J’avais déjà rencontré Quincy Jones à Los Angeles quand j’avais douze ans. Plus
tard, Quincy me raconta que Sammy Davis Junior lui avait dit : " Ce môme est le
prochain plus gros coup de toute l’histoire du show-biz ".
J’étais très jeune à l’époque mais je me souvenais que Sammy Davis m’avait
présenté à Quincy.
C’est sur le tournage du " Wiz " que notre amitié s’est développée, et elle s’est très
vite transformée en rapports père-fils. Après le tournage du " Wiz ", je l’ai appelé et je
lui ai dit : " Écoutez, je vais faire un album bientôt. Est-ce que vous pourriez me
recommander un arrangeur ? " Ma question n’était pas hypocrite, mais naïve, et
complètement honnête. Nous avons parlé musique, puis après m’avoir donné
quelques noms et bavardé de tout et de rien, il m’a dit : " Pourquoi on ne le ferait pas
ensemble ce disque ? "
Je n’y avais même pas pensé. Il pensait peut-être que j’arrivais avec mes gros
sabots pour lui demander de travailler avec moi, mais ce n’était pas le cas. Je
n’imaginais même pas qu’il puisse s’intéresser à ma musique. Aussi ai-je bafouillé
quelque chose : " Oh oui, c’est une idée super. J’y avais pas pensé ".
Quincy me met encore en boîte avec cette histoire.
Et aussitôt, on a commencé à planifier l’album qui s’est appelé " Off the Wall ".Mes frères et moi étions décidés à monter notre propre société de production et nous cherchions un nom de label.J’ai toujours pensé que les paons sont des animaux magnifiques et j’avais beaucoup
admiré le paon que Berry Gordy avait dans une de ses maisons. Et puis je suis
tombé sur un article dans un magazine avec une photo de paon sublime et un long
commentaire sur les caractéristiques de cet oiseau. Le journaliste expliquait que le
plumage du paon s’épanouit complètement quand il est amoureux, et qu’à ce
moment-là, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel explosent sur son corps.
La métaphore était tellement saisissante que je décidai de donner ce nom à notre
société. C’était le message que je voulais donner pour exprimer notre intense
dévouement les uns pour les autres, ainsi que nos intérêts à facette multiples. Mes
frères aimèrent cette idée, et c’est ainsi que nous avons mis de côté le nom Jackson
pour adopter celui de " Peacock Productions ". Notre premier tour du monde nous
avait donné le goût et l’envie d’unir les gens de toutes races grâce à la musique.
Après tout, nous étions des musiciens noirs. Notre devise, c’était : " La musique se
fiche de la couleur de la peau. " C’est ce que nous ressentions chaque soir, en
particulier en Europe et dans les autres parties du monde que nous visitions. Les
gens aimaient notre musique. Ils ne se souciaient pas de la couleur de notre peau ni
de notre pays d’origine.
Nous voulions créer notre propre compagnie parce que nous étions prêts à établir
notre présence dans le monde musical, non seulement en tant que chanteurs, mais
aussi en tant que compositeurs, paroliers, arrangeurs et directeurs artistiques. Nous
nous intéressions à tellement de choses, qu’il nous fallait un parapluie pour nous
protéger. CBS avait accepté de nous laisser produire notre propre album, les deux
précédents s’étaient bien vendus, mais " Different Kind of Lady " montrait un potentiel
qui valait la peine d’être développé.
Ils ne nous imposaient qu’une seule condition : que nous acceptions un directeur
artistique, Bobby Colomby, alors avec Blood Sweat and Tears, pour s’assurer que
nous nous en sortions bien, et qui resterait à notre disposition au cas où nous
aurions besoin d’aide. Nous savions qu’il nous fallait faire appel à d’autres musiciens
pour les séances, pour avoir un son parfait, et nous avions des faiblesses dans deux
domaines : les claviers et les arrangements.
Nous avions un matériel complètement performant dans notre studio Encino, mais
nous ne savions pas vraiment bien nous en servir. Greg Phillinganes était jeune pour
un ingénieur de studio " pro ", mais c’était un plus pour nous, parce que nous
voulions quelqu’un qui soit plus ouvert aux nouvelles idées que les vétérans que nous avions rencontrés au cours des dernières années.