12 Septembre 2021. 18h43.
Marine Le Pen était au bord du malaise. Affalée sur son fauteuil, elle se tenait la tête et grommelait des paroles inaudibles. Pour la première fois dans l'histoire du Front National, les militants allaient directement pouvoir choisir le chef du parti. Et pour la première fois depuis son élection à la tête du FN en 2011, Marine avait de la concurrence. Au delà de la présidence du Rassemblement National (comme il s'appelait désormais depuis 2018), c'était bel et bien l'investiture du parti pour les prochaines présidentielles qui se jouait.
-Si cette petite garce nous la fait à l'envers, je, je...
Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase que son ex-compagnon (et numéro 2 du RN), Louis Alliot, fit irruption dans sa loge.
-Le vote se termine Marine, les suffrages vont bientôt être comptabilisés, souffla-t-il d'un air grave.
Marine Le Pen releva la tête. Son cœur battait frénétiquement sous sa poitrine. Elle se leva, sans un regard pour Alliot, et se regarda dans le miroir accroché au mur. Elle était livide. Elle repensait à la défaite de son parti aux régionales, défaite dont les médias et certains cadres lepenistes l'avaient tenu pour responsable. Pour la première fois depuis bien longtemps, elle savait. Elle savait qu'elle avait perdu.
C'est le jeune Jordan Bardella, député européen et figure montante du RN, qui avait été chargé d'annoncer le résultat du vote devant les centaines de militants réunis pour ce dix-huitième congrès du parti, à Nice. Le petit Jordan était un "mariniste" convaincu et tractait discrètement depuis ce matin pour la réélection de celle qu'on appelait, en interne, "le boss". Néanmoins, il avait un mauvais pressentiment. Et lorsqu'il aperçut la tête décomposée de Steve Briois, maire d'Henin-Beaumont, proche de Marine Le Pen et membre de la commission chargée du dépouillement, Bardella comprit. Sa championne venait d'être battue.
Briois fut missionné d'annoncer la nouvelle à Marine. Lorsqu'il pénétra dans sa loge, il n'eut pas la force de lui dire la vérité. Sa gorge se noua et les larmes lui montèrent aux yeux. La fille Le Pen, de dos, fixa le visage ému de son ami, dans le reflet du miroir. Après un long moment, elle baissa finalement la tête. Son poing se serra.
-Eh merde, soupira-t-elle.
Les caméras de BFMTV, de CNEWS, de TF1 ou encore de France télévision étaient toute présentes dans la salle: seul CANAL+ avait été recalé à l'entrée. Tout les journalistes attendaient avec impatience les résultats du vote. Au terme de près d'une heure d'attente, Bardella monta à la tribune. Après quelques politesses à l'égard des militants, le jeune orateur salua la forte participation et, suite aux manifestations d'impatience de l'assistance, se résigna à donner les résultats plus rapidement que prévu.
-Avec 57% des suffrages exprimés, j'ai le plaisir de vous annoncer que c'est Marion Maréchal qui vous avez désigné au poste de présidente du Rassemblement National !
La salle explosa de joie. Marion Maréchal vint aussitôt rejoindre Bardella sur l'estrade pour prendre la parole, profitant malgré tout de son heure de gloire en prenant le temps de savourer les acclamations du congrès. Après plusieurs mois de campagne, la jeune femme touchait enfin au but. Elle avait promis Matignon à douze des cadres les plus influents du RN, Bercy à six autres et autant d'autres promesses farfelues aux quelques figures restantes. Ils l'avaient tous soutenu un par un. À ce petit jeu là, elle était la meilleure. Au premier rang, sa tante, Marine, bouillonnait.
-Élu à 57% et pourtant, on a l'impression qu'ils ont tous voté pour elle, grommela Alliot en dévisageant les faces enchantés des militants.
-Ils ne savent même plus pour qui ils ont voté, soupira Marine. Je me demande seulement combien de ces beaufs alcooliques savent lire.
À St Cloud, le vieux Le Pen, convalescent, suivait le déroulé du congrès sur France 2 et se mit à entonné l'air de "Maréchal , nous voilà !" lorsque le nom de sa petite-fille fut annoncé. En revanche, sur le plateau de Quotidien, l'émission de Yann Barthès, 7 malaises étaient déjà à déplorer.
-La France est de retour ! s'exclama Marion Maréchal, sous les hurlements de joie de ses militants.
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LE JEU DU POUVOIR
General FictionSeptembre 2021. La campagne présidentielle est à peine lancée que les coups bas et les crasses sont déjà de mise. À travers cette politique fiction en plusieurs parties, suivez les trajectoires de ces femmes et de ces hommes qui n'ont désormais plus...