Chapitre 12

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L'air sentait la pluie. La pluie, le sang et la mort. 

Une fois mes yeux habitués à la nouvelle obscurité qui m'entourait, je réalisai que nous nous trouvions désormais dans l'amphithéâtre dont l'entrée donnait sur le grand hall. Je voulus me relever mais la terrible douleur que j'éprouvais me fit tomber à la renverse, au bord de l'évanouissement. Je devais probablement avoir plusieurs côtes cassées en plus des nombreuses coupures qui - je le sentais - me ravageaient le visage et les bras de leur picotements.

Toujours clouée au sol, je tachai cependant d'outre-passer la souffrance physique pour comprendre ce qu'il s'était réellement passé. Je me souvenais très clairement de cette sorte d'étrange bibliothèque ainsi que du débat que j'y avais eu avec Antoine. Mais mon petit frère n'ayant jamais été ici, cela ne pouvait pas avoir été réel... 

J'avais dû perdre connaissance et quelqu'un - et j'ignorais qui - avait dû m'amener ici, à l'abri. Peut-être Matthieu. Peut-être Louis.

Les gémissements ne faiblissaient pas et, en me redressant d'un iota au prix d'un effort considérable, je fis un constat terrible : nous n'étions pas plus des deux tiers du groupe que nous formions précédemment, dans le hall. Ce qui impliquait donc que les personnes ayant appartenu au tiers restant se trouvait toujours là-bas et qu'elles étaient probablement - voire assurément - décédées. Disparues. A tout jamais. 

Je ne pouvais me fier à une telle observation : c'était tout bonnement inenvisageable, impossible. Elles devaient s'être réfugiées ailleurs ! Pourtant...

- Oh mon Dieu... Oh mon Dieu... C'est pas possible... Non ! NON !!! 

En plein délire face à ce que mon esprit ne pouvait assimiler tellement cette réalité était cauchemardesque, je m'étais mise à hurler. 

Une silhouette arriva alors en clopinant et se positionna au-dessus de moi qui continuais à bafouiller des phrases sans aucun lien entre elles. Tandis qu'il se penchait davantage vers mon visage, je le reconnus et la vague de soulagement qui m'envahit fut telle que je fondis en larmes. 

Louis - car c'était lui - s'assit à côté de moi en grimaçant et prit mes mains dans les siennes. Je ne le voyais pas assez bien pour pouvoir le confirmer, mais j'étais quasiment sûre que le liquide lacrymal coulait aussi sur ses joues.

A fleur d'émotion, je me relevai précipitamment, faisant fi de ma cage thoracique qui me lançait et plongeai droit sur mon ami, seule bouée de sauvetage que j'apercevais pour le moment au milieu des si hautes vagues de ma tempête émotionnelle. Il faillit tomber à la renverse, mais je m'agrippai à lui, ne voulant le lâcher pour rien au monde, le serrant de plus en plus fort contre moi, comme si, en l'embrassant, j'embrassais tous ceux à qui je tenais. 

Au bout de quelques instants qui me semblèrent durer une éternité, tremblante des pieds à la tête, je demandai à Louis, sans desserrer mon étreinte :

- Qu'est-ce...que s'est-il passé ?

Pour toute réponse, j'entendis ses sanglots percer à travers le nombre incommensurable de pleurs qui flottaient dans la pièce. J'eus soudain terriblement peur :

- Sarah... Elle est... elle est...

Non, c'était impensable.

Au prix d'un effort qui sembla surhumain, Louis me rassura :

- Sarah va bien... Madame... Madame Guillard l'a emmenée avec elle lorsqu'il a fallu qu'on se déplace. Toi, je crois que c'était Monsieur Nowg qui t'as portée jusqu'ici...

Je sentais bien qu'il me cachait quelque chose. Cependant, j'éprouvais une crainte terrible à l'idée d'entendre la vérité, peur qui me nouait l'estomac au point de me donner envie de dégobiller. Je restai donc silencieuse jusqu'à ce que mon camarade s'écarte de moi et se décide à lâcher :

Ça ne devait pas être pour demainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant