4 octobre 2021. 14h38.
François Baroin regardait sa montre, il était en retard. Le maire de Troyes avait rendez-vous au QG des Républicains, rue Vaugirard dans le XVème, comme la plupart des cadres du parti. C'était un grand jour: Sarkozy allait officialiser sa candidature pour la présidentielle.
-On y est bientôt ? demanda Baroin à son chauffeur, de sa voix caverneuse.
Cela faisait près d'un an que Sarkozy était de retour. En vérité, il n'avait jamais vraiment perdu de vue la politique. "Je ne vais tout de même pas laisser la droite à Bertrand et à Pecresse", disait-il souvent en voyant ses deux anciens ministres se disputer la présidence de LR. Il avait repris le parti en deux mois, la présidentielle en ligne de mire. Et après les récentes défaites de Macron et de Le Pen aux régionales (et au vu de leur impopularité croissante), Sarko se disait qu'il avait face à lui un véritable boulevard.
Un fois arrivé à bon port, Baroin se faufila à travers la horde de journalistes regroupée devant le siège du parti et s'engouffra dans les locaux. Il aperçu rapidement Laurent Wauquiez, l'ancien président de LR. En pratiquant son sport favori, le léchage de bottes, Wauquiez était en effet parvenu à se refaire une (petite) place à droite. Baroin l'évita soigneusement et alors qu'il se dirigeait vers le bureau de Sarkozy, il croisât Roger Karoutchi, sénateur et sarkosyste historique.
-François, comment vas-tu ? Prêt à devenir premier ministre ?
Baroin sourit. Nicolas lui avait promis Matignon, ce n'était un secret pour personne.
-Rien n'est fait, Roger... murmura-t-il, sourire aux lèvres.
Quand ils poussèrent la porte du bureau de Sarkozy, les deux comparses découvrirent le président des Républicains de dos, penchait au dessus de son bureau. Il se retourna, s'essuya la poudre blanche qu'il avait sur le nez et rangea son petit sachet dans un de ses tiroirs.
-Ah, vous êtes là. Parfait. J'avais justement besoin de vous, je dois vous demander votre avis sur deux ou trois trucs dans mon discours. Je prends la parole dans 1/4 d'heure. Les journalistes sont déjà en salle de presse, j'espère ?
L'ancien président avait bien du mal à cacher son traque. C'était tout de même son deuxième retour politique en l'espace de 5 ans, il ne fallait pas se rater. La primaire lui avait coûté la victoire en 2016, ces idiots de militants lui avaient préféré ce nul de Fillon. On avait bien vu le résultat. Cette fois-ci, pas question de passer par la case primaire. C'était lui ou rien.
-Oh bordel, pas encore ces putain de journaleux...
Au même moment, Nadine Morano bousculait les journalistes attroupés dans le hall, tentant tant bien que mal de se frayer un chemin.
-Madame Morano ? Madame Morano, Nicolas Sarkozy va-t-il annoncer sa candidature à l'élection présidentielle ?
-Pas de commentaire, foutez-moi la paix, merde à la fin ! C'est quoi ça encore, c'est CANAL ? Ah les charognards, vous ne nous lâcherez donc jamais ?!
Morano était sur les nerfs. Du moins, d'avantage qu'à son habitude. On venait de lui faire parvenir une bien mauvaise nouvelle. Il fallait qu'elle voit Nicolas, et rapidement.
-Nicolas, Nicolas il faut que je te parle ! lâcha-t-elle, essoufflée, lorsqu'elle pénétra dans le bureau de Sarkozy.
Dès qu'ils la virent, Baroin et Karoutchi s'échangèrent un regard et esquissèrent un sourire. Ils avaient tous les deux un peu pitié pour cette bonne vielle Morano. Depuis que Nicolas était de retour en politique, elle semblait revivre. Oublié les humiliations qu'il lui avait fait subir en 2016, oublié la manière dont il s'était publiquement débarrassé d'elle: tout ça, c'était du passé. Il avait suffit d'un coup de fil pour que Nadine retombe sous son charme et redevienne son plus fidèle porte flingue. Parfois, on se demandait si elle avait conscience d'être manipulée.
-Que se passe-t-il, Nadine ? demanda Sarkozy d'une voix qui transpirait la suffisance. C'est encore ces connards de Mediapart qui font chier ?
Il faut dire que cela faisait près de 6 mois que Plenel et sa bande de journalistes gauchistes étaient aux trousses de Sarko. Bigmalion, le financement libyen... ils l'accusaient même d'avoir organisé la chute de Fillon en 2017, par vengeance. Le journal d'investigation publiait affaires sur affaires, et à droite, on avait presque finit par s'y faire.
-C'est pire que ça, Nicolas.
Nadine avait l'air grave. Cela ne lui ressemblait pas. Baroin pâlit. Karoutchi comprit. Sarkozy restait inerte. Il attrapa son portable, qu'il avait mis en vibreur. Plusieurs centaines d'appels manqués. C'était ses avocats.
-Nicolas, tu... tu es mis en examen.
Le président de LR la regarda. Il était sonné, chaos debout. Il s'effondra dans sa chaise de bureau. Baroin ne l'avait jamais vu dans cet état là. Après le « fiasco Fillon » en 2017, il n'était pas question pour le parti de se lancer dans la bataille avec un candidat mis en examen, et l'ancien président de la république en avait conscience. C'était terminé.
Sarkozy ne prendra jamais la parole, cet après-midi là. Christian Jacob, vice-président du parti, officialisa le retrait de Nicolas de la campagne présidentielle, et annonça la tenue d'une grande primaire de la droite et du centre. Au même moment, Wauquiez souriait. Il discutait par sms avec Marion Maréchal à laquelle il était secrètement rallié depuis un mois.
-Les révélations que j'ai faites à Mediapart ont payé, pianotait-il sur son iPhone. Sarko est mort, tu as le champ libre à droite. Touché, coulé.
-Je savais que je pouvais te faire confiance, Laurent, lui répondit Marion. Tu feras un parfait premier ministre une fois que mes valises seront posées à l'Élysée.
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LE JEU DU POUVOIR
General FictionSeptembre 2021. La campagne présidentielle est à peine lancée que les coups bas et les crasses sont déjà de mise. À travers cette politique fiction en plusieurs parties, suivez les trajectoires de ces femmes et de ces hommes qui n'ont désormais plus...