire qu'elle était. Je tenais à lui offrir cette nouvelle chance, celle d'être enfin la jeune fille qui pourrait croire en ses rêves. Cette fois-ci, c'était à moi de me salir les mains.

Vers 10h, dans le métro, je relisais en boucle ce message provenant de lui, sur mon téléphone et je me disais avec conviction qu'il serait mort avant que la nuit ne tombe. Je sortis de la station de métro, me frayant un chemin au milieu des touristes, jusqu'au quai de l'horloge. Je passais devant la Conciergerie, bousculant un groupe d'étudiantes japonaises occupées à prendre le célèbre cadran en photo.

Cette horloge avait en effet de quoi attirer les regards, elle était belle, majestueuse et terriblement imposante. À l'instar du quadrige du carrousel, elle était elle aussi escortée par deux vertus, deux gardiens immobiles plaqués d'or et de lapis-lazuli.

À 11h59, j'inspectais la foule, je dévisageais chaque personne, une par une. Je fis également appel à mon don de détection, ainsi qu'à mon ouïe. Mais le plus simple fut encore de me concentrer sur les yeux qui étaient autour de moi. Chaque battement de cils résonnait comme le verrouillage d'une porte. C'est alors que je vis un regard, perdu parmi l'attroupement, qui se mit à briller sous l'effet de chaque flash d'appareil photo. C'était lui, indubitablement.

Pendant qu'il s'approchait de moi, je le dévisageais de la tête aux pieds. Il portait un long manteau imperméable ainsi qu'un béret semblable à ceux que portaient les militaires. Midi retentit alors du haut des tours de Notre-Dame. Distrait pendant un instant par le son du bourdon, je me retournais brusquement en constatant que le vampire était passé derrière moi en quelques secondes. Il dit alors :

« Monsieur Perez, permettez moi de vous remercier d'être venu. J'imagine que je dois être la dernière personne que vous ayez envie de voir, mais ce que j'ai à vous révéler va changer votre vision des choses.

Je lui dis alors à mon tour :

—Quoi que vous ayez à dire, je vous conseille d'être convainquant, car j'étais venu dans le seul espoir de vous tuer.

—Allons, vous n'êtes qu'un humain, que pourriez-vous bien faire contre un immortel... Vous vous blesseriez. Regardez plutôt ceci. »

Il sortit une succession de photographies de sa poche et tout pendant qu'il les commentait, je réalisai qu'il ignorait pour ma transformation. C'était une chance inespérée de le prendre par surprise, dès que le moment serait venu, nous serions alors à armes égales. Sur l'une des photographies qu'il me présentait, je reconnus une page du livre de Lorenzo. Il s'agissait d'un dessin représentant l'horloge, exécuté à la plume.

« Vous la reconnaissez ? Dit-il.

—Bien sûr ! C'est l'horloge devant laquelle nous nous trouvons. Est-ce pour me la montrer que vous m'avez fait venir ici ?

—Regardez mieux...

Après un second examen, je remarquai que le dessin présentait quelques différences par rapport à la réalité. Sur le cadran n'étaient pas affichées les heures mais à la place, les douze signes du zodiaque.

—Les signes...

—Regardez aussi les vertus.

—La première tient une balance et une épée, comme les cavaliers, mais la deuxième...

La reine de la nuit : La libération Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant