Mes inquiétudes étaient inutiles : cela fait presque dix heures que Rona est plongée dans un profond sommeil. Installée dans une des chambres du palais, dans un grand lit confortable, toujours vêtue de son accoutrement noir, on pourrait croire qu'elle est morte. Elasia n'a pas quitté son chevet plus d'une demi-heure et j'ai fait de même, de peur que Rona se réveille pendant mon absence.
— C'est étrange que le bruit des travaux ne la réveille pas, fait remarquer Elasia distraitement.
Elle est assise à l'envers sur une chaise, les coudes posés sur le dossier. Elle laisse de temps en temps sa tête tomber lourdement sur ses bras, mais garde toujours le regard rivé sur Rona, comme si elle ne supportait pas de perdre une seconde sans examiner sa fille.
— Les médecins ont affirmé qu'elle n'était pas dans le coma, je réponds par-dessus le bruit lointain d'une perceuse. Elle devait juste être très fatiguée.
Je dois bien avouer que les travaux pour réparer les quelques dommages causés au palais font un bruit assourdissant. Je m'apprête à engager un autre sujet de conversation avec Elasia pour faire passer le temps quand enfin, Rona commence à se remuer sur son lit. Elasia se redresse brusquement et je remarque que ses mains restent crispées sur le dos de sa chaise. Deux gardes se tiennent à l'entrée de la pièce "au cas où" comme dit Elasia, et je sais que d'autres sont dans le couloir.
Quelques instants plus tard, Rona ouvre enfin les yeux, fixant le plafond. Dans un premier temps, elle paraît complètement perdue et désorientée, mais elle ne tarde pas à retrouver ses esprits. Brutalement, elle se redresse sur son lit, son regard vif allant alternativement d'Elasia à moi. Elle ne grimace même pas sous l'effet de la douleur qu'elle doit ressentir au niveau de ses plaies.
— Si vous comptez me garder prisonnière, commence-t-elle d'une voix tranchante sans aucun tremblement, sachez que je peux parfaitement me battre.
J'ouvre la bouche pour lui sortir une remarque déplaisante mais Elasia me devance :
— Tu n'es pas notre prisonnière, déclare-t-elle doucement mais avec fermeté. Tu étais gravement blessée alors des médecins t'ont soignée. On t'a transportée dans cette chambre et pas dans un cachot.
Rona fronce le nez tout en gardant sa posture tendue, prête à se défendre en cas d'attaque.
— Une prison peut avoir bien des allures, rétorque-t-elle. Ce n'est pas parce que tu dors dans des draps brodés avec du fil d'or que tu es libre.
— C'est vrai, admet Elasia. Mais nous aurions pu te mettre un des bracelets de Darwin, or ce n'est pas le cas.
Rona lève les yeux au ciel mais ne fait aucun commentaire. Elle se laisse un peu aller en arrière dans son lit, puis passe les mains sur ses bras, ses jambes, son visage et son ventre, là où elle était transpercée d'éclats de verre.
— Vous m'avez soignée, constate-t-elle d'un ton bourru avant de lever ses yeux perçants vers moi. Tu aurais dû me laisser mourir.
— Oh crois-moi j'y ai pensé, je réplique. Mais ça aurait été trop facile, non ?
Elle me jette un regard noir et se met à triturer une mèche de ses cheveux.
— Qu'attendez-vous de moi, au juste ? lance-t-elle avec son air suffisant. Vous comptez me torturer sur la place publique et accrocher ma tête à l'entrée du palais ? Si c'est le cas, prévenez-moi, je ferais venir une maquilleuse.
— Luna-Rose, commence Elasia après avoir pris une inspiration tremblante, je sais que tu ne peux pas encore nous faire confiance et il en est de même pour moi. Mais je peux t'assurer que nous ne te voulons aucun mal. Au contraire, je... Je voudrais que tu fasses partie de la famille.
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Isaluna : Les Malfaçons [TOME 2] [TERMINÉ]
Fantastique/!\ Attention spoilers sur le premier tome /!\ Isaluna le sait, elle n'est pas comme les autres adolescentes de son âge. En plus d'être une Lunatique, c'est également une princesse. Et Wren a promis à Elasia, la reine, qu'il lui ramènerait sa fille...