chapitre 2: la terre promise

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C’était la jubilation totale quand nous avons appris que nous avions réussi notre
audition à Motown. Je me souviens que Berry Gordy nous a tous fait asseoir et il
nous a dit qu’on allait écrire une page d’histoire tous ensemble.
" Je vais faire de vous les plus grandes stars du monde, et on parlera de vous dans
les livres d’histoire. "
C’est exactement ce qu’il nous a dit. Et nous, en entendant ça, on a sauté de joie en
criant : " Ouais ! Okay ! ".

Je n’oublierai jamais ce moment. Il nous avait tous invités chez lui et c’était comme si
nous étions en train de vivre un vrai conte de fées. Nous écoutions cet homme,
bourré de talent, tellement puissant, nous prédire un succès hors du commun :
"Votre premier disque sera numéro un, votre second disque sera numéro un et votre
troisième disque aussi. Trois tubes d’affilée !... Vous serez au top de tous les
palmarès, comme Diana Ross et les Suprêmes l’ont été."
Personne ne disait des choses pareilles à l’époque, mais il avait raison, c’est exactement ce qui nous est arrivé.

Je me demande encore comment je pourrais redonner à Diana Ross tout ce qu’elle a
fait pour nous pendant cette période, car dès que nous l’avons rencontrée, en
attendant que mes parents trouvent une maison en Californie, nous avons vécu avec
elle, et chez elle, pendant plus d’un an. Nous avions trouvé un système très
pratique : certains d’entre nous habitaient chez Berry Gordy et les autres chez
Diana ; puis on changeait. Elle a été merveilleuse et elle s’est vraiment bien occupée
de nous. C’était super pour nous, car Diana et Berry habitaient dans la même rue à
Beverly Hills. On pouvait aller à pied de la maison de l’un à celle de l’autre. La plupart
du temps, je passais la journée chez Diana, et la nuit chez Berry. Ce fut une période
importante de ma vie, car Diana aimait beaucoup les arts, la peinture notamment, et
elle m’a appris à l’apprécier. Elle m’a vraiment initié dans ce domaine. Tous les jours,
on allait acheter du papier et du matériel de peinture. Quand on n’était pas en train
de peindre ou de dessiner, c’est qu’on était en train de visiter un musée. Elle m’a fait
découvrir les grandes oeuvres de Michael-Ange, Degas, et depuis je n’ai jamais
cessé de m’intéresser à la peinture. Je lui dois beaucoup. Tout cela était tellement
nouveau, tellement excitant pour moi. C’était vraiment différent de ce que j’avais
l’habitude de faire, à savoir, vivre et respirer la musique, en répétant chaque jour, y
compris les jours de fête et les dimanches. Comment croire qu’une grande star
comme Diana ait pu prendre la peine et le temps d’enseigner la peinture à un gamin,
et de l’initier à l’Art ? Je l’ai toujours aimé à cause de cela et je l’aime encore. Je suis
fou d’elle. Elle a été ma mère, ma maîtresse et ma sœur en même temps, et c’est
une femme étonnante.
Ce fut une période dingue pour mes frères et moi. Quand on a quitté Chicago pour
aller en Californie, c’est comme si on découvrait un autre pays, un autre monde.
C’était un enchantement permanent de se retrouver là-bas. J’étais déchaîné. J’allais
partout, à Disneyland, Sunset Strip, à la plage. Mes frères étaient heureux comme
des poissons dans l’eau. On était comme des mômes qui entrent pour la première
fois dans une confiserie. La Californie étais un paradis : les arbres avaient des
oranges et les feuilles en plein milieu de l’hiver. Il y avait des palmiers et des
couchers de soleil merveilleux et la température de l’air était toujours douce. Chaque
journée était une fête. Je faisais des choses que j’aimais et je ne voulais pas que ça
s’arrête. Puis je m’apercevais que je pouvais faire quelque chose d’autre et que ça
serait tout aussi passionnant. C’était une période enivrante.
Le plus extraordinaire dans le fait de vivre là-bas, c’est qu’on pouvait rencontrer
toutes les plus grandes stars de Motown qui avait émigré en Californie avec Berry
Gordy quand il avait quitté Detroit. Je me souviens, quand j’ai serré la main de
Smokey Robinson pour la première fois. C’était comme si je me trouvais en présenced’un roi. J’ai raconté à ma mère qu’en touchant sa main c’était comme si j’avais
touché un coussin précieux. On ne sait jamais les impressions que les gens
éprouvent à notre égard dans des moments pareils quand on est soi-même une star,
mes les fans le savent bien. Moi, du moins, je le sais. Je me rappelle, je me
promenais partout en disant : " Sa main est si douce. " Quand j’y repense, je me
trouve ridicule, mais il m’a vraiment impressionné. Oui, j’avais touché la MAIN de
Smokey Robinson.
Il y a beaucoup d’autres artistes, musiciens, écrivains, que j’admire. Quand j’étais
jeune, les gens que j’admirais étaient les grands showmen : James Brown, Sammy
Davis Junior, Fred Astaire, Gene Kelly. Ce sont des gens qui touchent tout le monde.
C’est ça le génie, le " quelque chose de plus que les autres n’ont pas ". C’est
comme les oeuvres de Michel-Ange. Je ne m’en lasse jamais, et c’est la même
chose pour certaines chansons, ou certaines voix qui m’émeuvent plus que les
autres. Un dessin ou une peinture peut révéler un univers. De la même manière, une
performance d’acteur ou de troupe peut me transformer.
À cette époque-là, Motown n’avait jamais enregistré de groupes d’enfants. En fait le
seul enfant qui ait jamais été produit était Stevie Wonder. Aussi Motown était
déterminé, quitte à promouvoir des mômes, à ce qu’ils soient, non seulement bons
chanteurs et bons danseurs, mais aussi à ce qu’ils aient quelque chose de plus. Il
voulait que le public nous aime, non seulement pour nos disques, mais aussi pour ce
que nous représentions. Il voulait que nous donnions une image qui serve d’exemple
aux autres gamins : nous devions bien travailler à l’école, être polis, et gentils avec
nos fans, avec les journalistes et tous ceux qui nous approchaient. C’était très facile
pour nous, car c’est comme ça que ma mère nous avait élevés. C’était une seconde
nature chez nous. Le seul problème avec l’école, c’est que nous étions devenus
tellement célèbres que les gens venaient nous regarder par les fenêtres de
l’établissement, pour essayer d’avoir des autographes. J’essayais de faire mon
possible, mais finalement c’est devenu trop compliqué et on nous a donné des professeurs à domicile.

Moonwalk ( Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant