Préface
Ce livre en lui-même n’est pas réellement un récit autobiographique, car il n’exprime que des sensations, des ressentis, face à ce que j’ai pu endurer, pendant des années, sous l’autorité de ma famille, de mon compagnon, des gens, de la société.
Les détails sordides ont été volontairement survolés, car je ne veux pas que ce récit soit une tribune pour des personnalités vivant de « sensations fortes » ou de voyeurisme morbide. Non, l’essentiel est de pouvoir, pour d’autres victimes mais aussi pour les générations à venir se mettre dans la peau d’une victime de viol, et sous l’emprise invisible d’un homme pour qui, seule compte la façade d’une vie classique, et son envie de faire croire au monde entier qu’il est l’homme parfait.
Il n’est pas non plus destiné à soigner les blessures, psychiques et physiques qui sont ancrées dans chacun de nous. Seul le temps, peut-être une analyse avec un médecin, ou sa propre personnalité peuvent venir à bout de cette profonde déchirure, je n’en suis pas remise moi-même, et je n’ai donc pas toutes les réponses aux questions qu’on peut se poser. Ce livre est destiné à aider à prendre de la hauteur, pour essayer, l’espace d’un instant, d’effectuer un recul face à son mal être qui parfois, peut se faire sentir autant à l’intérieur de ses tripes qu’à l’extérieur ; car le viol est une agression tellement brutale et grave et que le corps peut se défendre en développant des maladies, telles que la fibromyalgie, le cancer, le Stress Post Traumatique ou autres.
Mais qu’est-ce que le viol ? On ne peut résolument pas parler d’un livre sur le viol sans en donner, au préalable, une définition, claire et peut-être un peu plus longue que ce que ne veut bien le raconter le dictionnaire.
Selon le petit Larousse, le viol est « un rapport sexuel imposé à une personne sans son consentement ». Plus loin, en littérature, il est noté : « fait de forcer, de contraindre quelqu’un contre sa pensée ». Cette dernière définition est très intéressante dans la mesure où il parle de contrainte et non d’imposition par la force. Alors allons plus loin : peut-on contraindre quelqu’un, sans arme, sans violence physique, seulement avec des mots, en appuyant sur les faiblesses de l’autre, à effectuer quelque chose dont il n’avait ni envie, ni besoin ? Autre chose, la définition parle de contraindre contre la pensée. Cette définition, bien que très claire , laisse place à interprétation, et c'est pour cela que le cadre qui différencie le cadre légal ou pas est très ténu. Comment savoir, si quelqu'un qui ne peut pas parler, ou exprimer façon claire sa "pensée", que cette personne est contrainte ou pas ? Il me semble que dans le cadre de la législation commerciale par exemple, il existe des techniques afin de contraindre quelqu'un d’acheter et de faire signer des crédits à des personnes dites en état de faiblesse, ou de détresse émotionnelle. Aujourd’hui, ces méthodes sont bien entendu interdites, mais pas pour le viol. Pour le viol, il n’existe pas de législation précise, c’est à la discrétion du procureur, du tribunal … comme on juge d’une œuvre d’art si elle doit être ou pas accrochée au mur du musée du Louvre. En France, aujourd’hui, le viol, dans l’esprit des gens, moi la première, c’est comme dans un épisode de New York Unité Spéciale, où l’on voit une fille se faire enlever dans une ruelle sombre, et se faire menacer avec un couteau ou un flingue, afin que le gros dégueulasse de violeur abuse de sa victime. Toutefois, depuis ces dix dernières années environ, on se rend compte que le législateur n’a pas pris en compte les viols sous influences, par abus de confiance, par la drogue, ou par tout autre moyen de pression ou de chantage. On sait aujourd’hui que des enfants sont victimes de viol par certains membres de l’église, certains professeurs, quelquefois des amis de la famille, des entraineurs sportifs, etc … des personnes qui représentent l’autorité. L’autorité … en voilà une autre de définition qui mérite d’être à nouveau revue : « pouvoir de décider, ou d’imposer ses idées à autrui ». Et une autre plus bas : « Ensemble de qualités (ou défauts) par lesquelles quelqu’un impose à autrui sa personnalité. Ascendant grâce auquel quelqu’un se fait obéir, respecter, écouter. » Malgré le fait que l’ensemble de ces définitions sont claires, nettes et précises, elles font aujourd’hui plus que jamais débat dans notre société soi-disant civilisée. « Cette femme portait une jupe bien trop courte monsieur le juge ! C’était clairement un signal d’appel sexuel, auquel j’ai répondu en ayant un rapport CONSENTI ! ». J’ai beau regarder dans tous les dictionnaires de France et d’ailleurs, il n’est nullement mentionné que le fait de porter une jupe courte ou un décolleté est un appel à des relations sexuelles consenties ou non. Et pourtant, ce patron qui avait sa propre vision des choses, a été acquitté et sa victime renvoyée. Voilà, en France, comme aux Etats-Unis ou en Angleterre, au vingt et unième siècle le statut des victimes de viol. Ce livre parle d’un, et même de plusieurs viols, effectués sur deux ans par mon ex-compagnon, qui a cru de bon ton de m’échanger à d’autres hommes contre d’autres femmes. Il parle aussi du moment où je décide de sauter le pas, de porter plainte, afin d’être entendue, comprise, et qu’on reconnaisse mon statut de victime comme on consent ce statut aux victimes d’attentats ou de traumatismes graves. Je vais parler de la difficulté de parler à des gens qui ont visiblement des à priori sur les circonstances précises d’un viol. Cet homme avait toute autorité sur moi, et les autorités, elles, avaient toute autorité sur lui. Je vais vous parler de l’audition de quatre heures et trente minutes, sur le suivi du dossier, l’avancée de l’enquête, et de la manière dont on peut se reconstruire. Je vais vous parler, sans vous écrire ce que vous voulez lire, parce que la réalité ne tombe pas forcément sous le sens de la logique, surtout celle de la loi.

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V.I.O.L.
Non-Fictionc'est l'histoire d'une enfance défigurée par un viol, qui a entrainé des dégâts quasi irrémédiables sur l'auteur, ayant été la victime malheureuse d'un pervers narcissique, qui apprend à remonter la pente, et à rendre coup pour coup.