Hector, chat noir, est assis au bord de la Lune et regarde vers le bas.
Il y voit la Planète, plus très bleue, mais la Terre quand même.
Puis, il jette un œil, puis deux, vers le haut.
Il y aperçoit la Voie Lactée.
Il sourit quand il pense à ce chemin infini au-delà des Etoiles et de leurs Poussières.
Hector s'imagina que Bastet, elle-même, le baptisa ainsi, un soir de beuverie divine.
Et puis, il se dit qu'il y en avait marre du lait et qu'il devait bien exister ici bas, ou tout là-haut, ou peu importe où d'ailleurs, quelque chose de bien meilleur à boire, à laper ou à lécher.
C'est ce moment précis que la Baleine Céleste choisit pour venir nager à la Belle Etoile et au Clair de Lune.
Bain de minuit.
Douche d'étoiles.
La Baleine Céleste chanta.
Hector ne fut pas convaincu par l'efficacité de sa brasse mais fut apaisé par son chant même s'il ne fut pas totalement charmé non plus.
Il faut dire que le Chant des Baleines, aussi célestes fussent-elles, n'a jamais été à la hauteur du Bal des Sirènes.
Et puis, d'habitude, les poissons, Hector préférait les manger, même s'ils étaient gros comme une baleine céleste.
Mais pas les Sirènes.
Parce que les Sirènes sont aussi à moitié Femmes.
Cela est fort peu connu, il faut l'admettre, mais les Sirènes, aussi belles soient-elles, sont une véritable source de danger mortel pour les chats noirs.
Pour leur défense, il convient d'avouer que les chats noirs les prennent pour des sardines.
Certainement, un peu magiques, les sardines.
Mais des sardines tout de même.
Un peu comme si les Sirènes étaient aux Sardines ce que les Licornes sont aux Zèbres.
Et Hector était un chat noir.
Il entreprit alors de capturer Ondine, Sirène parmi les Sirènes.
Alors il sortit une canne à pêche, un filet à papillons à manche télescopique, une épuisette à poissons un petit peu plus petite, et un verre d'eau salée pour boire à sa santé.
Sans beaucoup de succès.
Las, Hector décida de faire des ricochets avec quelques galets de pierre de Lune.
Cela troubla légèrement l'eau noire du Ciel mais Ondine ne se montrait toujours pas.
Hector restait perplexe.
Et puis il eut l'idée de sortir son gramophone, tourne-disque aux allures de fleur mécanique géante.
Il tourna la manivelle quatre-vingt dix fois puis soixante-dix huit fois.
Le tout pendant une minute.
Le phonographe se mit alors à chanter sous l'océan et à l'envers.
Sa chanson parlait de chevaliers et de châteaux de sable fin mélancoliques.
Et les tambours célestes se mirent à chanter à leur tour.
Et les trompettes astrales aussi.
Bronx et Chaos.
Echos cuivrés et souffles au cœur.
Le rythme était entraînant.
Mais Ondine se faisait toujours désirer.
Tel Achab ou Nemo, ou en tout cas tel un capitaine, Hector était en chasse.
Pas de Pequod ni de Nautilus.
Pas de cachalot blanc ni de poulpe géant.
Mais la Sirène, Ondine, à attraper dans ses filets.
Hector sortit un sextant en laiton et tel un pirate de l'espace, mesura la hauteur angulaire de son point de repère fixe et amer qu'était la Lune au bord de laquelle il était toujours assis.
Alors qu'Hector était tout à fait occupé, affairé et accaparé, Ondine apparut, ondula et nagea vers lui.
Elle mordit à son hameçon qui pendait au milieu des Etoiles et flottait au-dessous du niveau de la mer du Ciel.
Elle y accrocha une de ses lèvres.
Blessée, au sens propre comme au sens figuré et profondément vexée, Ondine tira de toutes ses forces sur ce fil de nylon tissé par les trois Nornes sous Yggdrasil et replongea sous la surface.
Ondine renversa le verre d'eau salée et entraîna avec elle la canne à pêche et le filet à papillons au manche télescopique.
Hector, accroché à son épuisette à poissons, fut lui aussi entraîné dans la tourmente du maelström alors qu'Ondine chantait sa colère d'avoir été prise pour une vulgaire sardine.
Il tomba du bord de Lune où il était assis jusqu'à présent et chuta sans fin jusqu'à être englouti par le trou noir né de la furieuse échappée d'Ondine.
Alors, Hector continua de chuter comme un chat noir peut tomber du Ciel.
Il finit par s'écraser au bord du monde connu.
Là-bas, Hector, chat noir, déchu et seul, mourut de chagrin, d'espoirs déçus et d'avoir trop aimé au clair de Lune.
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Hector. Chat(s) Noir.
KurzgeschichtenLes sept vies et les sept morts tragiques et rocambolesques d'Hector, chat noir et magique.