journal 4

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C'étaient "les pop-corn rose", comme on avait baptisé notre moment préféré. Tous les matins de week-end, on pouvait rester la journée entière à se regarder des vieux films en noir et blanc sans jamais s'en dégoûter. T'imagines des gens de notre époque se mater des vieux films avec des sons craqués et des bruits de tirs rappelant la pétanque ?

On adorait ça tous les deux, sortir du lot. Et qu'est-ce qu'on se marrait à chaque fois. Toi, tu étais plus du genre action et cowboys, mais moi j'aimais juste te voir sourire... ET je pensais que ces instants ne finiraient jamais.

Ces jours-à, les canettes de soda traînaient un peu partout sur les tapis du salon, Henry Jenson avait combattu tous les indiens braqueurs de banque et avait réussi à sauver sa dulcinée. On approchait enfin de la scène du baiser de fin et tu t'approchas subitement de moi en me regardant droit dans les yeux. Dans ma gêne, je crus qu'on s'embrasserait, comme dans le film. Mais ce fut nettement mieux. Parce que tu me regardas en disant : "J'adore la nuance de couleur de tes yeux. Bleu à gauche et vert à droite, en dirait un matin de ciel bleu clair, et un été d'herbe fraîche."

Je rougis encore plus, plus que ta proximité ne le permettait. J'avais des picotements dans le ventre, jamais on ne m'avait dit quelque chose d'aussi beau. Puis je détournai légèrement le regard, les joues en feu, tu rigolas de plus belle, et je gardais les yeux rivés sur l'écran.

Mais depuis, lorsque mon regard vint à croiser le miroir après la douche, je restai à admirer mon visage et mes yeux vairons. Car pour une fois, je m'étais mis à les aimer moi aussi.

A NOS SECRETS, le journal d'un gars.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant