Elle - Chapitre 1

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Une dernière marche. Je soufflais le plus discrètement possible sur mon pallier. Malgré près de 10 ans de natation, les trois étages étaient difficiles à encaisser et mon cœur battait toujours à une vitesse folle une fois en haut. Comme j'avais vu qu'une de mes amies a à peine le souffle plus court qu'en bas, je me sentis mal...

J'enfonçais la clé dans la serrure de mon tout petit appartement, et y entrais en jetant les clés dans un petit vide poche. En forme de petite poêle en osier, il me rappelait l'appartement que nous louions chaque été avec mes parents. J'y mettais des pétales, des fleurs entières ou des pignons de pin que je trouvais sur le chemin du retour de la plage, et je faisais cuire le tout en posant ma petite poêle sur l'abat-jour sphérique d'une lampe allumée. J'avais longtemps cru que cette lampe avait été acquise en même temps que ma poêle pour en faire un jeu, tant il était facile de poser l'une sur l'autre.

J'enlevais mon manteau et le posais négligemment sur le dossier d'une chaise de mon salon-cuisine, avant de faire chauffer de l'eau. Rien de tel qu'un bon thé ou café pour se remettre sur pied après une dure journée ! En attendant je sortis mes cours et mon ordinateur, et commençais un nouvel épisode de ma série du moment.

Je m'étais fait deux tasses de thé. Aux fruits des bois. Mais je n'avais pas travaillé... Ma série m'avait totalement happée. Et à 20 h passées, je ne me sentais pas de commencer à travailler. Pure flemme.

Lasse, je me dirigeais vers mon frigo, et en sortis un reste de pâtes, et de la sauce que ma mère m'avait acheté pour mon emménagement. Le tout passa une minute aux micro-ondes, et je me brûlais la langue en enfournant la première bouchée. Je lâchais l'assiette sur la table en jurant quand j'entendis un bruit incongru dans mon couloir.

Encore le voisin du dessous qui s'est trompé d'étage ?!

Le vieil homme était très sympathique, mais avait d'étranges habitudes et l'esprit distrait. Je soupirais et déverrouillais ma porte, quand il me sembla entendre quelqu'un trébucher dans le couloir. Inquiète, je sortis de mon appartement sans prendre le temps de vérifier à qui j'avais affaires, et me précipitais pour ramasser mon voisin.

Mon vieux voisin n'est pas aussi grand...

Etonnée, je m'arrêtais à quelques pas de l'homme étendu sur l'escalier entre le deuxième et le troisième étage. Il avait l'air étrangement immobile, et je m'approchais un peu plus prudemment. Rapidement, je vérifiais qu'il respirait. Je ne voyais pas bien son visage dans le noir, alors j'allumais la lumière.

Il grogna. Au moins, c'est sûr, il était vivant... Quand je me tournais à nouveau vers lui, il avait mis sa capuche et tentait de se relever.

— Où habitez-vous ?, demandais-je doucement.

Un grognement me répondit à nouveau tandis qu'il réussit à s'assoir sur la dernière marche de l'escalier, contre la rambarde métallique. Sa tête dodelina de gauche à droite, et puis de plus en plus vers la gauche. Son corps se pencha, son crâne entama sa course vers le sol...

Bon, je n'étais globalement pas à l'aise avec la gente masculine alcoolisée. Mais là... Je n'avais pas trop le choix. Je me penchais et rattrapais sa tête avant même qu'elle ne puisse frôler les marches de l'escalier.

— Où habitez-vous Monsieur ?, répétais-je avec un peu plus de force.

Je n'obtins pour seul réponse qu'un souffle apaisé. Je levais les yeux au ciel. Pas question de le bouger dans cet état... J'essayais de lui enlever son manteau, et finis par y arriver après quelques minutes. Je déposais doucement sa tête sur le sol, et le couvris du manteau. Ici, il ne gênerait personne : j'étais la seule à emprunter cet escalier, le studio du dessus étant vide.

Je hochais la tête de satisfaction, et retournais dans mon appartement avec un demi sourire, satisfaite de ma bonne action mais culpabilisant un tout petit peu de le laisser dans le couloir.

Le lendemain matin, en attendant que l'eau pour mon thé chauffe, je sortis sur le palier. L'inconnu était toujours là. Mais quand je quittais mon appartement pour me rendre en cours, l'escalier fut vide. J'espérais qu'il ne s'était pas senti trop déboussolé quand il s'était réveillé. Rassurée, je me pressais pour ne pas louper mon bus.

La journée se passa sans anicroches. Je m'ennuyais en cours. Comme d'habitude. Non pas que le niveau soit trop ou pas assez élevé, mais je me demandais ce que je faisais ici. J'adore les sciences, là n'est pas la question, mais qu'est-ce que je fais là ? Je ne savais absolument pas ce que j'allais faire plus tard, je ne me voyais pas dans le milieu du travail du tout. J'avais l'impression que mon amour des sciences ne m'aidait plus tant que ça à supporter le stress de tous les jours. Et plus j'en parlais avec mes amis, plus j'avais l'impression que nous étions nombreux dans ce cas... Ça ne me remontait pas particulièrement le moral...

Dans le hall de mon immeuble, je m'arrêtais avec un gros soupir. Je n'avais pas envie de prendre l'escalier... Lasse, je ressortis de l'immeuble et marchais dans la rue sans réfléchir.

Machinalement, je fis le tour du parc à deux pas de mon appartement, et quand la lumière du jour commença à faiblir, ma tristesse s'était envolée. Je m'arrêtais une seconde pour reconnaître dans quelle rue je me trouvais et rentrais d'un pas plus léger chez moi.

Je m'arrêtais pour vérifier ma boîte aux lettres, et cherchais les différents envoyeurs sans regarder devant moi. La force de l'habitude me permît d'éviter le parapluie de M. Blanchet traînant dans le couloir, le paillasson traître au pied de l'escalier, ainsi que le sauvage qui descendait ce dernier à toute vitesse, manquant de me bousculer dans sa course.

Sur la première marche, je fronçais les sourcils en relevant les yeux de l'enveloppe de ma banque. Sauvage ? Toute vitesse ? Je ne connaissais personne susceptible d'avoir ce comportement dans cet immeuble. M. Blanchet vivait au rez-de-chaussée et ne court plus depuis un petit moment. Alice Klein, la trentaine, aurait pu courir dans l'escalier, mais la carrure était clairement masculine. Peut-être son petit-ami...

Je déverrouillais la porte de mon appartement sans plus me tracasser.

Le Voisin du DessusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant