Chapitre 10

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Assise aux côtés de Monsieur Legrand avec Louis, Sally, Clément et Justine, j'assistai, impuissante, à l'agonie de Sarah. Les professeurs étaient six, affairés autour d'elle, tandis que tous les élèves épiaient, certains usant même des derniers pourcentages de batterie de leur téléphone pour filmer les suffocations de ma meilleure amie. 

C'était sûrement plus facile de voir les choses à travers un écran, comme si ce n'était qu'une émission de télévision ridicule et Sarah une actrice qui jouait trop bien son rôle. Il n'empêche que cela me faisait enrager tellement je trouvais cette attitude irrespectueuse.

Alors que les secondes s'éternisaient et que Madame Guillard avait entreprit d'allonger mon amie, inspirant et expirant lentement et profondément à ses côtés pour lui montrer l'exemple, Madame Chamouri, ma professeure d'E.P.S, partit en courant tout en hurlant à l'adresse de tous :

- A l'infirmerie... Il y a des réserves de Ventoline à l'infirmerie !

Elle avait raison. Comment avions-nous fait pour oublier ce détail ? Sûrement la panique avait-elle brouillé notre esprit logique. Alors que je recommençais moi aussi à respirer convenablement, je me rendis compte qu'un peu plus loin, les adultes débattaient, fébriles. 

Mon enseignant d'Histoire, toujours assis à côté de moi, les observait attentivement. Alors que le ton montait de plus en plus, il se leva et m'expliqua :

- Il faut que j'aille voir ce qu'il se passe, où je sens qu'ils vont encore prendre des décisions qu'ils regretteront par la suite...

J'acquiesçai et il rajouta :

- Quand la situation est ainsi tendue, et que par-dessus tout, des gens qu'on aime bien - des amis - sont impliqués, tout peut très vite dégénérer. Je reviens vite. 

Louis, posant une main sur mon épaule, rassura le professeur :

- Ne vous inquiétez pas, Monsieur : nous allons veiller sur Hannah.

Je connaissais Louis Briax depuis la classe de Cinquième, année durant laquelle nous nous étions rencontrés pendant notre premier cours de Latin. Depuis, nous ne nous étions plus lâchés. De taille moyenne, les cheveux roux tirant sur le bronze et toujours en bataille, de l'acné par-ci par-là, je ne le trouvais pas particulièrement beau, mais il était adorable et nous nous entendions à merveille. 

Alors que Monsieur Legrand s'éloignait, je me focalisai de nouveau sur Sarah. Elle semblait éreintée de lutter ainsi contre ses poumons désespérément comprimés. Fort heureusement, Madame Chamouri revint au pas de course - elle avait fait vite ! - sa lampe dans une main et un inhalateur dans l'autre. Elle brandit ce dernier triomphalement, puis, essoufflée, elle murmura :

- Tenez... Allez, donnez en lui maintenant... Pauvre petite !

Madame Guillard s'exécuta et Sarah, après avoir pris une immense inspiration, redécouvrit - au soulagement de tous - le plaisir d'une respiration normale.

Je m'approchai de nouveau, suivie de près par Louis et Sally-Matha, et pus voir un faible sourire se dessiner sur le visage de ma meilleure amie. Je voulus ensuite lui parler, mais mon professeur de Lettres classiques - Monsieur Nowg - s'opposa :

- Mademoiselle Camille, je suis navré mais Mademoiselle Manoscrivi a besoin de repos. Nous allons l'installer au calme, dans un coin, et Madame Guillard restera à ses côtés pour veiller sur elle. 

Je voulus insister, mais l'enseignant répéta, un regard sincèrement désolé sur le visage :

- Je m'excuse Mademoiselle, mais c'est pour le bien de votre amie. Je vous promets que si dans une heure elle se sent mieux, vous pourrez aller la voir. En attendant, retournez auprès de vos camarades. Pour ma part, je dois rejoindre mes collègues qui sont encore indécis quant à l'attitude à adopter...

Ça ne devait pas être pour demainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant