Le journal 2/2

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Jonathan retire ses chaussures et s'approche pour me faire la bise. Mais avant qu'il n'entre dans la cuisine, Ruby court dans sa direction.

Jonathan se raidit et esquisse un sourire forcé. Ruby est fascinée par la chevelure dorée de Jonathan, si bien qu'elle aime lui tirer les cheveux jusqu'aux larmes. J'échange un regard avec ma mère et contient un fou rire. Jonathan, un mètre quatre-vingt, soixante-dix kilos, se fait persécuter par une fillette de six ans.

- John ! J'peux toucher ? demande Ruby, euphorique.

Résolu, Jonathan la porte pour la laisser tirer des mèches de ses cheveux.

D'après mon journal, j'ai failli être en couple avec Jonathan. À cause d'Adam Blake, ça ne s'est jamais fait. Je me demande si, sans cet accident, nous aurions été ensemble actuellement.

C'est que, Jonathan a l'air fou de moi. Je n'abuse même pas. Il a attendu mon réveil du coma et m'a tout de suite avoué ses sentiments. Je lui ai demandé qui il était et, malgré de longs rappels, j'ai toujours refusé de sortir avec lui. Avant, je n'étais pas amoureuse de Jonathan. Aujourd'hui, je ne le suis pas. Je pense que je ne le serai jamais.

- Comment ça va ? demande poliment Jonathan en picorant une crêpe.

Parfois, il se met trop à l'aise. Jonathan déboule à l'improviste et se sert comme chez lui. Ça ne me plait pas. Il doit s'imaginer que nous formerons un couple tôt ou tard, or ce n'est pas le cas.

Il est très tactile, aussi. J'ai bien peur que ce garçon ne me lâche jamais.

- Très bien, répond ma mère en remplissant le lave-vaisselle.

- Je me demandais si je pouvais te déposer à la librairie, ce matin, admet Jonathan avec son sourire parfait.

Traduction : il cherche une excuse pour que nous restions en tête à tête. Non merci.

- Je ne peux toujours pas monter dans une voiture, je lui rappelle. C'est gentil de proposer, mais je vais prendre le vélo.

Jonathan ne dit rien, mais son mécontentement est palpable : il ne sourit plus et ses yeux noisette reflètent son désespoir. Voilà plus d'un an que je le laisse me tourner autour. Apparemment, ses sentiments à mon égard remonteraient à il y a bien longtemps. Il m'aime comme j'aurais aimé Adam Blake.

Adam Blake. Pourquoi faut-il toujours que j'en revienne à lui ?

Je me demande s'il est resté le même que sur les photos que j'ai vu de lui. Comment ai-je pu l'aimer ? Était-il si exceptionnel ? Pourtant, mon cher journal affirme qu'il me voyait à peine.

J'étais amoureuse d'un fantôme.

Encore aujourd'hui, Adam Blake est un fantôme, dont la présence invisible plane au-dessus de nos têtes.

Il est en prison et moi, il me manque des fragments entiers de mon existence. En clair, on a bien foiré. Et c'est entièrement de sa faute.

- Je vais vous laisser, alors, soupire Jonathan.

Comme la Roxane d'avant, Jonathan s'accroche à une idylle qui n'existe que dans son esprit. Je dois lui parler dès que possible pour mettre fin à ses illusions.

Alors qu'il tourne les talons, je remarque des traces d'ecchimoses sur son visage. Jonathan qui s'est battu ? J'ai du mal à y croire. Il paraît si charmant d'ordinaire. Mais ce n'est qu'une apparence. Je vois bien que Jonathan a des facettes secrètes et, bien que collant, il ne me parle jamais de lui.

Cette réalité me frappe au visage. Qui est réellement Jonathan ?

- Jonathan, ton visage...

Il sursaute et me sourit d'un air qui se veut rassurant.

- Je suis tombé. Ce n'est rien. À plus Roxy.

Menteur.

Trop soulagée par son départ aussi précipité que son arrivée, j'attends d'entendre le moteur de sa voiture ronronner avant de me préparer à sortir.

Mon téléphone vibre quand je monte à vélo. C'est Nour.

《Hâte d'aller à la librairie ? Qui sait, peut être que le beau fan d'Harry Potter est de retour ?》

Je m'esclaffe avant de pédaler vers la librairie. Nour sait que j'en pince pour le beau, mais mystérieux, client qui m'a acheté le premier tome de la célèbre saga. J'espère le revoir pour voir si l'attirance - ne sait-on jamais - est réciproque.

Mais où cela nous mènerait-il ? Il me connaissait au lycée et nous ne sommes visiblement pas sortis ensemble. Je l'ai oublié, comme beaucoup d'autres.

Je dois seulement ouvrir la librairie. Les livres me distrairont peut-être. Il le faut. Je ne veux pas guetter à travers la vitrine une ombre qui n'apparaîtra sans doute pas.

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Retard ! Je suis en retard ! Le rythme des cours est dingue. J'essaierai d'être mieux organisée ❤❤❤

Autumn II : Sans passé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant