Cela fait exactement une heure que je suis couché dans mon lit, attendant, en vain, que le sommeil m'ouvre ces portes. Je ne peux arrêter de penser à ce que m'a dit Val, pourquoi Ariorz s'intéresserait-il à ma famille ? Est-ce à cause de moi ? Mais comment aurait-il pu le découvrir ? Je suis le seul au courant de ma différence, je n'en ai même pas parlé à mon meilleur ami. Mais peut-être que je me trompe, peut-être souhaite-t-il juste féliciter mon père pour quelque chose qu'il aurait fait ?
Peu importe la véritable raison de sa visite, je ne devrais pas tarder à la découvrir, alors autant essayer de dormir un peu. Et pour cela, il ne me reste plus qu'une solution, ma puce médicale. Grâce à elle, je peux accéder à tous les médicaments que je souhaite, il me suffit juste de prononcer un nom, et celui auquel il correspond est aussitôt téléporté dans un réservoir sous ma peau, avant d'être envoyé directement dans mon sang. On pourrait croire que ce système est dangereux, qu'il pourrait être exploité afin de se droguer, mais tout le monde est heureux grâce à Ariorz et, excepté moi, personne ne penserait à une telle chose de toute manière. D'ailleurs, depuis l'invention de l'Implant, les trafiquants de drogue ont disparu petit à petit, en même temps que la criminalité. Il n'y a plus eu de meurtre dans l'Empire depuis plus d'un siècle ! Tout comme les vols, les agressions ou tout autre crime qui peut avoir existé.
Les personnes saines, étant heureuse, ne pouvant ressentir des émotions négatives, ayant une bonne situation pour la plupart, grâce à leur travail ou à l'aide de l'état, n'ont plus aucune raison de commettre une faute méritant la prison. Et quant à celles souffrant d'une quelconque maladie les prédestinant à une activité criminelle ou, en réalité, chaque personne avec un trouble mental, elles sont toutes regroupées sur leur propre planète, sous surveillance très rapprochée de la police universelle. Mais, bien évidemment, elles ne méritent pas de posséder un Implant, elles sont juste des erreurs de la nature, des sous-espèces, aussi inutiles que des Senus, la race la moins évolué de l'Empire, et peut-être même de l'Univers, selon certains spécialistes.
Apparemment, avant qu'ils soient envahis, et tous tué ou réduits en esclavage, ils vivaient sur une planète magnifique, dans des conditions inimaginables pour une personne de notre monde. Ils passaient la plupart de leur temps à ne rien faire de réellement utile, à jouer, à rigoler, à aimer. Parce que cela était la seule chose dont ils avaient besoin, pas de la nourriture et de l'eau comme les humains, et beaucoup d'autres espèces, juste du bonheur et de l'amour. Personne n'était d'ailleurs jamais mort là-bas, la seule chose pouvant les tuer étant le manque de ces deux choses. Cette planète, et ses habitants surtout, était, selon moi, une des plus belles choses dans l'Univers, et peut-être même dans le multivers. Et l'Empire a tout détruit.
Et pourquoi ? Parce qu'ils étaient différents, parce qu'ils étaient trop faibles, et parce qu'après tout, c'est toujours mieux d'avoir de réels esclaves que des robots, même si, souffrant et ne connaissant plus que la tristesse et la mort, ils finissent pas mourir en très peu de temps. C'est d'ailleurs cette raison qui a poussé les commerçants à les retirer du marché, personne ne voulait payer pour trouver un cadavre quelques jours plus tard. Mais en faisant ça, ils les condamnèrent à la mort, tous sans exception. Un des plus grands génocides de l'histoire, l'extermination de la population entière d'une planète.
La première fois que j'ai lu cette histoire dans un des nombreux livres introuvables dans les bibliothèques, j'ai ressenti une colère tellement forte que, étant seul chez moi à ce moment-là, j'ai parcouru toute ma maison en détruisant chaque objet que mes parents avaient acheté en hommage à Ariorz, tous les posters, toutes les statues, tous les hologrammes, tout ce qui pouvait venir de la boutique officielle de l'empereur. Et qu'est-ce que ça m'a fait du bien ! J'avais enfin pu tout supprimer, tout ce qui me rappelait, chaque jour, le monde horrible dans lequel je vivais, tout ce qui me rappelait ma différence, ma malédiction, qui allait me permettre de libérer une population qui ne demandait qu'à être soumise. Je n'avais jamais été aussi heureux !
Et le meilleur était que mes parents n'ont jamais compris que j'avais fait tout cela, ou du moins, intentionnellement. Je leur avais raconté, si je m'en rappelle bien, une stupide histoire où Val et moi étions en train de jouer - nous étions beaucoup plus jeunes - et qu'une chose s'est cassée, puis la suivante, etc. Je n'aurais jamais pensé qu'ils pouvaient croire à une aussi mauvaise excuse, mais l'Implant m'a beaucoup aidé et à ce moment-là, pour la seule fois de ma vie, j'ai été content qu'il existe. Ça n'ait plus jamais arrivé par la suite, et j'ai beaucoup culpabilisé d'avoir manipulé mes parents de la sorte, mais je n'avais pas le choix et, de toute façon, ce n'est pas comme si ça leur avait fait du mal, ils ont même fini par tout oublier. Malgré tout, j'essaye depuis ce moment, régulièrement, de leur acheter un objet dans la boutique d'Ariorz, c'est ma manière de me racheter, mais surtout, ça me permet de faire croire que je l'aime autant que mes parents. Grâce à ça et bien d'autre chose, au fil des années, j'ai su me construire une parfaite couverture.
Et maintenant, j'en suis sûr, Ariorz ne peut avoir choisi mon père par ma faute, jamais il n'aurait pu imaginer ce que je suis réellement, il est beaucoup trop confiant pour cela, mais surtout, je n'ai jamais laissé un seul indice. Pour lui, je suis sûrement rien de plus qu'un disciple, une personne de plus qu'il peut manipuler, une personne de plus qui contribue au bien-être de l'Empire. Et bien sûr, c'est là qu'il se trompe. En ce sens, j'ai donc un avantage sur lui : je connais la vérité sur lui et tout ce qu'il a construit, mais lui n'a aucune idée de qui je suis réellement. Il n'a aucune idée que je causerai sa perte.
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L'implant [En pause]
Science FictionL'Empire des Multi-galaxies, lieu d'habitation de plus de 100 000 milliards de personnes, humaines ou pas, avec, à sa tête, le grand scientifique Ariorz, est la plus grande, et surtout, la seule vraie utopie que l'Univers n'est jamais connu. Et ce g...