Chapitre 27

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Des souvenirs. Des cauchemars. Le froid qui me ronge la peau. La lame qui rentre dans mon corps. La douleur. L'acharnement. Le sang qui coule sur la neige pourtant si pure. La vengeance dans la peau. La lame qui rentre dans son corps. Les larmes qui coulent, car tout ça est désormais terminé. Puis le noir le plus complet, le plus terrifiant. Voilà où je m'étais arrêter, à vrai dire. Mais il était temps pour moi de me réveiller, pour affronter la réalité. J'ouvris avec beaucoup de difficulté mes yeux, à cause de la lumière et de la fatigue. Je ne savais pas où j'étais, mais j'avais mal de partout. Une silhouette m'était pourtant familière. Elle s'approcha de moi, et le visage de ma mère se dessina enfin clairement.

- Oh mon dieu, Chris !

Je n'arrivais pas à parler, ma gorge étant trop sèche. Seuls des larmes roulaient le long de mes joues, tellement j'étais content de la voir. Je ne me rappelais pas de tout, mais de beaucoup de choses.

- J'appelle le médecin, je reviens vite.

Elle essuya d'un revers de main ces quelques gouttes d'eau, et sortit de la chambre. Une chambre inconnue, une chambre d'hôpital. Je fermais les yeux, pour essayer de me rappeler le plus de choses. Moi, avec Brandon. Le froid, la forêt. Le couteau. Instinctivement, j'ouvris grands les yeux, et soulevai avec difficulté le drap qui me tenait chaud. J'étais torse-nu, et un bandage enroulait l'intégralité de mon ventre. Le coup de couteau de Brandon. Mais moi, j'avais fait pire. Je l'avais tué.

- Monsieur Harriman !

Je me concentrai sur un homme, d'une cinquantaine d'années, qui rentra dans ma chambre accompagné de deux infirmières et de ma mère.

- Comment vous sentez-vous ?

- Eau...

Il secoua la tête, comme s'il avait prédit ma réponse. Une des infirmières s'approcha de moi, et me fit boire de l'eau bien fraîche dans un petit gobelet en plastique. Bravo pour la planète. Je bus avec précaution pour ne pas m'étouffer, mais surtout, je profitais de cette eau pour reprendre mes esprits, pour me sentir un peu mieux.

- Vous êtes à l'hôpital, dans le Vermont. Avez-vous mal quelque part ?

- Je... Je ne crois pas. Mon ventre pique un peu, mais ça va.

- Vous êtes sous morphine, c'est normal. Je vais vous laisser avec votre maman. Si vous avez besoin de quelque chose, appuyez sur le bouton qui se trouve sur votre droite, d'accord ?

Je hochai la tête, et après avoir vérifié deux trois choses, il sortit aussitôt de la chambre sans âme. Ma mère, un café dans la main, s'approcha de moi. Elle s'assit sur une chaise qui se trouvait à côté de mon lit, et prit ma main dans les siennes. Elle avait l'air tellement contente de me voir, et aussi tellement inquiète. Je la regardai droit dans les yeux, alors que personne ne parlait. Puis, après quelques minutes, je pris enfin la parole, en larmes.

- Je l'ai tué maman. J'ai tué quelqu'un, moi, j'ai tué Brandon.

- Tu n'avais pas le choix chéri...

- Bien sûr que j'avais le choix ! J'aurais pu lui toucher la jambe, je ne sais pas moi...

Même s'il m'avait fait beaucoup de mal, même s'il avait été à deux doigts de me tuer, je m'en voulais. J'avais ôté la vie à quelqu'un, je l'avais assassiné devant les yeux de Cody. Qu'est-ce que les flics allaient penser ? Perpétuité peut-être. J'allais peut-être pourrir en prison pour avoir tué un meurtrier. Ma mère se leva légèrement de sa chaise, et prit ma tête entre ses mains chaudes à cause de la tasse de café. Elle planta son regard dans le mien.

- Tu n'es pas un meurtrier, Chris. Tu n'es pas Brandon !

- Mais je l'ai tué...

- Écoute moi ! Tu as fait ça pour survivre, et pour protéger Cody. Il allait nous faire du mal, à toi, et à nous. Si tu n'avais pas fait ça, tu ne serais pas là, en ce moment même. Et peut-être que Cody aussi, tout comme moi et tes frères et sœurs. Tu nous as sauvés, Chris. Et ça, les policiers vont le comprendre. C'était de l'auto-défense, Chris.

Elle avait raison. Si je ne lui avais pas ôté la vie, il aurait ôté la mienne, comme celle de ma mère, de tout le monde. Il fallait que je le fasse, pour me protéger, et pour protéger mes proches. Mais merde, je l'avais tué ! J'essayai de me calmer, de retenir des sanglots qui tentaient de s'échapper de moi. Puis, l'image de Cody me revint en tête. Cody, tapé par Brandon, laissé presque pour mort sur la neige.

- Maman... Cody ? Il est...

- Il va bien, il est même ici. Il est allé téléphoner à sa mère, il arrive.

Je fermai les yeux, une nouvelle fois. Il allait bien, il n'était pas mort. Est-ce qu'il allait m'en vouloir d'avoir tué quelqu'un devant ses yeux ? D'avoir découvert une nouvelle facette de Chris ? Est-ce qu'il allait me détester ? Je n'avais pas le choix. Il fallait vraiment que j'encre ça dans ma tête. C'était lui ou moi. Lui ou ma famille. Sur mes pensées, j'entendis la porte s'ouvrir. J'ouvris grands les yeux, et Cody se planta devant le lit, un œil au beurre noire dessiné sur son visage. Ma mère se leva de sa chaise, avant de se diriger vers la porte de ma chambre.

- Je vais appeler les policiers pour dire que tu es réveillé.

Elle sortit de la chambre, et je plantai mon regard dans celui de l'homme que j'aimais. Il ne bougeait pas d'un poil, se contentait de me regarder. Moi, je ne pouvais m'empêcher de pleurer. Il devait sûrement se demander quelle ordure il avait devant lui. Il finit par bouger, et se dirigea vers mon lit, très lentement.

- Je suis tellement désolé Cody...

- Désolé pour quoi ?

- Pour l'avoir tué, devant tes yeux. Ce n'est pas ce que je voulais, mais je n'avais pas le choix. Il était à deux doigts de te tuer, comme il était à deux doigts de me...

Il m'empêcha de parler, en plaquant ses lèvres contre les miennes. Il resta comme ça pendant quelques secondes, et finit par se relever. Il toucha à l'aide de son pouce ma joue, mes lèvres. Tout mon visage.

- Tu n'as pas a t'excuser, tu m'as sauvé. Je devrais être celui qui s'excuse, pour ne pas avoir pu te sauver. 

- Je t'aime tellement Cody, tu n'imagines même pas.

Il essuya les quelques gouttes sur mes joues à l'aide de ses doigts, avant de s'incruster dans le lit à mes côtés. Il me prit délicatement dans ses bras, tout en faisant attention à ma blessure sur le ventre. Il jouait avec mes cheveux, tout en m'embrassant de temps en temps. J'étais tellement content d'être à ses côtés de nouveau. Nous avions échappé à la mort. Nous avions échappé à Brandon. Tous les deux, nous étions plus forts, plus forts que tout.

- Ta maman a dit aux policiers que j'étais de la famille, tu sais.

- Parce que tu l'es, Cody. Tu es mon petit-copain, et tu as été adopté par notre famille.

Il me regarda droit dans les yeux, avant de plaquer ses lèvres une nouvelle fois sur les miennes. Cette fois-ci, sa langue vint rejoindre la mienne, et nous restions dans cette position pendant quelques minutes. Je l'ai fait pour me protéger, pour protéger les miens. Désormais, plus aucunes entraves pouvaient m'empêcher d'avancer. Plus aucune.

XXX

Quelques jours s'étaient écoulés depuis mon arrivée à l'hôpital. J'avais pu rentrer chez moi, auprès de ma petite famille. Nous n'avions pas dit la vérité à mes frères et sœurs, encore trop jeunes pour savoir ce qui s'était passé dans la forêt. Mon nom avait défilé de nombreuses fois dans les journaux, définis comme le héros qui a sauvé sa famille d'un meurtrier sanguinaire. Je ne voulais pas être défini comme ceci. Simplement être traité comme Chris Harriman.

- Tu es sûr que tu veux y aller ? Je peux te ramener si tu veux...

- Non. Je suis prêt.

Après deux jours à être enfermé chez moi, j'avais décidé de retourner à l'école. J'étais quand même passé devant un juge, avant de pouvoir rentrer chez moi. La sentence avait été dite : auto-défense. J'avais quand même dû m'exprimer devant des jurés, ainsi que Cody. J'avais dû expliquer ce que Brandon m'avait fait subir. Ce qu'il allait faire à ma famille. Et après de nombreuses heures, j'étais enfin libre de cette histoire. Je ne voulais pas rester chez moi, à éviter le monde. Ce n'était pas moi. Même si mentalement, je n'étais pas vraiment prêt à affronter le regard des gens, il le fallait. Il fallait que j'avance.

- C'est comme tu veux.

Cody m'avait emmené, malgré l'inquiétude de ma mère qui voulait me déposer devant le lycée. J'avais insisté pour que mon petit-copain m'emmène, et elle avait fini par céder. Il ouvrit la portière de sa voiture, et je fis de même. Il continuait à faire vraiment froid à New-York, mais petit à petit, je m'y habituais.

- Prêt ?

Cody me tendit sa main, tout en regardant la bâtisse de notre lycée. Je lui souris, avant de prendre sa main dans la mienne.

- Prêt.

Nous avancions tous les deux vers le lycée, et nous étions forcément obligé de passer devant ses anciens amis. Courtney nous dévisagea, tout comme tous les autres. Adam baissa le regard, et une certaine Ahsley nous sourit de ses pleines dents. Je lui rendais son sourire, tout en me collant encore plus à Cody, comme pour lui dire que c'était le mien. Bien sûr, ce message était adressé à Courtney, qui me dévisagea encore plus.

- Les pestes de ce lycée n'ont pas changé en quelques semaines.

- Toujours pas.

Nous rigolions tous les deux, tout en se dirigeant vers l'entrée du lycée. À l'intérieur, pour mon plus grand bien, il faisait beaucoup plus chaud. J'avais toujours ma main planté dans celle de Cody, et beaucoup de regards se dirigèrent vers nous. Certains souriaient, d'autres murmuraient des choses incompréhensibles. Peu importe. J'étais avec lui, et c'était le plus important. Mais, ma plus grande surprise fut quand nous arrivions dans la salle principale. Des centaines d'élèves se tenaient à leur place habituelle. Quand il me vit arrivé dans la salle, plus personne ne parlait, et tous me regardèrent.

- Génial.

Je murmurais ce mot, tout en serrant de plus en plus fort la main de Cody. Il devait tous ce dire : regardez, c'est Chris, celui qui a tué son ex ! Ils devaient tous me prendre pour un tueur en série, pour un psychopathe. Mais, à ma grande surprise, tous se mirent à applaudir. Tous applaudissaient, me souriaient. Je regardais Cody, qui avait déjà planté son regard dans le mien.

- Tu es comme un héros pour eux. Tu m'as sauvé, et tu as sauvé ta famille.

- Mais je ne suis pas un héros...

- Tu l'es pour nous, Chris.

Je lui souris, avant de remercier d'un léger signe de la main tout le monde. Avant de me diriger vers ma salle de classe, Cody me rapprocha de lui, et plaqua ses lèvres contre les miennes, devant tout le monde. Tout le monde se mit à applaudir de plus belle. Je n'avais plus rien à craindre désormais. Brandon n'était plus là. Et Cody était à moi. La nature avait repris ses droits. 

La nature reprend ses droits. [BXB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant