Elle - Chapitre 3

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Je ne cherchais qu'une seule chose ces derniers jours : le revoir. Et ce n'était pas chose aisée... Depuis le début de la semaine, j'étais extrêmement occupée par un projet de conception dans le cadre de ma formation d'ingénieure, et ça n'avançait pas... D'ailleurs, ça me frustrait pas mal. J'étais tout le temps agacée, et je pouvais me mettre à pleurer de colère pour un rien. Je montais lentement les marches de l'escalier, en réfléchissant encore et toujours à une manière de résoudre mon problème d'axe de liaison pivot. En arrivant à mon étage, j'entendis la porte de mon voisin du dessus s'ouvrir. Je vérifiais l'heure : j'étais partie de l'école plus tôt que dernièrement, et arrivée chez moi juste au moment où il devait sortir. Je l'attendis, le dos contre la porte. C'était l'occasion rêvée d'en avoir le cœur net !

Après une petite minute, il n'avait toujours pas descendu l'escalier. Venait-il de rentrer ? Le plus silencieusement possible, je montais quelques marches. Et me retrouvais nez à nez avec lui, assis au milieu de l'escalier en colimaçon. Il soupira en levant les yeux au ciel et remonta sa capuche sur ses cheveux. Pas de casquette aujourd'hui.

— C'est quoi aujourd'hui ?, grogna-t-il.

Je rougis.

— Je..., commençais-je.

Ne venait-il pas de tenter de m'éviter en stationnant dans cet escalier ? Avec un froncement de sourcils, je tentais une autre approche que de piètres excuses.

— Vous m'évitez ?

— Oui.

— J'adore vos cheveux.

Ce commentaire m'avait échappé. Je tentais de l'assumer en me tenant droite et fière, mais je rougis encore plus violemment. De son côté, il m'observait avec des yeux ronds. Je me raclais la gorge.

— Cela étant dit, bonne soirée..., dis-je en redescendant l'escalier en arrière.

Ma phrase terminée, je me retournais et rejoins mon appartement presque en courant.

Le lendemain, ce fut à mon tour de l'éviter en partant tôt de chez moi, et en revenant le plus tard possible.

Le mercredi suivant, je rentrais sereinement à l'heure tout à fait respectable de 23h30 après avoir passé une sympathique soirée avec quelques amies. Aucune chance de le croiser à cette heure-ci.

J'avais tort. A peine avais-je posé mon deuxième pied sur le pallier qu'il s'y trouvait aussi, entre moi et ma porte. Je rougis immédiatement, encore gênée au plus haut point par ma remarque.

— Vous m'évitez ?

Je détournais le regard.

— Moi, j'ai adoré votre commentaire, marmonna-t-il d'un ton un peu bourru. Cha Hakyeon, dit-il en me tendant la main. Ou Hakyeon Cha, comme vous le dites souvent ici.

Un nom coréen. Interdite, je fixais la petite cicatrice blanche sur son index droit, en repensant au bruit de verre brisé.

— Généralement, quand une partie tend la main droite à une autre, l'autre la serre.

D'un coup, je me repris et relevais la tête en lui serrant la main fermement, comme on me l'avait appris. Parce que oui, j'avais eu le droit à un micro-cours sur le serrage de main dans mon école. Et dans mon école, on m'a appris à ne pas se laisser intimider par une grande main ferme.

— Alessia Martin.

Un sourire réservé peina à s'étirer sur mon visage, tandis que le sien restait impassible.

— Eh bien, bonne nuit, Mademoiselle Martin.

La prononciation correcte de mon nom m'étonna autant qu'elle me plut, et mon sourire s'épanouit.

Le Voisin du DessusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant