Histoire d'Un Temps

6. Luna

Uh-Oh

We're in trouble

Something's come along

And it's burst our bubble

(Yeah yeah)

Uh-Oh

We're in trouble...

Dans la pénombre, je peine à éteindre le réveil de mon téléphone dont la luminosité m'éblouit. Oh et puis je snooze, j'ai bien droit à cinq petites minutes...

Mais elles passent beaucoup trop vite.

Fichu réveil.

J'attends quelques instants encore avant d'avoir à affronter de nouveau ma machine infernale : 6h47. Je fais un rapide calcul (du moins assez rapide pour quelqu'un qui vient juste de se réveiller) : treize minutes pour me préparer, quarante pour préparer le petit-déjeuner, vingt-cinq pour le manger en famille, quinze pour déposer ma choupinette à l'école et trente autres pour rejoindre Logan à la boulangerie puis arriver au lycée. Je suis large, on commence à 9h et si tout se passe bien on aura dix minutes d'avance. C'est parti.

Je maudis encore le temps de s'écouler si rapidement en me levant lorsque...

Bordel de t...!

C'est la panique : je sens un liquide chaud couler le long de mes cuisses.

Mais non !

Je ne suis absolument pas réglée, c'est-à-dire que je ne sais jamais à l'avance quand mes règles vont tomber. Bien sûr il m'arrive d'avoir des maux caractéristiques et de déterminer une période approximative de leur arrivée (en mode : "je devrais avoir mes règles d'ici cinq à huit jours". super précis.) mais la plupart du temps elles me prennent par surprise. Je hais les surprises. J'imagine que mon T-shirt et mes draps ne les aiment pas bien non plus, pour le coup.
Je veux dire, ok, on a compris, on est au courant que mon ovule n'a pas été fécondé. Je sais que mon ovule n'a pas été fécondé, mon arrière-grand-mère sait que mon ovule n'a pas été fécondé, même le chat de la cousine du voisin du troisième sait que mon ovule n'a pas été fécondé ; pas la peine que ma muqueuse utérine externe me le fasse savoir tous les putain de mois...

Bon. Essayons au moins d'en avoir le cœur net : j'allume la lumière de ma chambre (il me faut encore quelques secondes d'adaptation) et deux doigts viennent intercepter la course du fameux liquide sur mes jambes.
Mon appréhension laisse place à un immense soulagement quand je vois qu'il ne s'agit que d'un liquide transparent. Texture blanc d'œuf.
En cours de S.V.T. j'ai appris qu'il s'agit de ma glaire cervicale, un genre de fluide corporel produit par des glandes au niveau du col de l'utérus censé faciliter ou compliquer le passage des spermatozoïdes en fonction du cycle ovarien lors d'un éventuel rapport sexuel avec une personne dotée d'un pénis. Comme aujourd'hui elle est plutôt fluide j'en déduis que je suis en période de fertilité. Certains couillons de ma classe résumeraient en disant que ça n'est que ma "mouille", mais cela impliquerait une certaine excitation sexuelle, or je n'ai absolument pas la tête à ça et puis de toute façon je pr...

Bon sang, mais qu'est-ce qui me prend à réviser mes cours de sciences de si bon matin ? Quelqu'un en a quelque chose à foutre de l'état de ma glaire cervicale ? Non, personne ? C'est bien ce que je pensais.

Merde ! Avec tout ça il est 6h50 et je n'ai toujours pas pris ma douche !

Une fois dans la cuisine, j'entame mon rituel : je noue mes cheveux quasi-crépus mais humides tant bien que mal en un chignon avec un vieux crayon et je mets ma playlist. Je tombe sur "When the saints go marching in" de Louis Armstrong (la version live avec cette femme en arrière-plan qui a une voix à m'en donner des frissons), ce qui me remet d'aplomb.