𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴 𝙸 : 𝙴𝚗𝚝𝚛𝚎 𝚍𝚎𝚞𝚡 𝚖𝚘𝚗𝚍𝚎𝚜

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La toute première fois que mes yeux s'ouvrirent me marqua pour le restant de mes jours. Ce rêve que je fis changea à tout jamais mon avenir. Mes paupières s'ouvrirent très lentement, la lumière m'empêchait d'y voir clair. Mes yeux m'irritaient et quelques larmes en coulaient car ils étaient déshydratés. Mon premier réflexe fut de bouger mon index, j'avais l'étrange sensation que je touchais quelque chose de réel, plus qu'une simple illusion. Tous mes sens s'éveillaient les uns après les autres. Je ne comprenais pas ce qui était en train de se produire. J'étais dans un lit blanc, confortable et si moelleux que je ne voulais absolument pas le quitter. Il y avait une légère odeur citronnée, les rayons du soleil entraient dans la pièce afin de me chatouiller le visage. Ce fut un moment agréable qui ne dura malheureusement que quelques courtes minutes avant qu'une femme n'entre dans la pièce. Avec sa tenue blanche en harmonie avec le décor, ses yeux semblaient rivés sur moi. Elle sortit de la pièce précipitamment et revint quelques minutes plus tard avec un homme vêtu de son albe blouse de médecin. Il s'approcha lentement de moi et mit une petite lampe par-dessus mes yeux silencieusement. Soudainement, une douce voix me dit :

« Jeune fille, êtes-vous réveillée ?

- Comment ? dis-je d'un air surpris.

- Comment vous sentez-vous ? dit l'homme inquiet.

- Je me sens étrangement bien et libérée, répondis-je.

- Pouvez-vous m'en dire plus sur ce sentiment ? me demanda-t-il.

- J'ai l'impression que ce corps ne m'appartient pas mais que j'ai échappé à quelque chose, ce qui me procure ce sentiment de liberté, dis-je.

- Très bien, je vais alors vous poser certaines questions auxquelles vous devez impérativement me donner des réponses.

- D'accord, je suis prête monsieur, répondis-je en retenant mon souffle.

- Quel est votre nom ?

- Je... Je ne m'en souviens plus, hésitai-je.

- Quel âge avez-vous ?

- J'en suis navrée, j'ai beau chercher dans mes plus lointains souvenirs, il m'est impossible de vous donner une réponse.

- D'ailleurs, savez-vous ce que vous faites ici ? ajouta-t-il.

- Je ne sais pas, répondis-je toute confuse.

- Très bien, je reviendrai plus tard, n'hésitez pas si vous avez des questions. »

L'homme quitta la pièce avec une expression inquiétante sur son visage. J'avais du mal à comprendre où j'étais mais, malgré tout, je n'osais pas poser de questions, j'avais peur d'éveiller encore plus de questionnements chez moi. Tout à coup, je vis mon reflet dans une vitre. Je ne reconnaissais pas la personne au travers de cette glace. Il y avait quelques secondes à peine, mon physique était différent dans mon esprit. J'avais à présent les cheveux blonds en bataille avec une frange et les yeux d'un gris clair. C'était comme si j'avais quitté mon corps pour aller dans celui d'une autre personne. Les rayons du soleil tapotaient sur mon visage à présent et cela me gênait, alors je me levai pour fermer les volets. En posant mes pieds sur le sol glacial, je sentais les battements de mon cœur. Lorsque je posai ma main sur ma poitrine, c'était comme une nouvelle sensation qui traversait ma main et qui s'estompait enfin. Je sentais ce vaste monde qui m'était encore inconnu, mes sens me paraissaient à fleur de peau. Prise de curiosité, je me dirigeai vers la porte de la pièce qui menait sûrement vers une sortie. J'avais une légère douleur aux jambes, ce qui m'empêchait de marcher correctement. Lorsque j'ouvris la porte, tout un service apparut face à moi. Des femmes en tenues hospitalières et quelques rares hommes semblaient pris par le travail. Je vis quelques personnes avec la même tenue que le médecin qui m'examinait. J'étais alors sortie de ce qui semblait être ma chambre d'hôpital, pieds nus. Je n'allais pas à un endroit précis mais je découvrais chacun des coins du bâtiment. Arrivée dans une grande salle d'attente, les personnes assises sur les sièges me regardaient de travers. Les toussotements, les cris de douleur venant des patients blessés, le son de l'horloge et les pleurs des enfants en bas âge m'empêchaient de réfléchir, de mettre de l'ordre dans mes pensées. Inopinément, au fond du hall je vis une femme avec un manteau trench marron, son regard se figea sur moi et elle se mit à marcher à tire-d'aile dans ma direction. Elle me prit dans ses bras et me dit d'un air inquiet :

« Que faites-vous ici ?

- Veuillez m'excuser mais qui êtes-vous ?

- Mademoiselle, ne jouez pas à ce jeu avec moi, je me passerais de vos plaisanteries. Vous avez des explications à me fournir, dit-elle en haussant le ton.

- De quelles explications me parlez-vous ? répliquai-je

- N'étiez-vous pas censée être plongée dans un profond sommeil ? demanda-t-elle

- Je ne comprends toujours pas ce que vous tentez de m'expliquer madame.

- Je suis votre surveillante générale, vous devez être très fatiguée alors allons dans votre chambre afin que vous retrouviez vos esprits. »

Cette conversation fut des plus étranges car je n'avais aucun souvenir de cette femme. J'allais tout de même me méfier d'elle, il se peut qu'elle soit une réelle inconnue. La surveillante m'assujettit à la suivre mais je ne voulais point me débattre. Une de mes chevilles me faisait mal alors je m'appuyais sur mon autre pied, j'avançais au ralenti et je ne marchais pas droit. Sur le chemin, nous avions croisé l'homme au sarrau qui était supposé être un médecin, il semblait surpris de nous voir toutes les deux. Il prit une grande inspiration avant de nous proposer d'entrer dans son bureau, ses expressions faciales m'indiquaient qu'il avait de l'appréhension. En entrant dans la pièce je regardais tout ce qu'il y avait autour de nous. Une grande fenêtre derrière sa chaise nous donnait vue sur une cour cyclopéenne. Des livres de médecine étaient empilés un par un sur une étagère. Le bois des meubles, les tâches sur les murs, les dossiers empilés les uns sur les autres, ces petits détails pourtant insignifiants retenaient mon attention. Mon regard se figea sur l'homme lorsqu'il prit une grande inspiration et dit :

« Suite à ce choc, pour des raisons qui demeurent encore inconnues, vous êtes restée dans un long sommeil de cinq jours et lorsque vous vous êtes réveillée votre mémoire s'est évaporée. Nous avons tout mis en œuvre pour vous sauver, vous avez eu de la chance car plusieurs personnes auparavant sont décédées. Cet état est très probablement temporaire, vos souvenirs reviendront sûrement dans quelques jours, dit-il.

- A quoi cela est-il du ? interrogeai-je le médecin.

- Vous avez tenté de vous donner la mort, répondit-il impassiblement.

- Pourquoi et comment ? demandai-je consternée.

- Vous avez essayé de vous noyer volontairement en clair.

- Comment se fait-il que je ne me souvienne pas de mon nom ? Je me sens bloquée et je n'ai aucune explication à ce propos.

- Nous pensons que vous avez été traumatisée et donc que votre cerveau a vraisemblablement effacé votre mémoire afin de vous protéger. Cela reste encore une hypothèse, mais pour le moment, personne n'en connaît les causes.

- Au bout de combien de temps pourra-t-elle sortir de cet hôpital ? dit la surveillante.

- En fonction des tests que nous lui ferons passer, nous déterminerons son aptitude à mener de nouveau une vie banale. Si vous me le permettez, j'aimerais m'entretenir seul avec elle, dit le médecin fermement. »

J'avais passé une série de test, c'est alors que plusieurs questions me vinrent à l'esprit. Je pouvais encore écrire, je me souvenais des règles de grammaire, je pouvais encore marcher bien que je m'appuyais sur une de mes jambes ce qui me faisait claudiquer. J'arrivais encore à compter, faire du calcul mental et je me souvenais des dates clés de l'histoire. Alors comment se faisait-il que je n'avais aucun souvenir de moi ? Le docteur semblait fasciné par cette perte de mémoire dont nul ne pouvait en déduire les causes. On m'avait offert un carnet dans lequel je devais noter tout ce qui me passait par la tête, un psychiatre allait ensuite m'aider à interpréter mes écrits ainsi qu'à me comprendre. Ce n'était que le début d'un long périple d'incertitude. Qui suis-je ? C'était une question fondamentale avant tout. Je ne connaissais ni mon prénom, ni mon âge et ni d'où je venais.

Une canne m'avait été décernée, je la trouvais très élégante, son fût était en bois de cerisier. Une fleur blanche en guise de décoration avait été accrochée dessus. Cela me touchait, je pouvais sentir à quel point elle avait été fabriquée avec amour.

De retour dans ma chambre, je vis que mon lit était tapissé de lettres, il devait y en avoir une petite dizaine. Je m'empressai donc d'ouvrir le courrier lorsque subitement une main se posa sur mon épaule. Je vis une silhouette par le reflet de la vitre. Une voix suave me dit :

« Ne soyez pas surprise. »

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 31, 2021 ⏰

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