C'est plus tard dans la soirée que je me décide enfin à aller me coucher. En entrant dans le garage-cuisine, je veille à bien fermer la porte menant au salon. Je pars chercher le matelas que je gonfle en quelques minutes ainsi qu'un vieux drap miteux.
Une fois cette tâche accomplie, je fais une évaluation rapide de la salle : tout est à sa place excepté mon matelas qui est étalé en plein milieu.
Avec un pincement au cœur je réalise que c'est la première fois que je vais dormir seule, sans Asle, en plus de trente ans : tout de même un peu méfiante, je lui ai demandé de dormir dans le salon pour surveiller les deux cousins.
Seulement la nuit est un calvaire pur : je suis incapable de dormir plus de deux heures, la peur d'une trahison par les cousins et le nom Acerbus me torturant l'esprit.
Le noir environnant donne à mes bribes de rêves une aura maléfique. Je suis prisonnière entre rêve et réalité.
Lorsque je suis plongée dans les bras de Morphée, mes rêves me paraissent importants. Du moins je le crois car dès que je me réveille, je les oublie immédiatement. Je retiens seulement des voix : Des fortes, des faibles, des aiguës, des graves...
Mais je n'arrive pas à mettre de visages dessus. Je tente. J'essaie de tout mon cœur, pourtant tout dégage dans un coup de vent lorsque je pense m'en rappeler. Ça me frustre. Ça m'énerve. Je force mon esprit à m'obéir mais il n'en fait rien.
Lorsque je pense qu'il est environ cinq heures du matin, je me décide enfin à me lever : je jette ma couverture sur mes jambes courbaturées et me frotte les yeux avant de m'extraire aussi rapidement qu'une tortue de mon lit gonflable.
Je lance un regard piteux sur ledit matelas qui touche désormais le sol. Superbe, je suis bien partie pour le regonfler tous les soirs.
Dès l'instant où mes pieds touchent le sol, les capteurs d'Asle les remarque et mon compagnon se met en route sans un bruit. Je l'entends arriver depuis le salon jusqu'au garage.
— Bien dormi mademoiselle ?
Il allume la lumière du garage, me fixe quelques secondes et se reprend :
— Ne dites rien : vous n'avez pas fermé l'oeil de la nuit, n'est ce pas ?
Je me contente d'un grognement de mécontentement avant d'aller m'asseoir sur le plan de travail juste à côté de l'évier.
— Je te remercie de m'avoir ôté le peu de fierté qu'il me restait... M'enfin t'a raison, je voulais rattraper mon sommeil et, au contraire, j'en ai encore plus perdu.
Je jette un coup d'œil dans la poubelle et sauve d'une mort certaine un pot de yaourt à la fraise, chaud.
— C'est le pire parfum possible ... maugréé-je.
J'attrape en un éclair une cuillère et engloutis la chose rose et visqueuse.
— Infect, dis-je avant de recracher le tout dans la poubelle.
Pour tenter de me réveiller davantage, je décide d'aller prendre une douche. Après tout l'eau froide devrait pouvoir m'aider ...
C'est en allant vers la salle de bain que j'aperçois une forme noire, sûrement un rat, dans un coin du garage. Je ne peux pas m'empêcher de faire deux pas en arrière avec une moue de dégoût.
Me voyant reculer, le rat prend peur et s'enfuit en courant derrière le frigo. Je soupire et reprends mon chemin.
— J'espère ne pas tomber sur toute la famille au complet dans la salle de bain... prié-je d'une voix dépitée.
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Immortelle
Science FictionNola Haryelson, trois cents ans d'existence, est l'unique immortelle en l'an 2317. Cobaye de l'entreprise Catagnéo, la jeune femme va tenter le tout pour le tout aux côtés de son fidèle androïde Asle afin de trouver quelqu'un capable de lui ôter son...