The ranch of secrets

6.

Hayley

J'ingurgite rapidement le reste de mon café et esquisse une grimace de dégoût. Le breuvage, froid, a un goût infect, mais il m'apporte la dose de caféine nécessaire pour que je garde les yeux ouverts.

J'ai peu dormi la nuit précédente, mais cette fois les cauchemars ont cédé la place à des rêves beaucoup plus troublants.

Jared Evans y a tenu un rôle pour le moins embarrassant...

Qu'est-ce qui m'arrive ?

Je me suis levée bien avant le lever du soleil, les yeux cernés et le ventre encore vibrant des fantasmes de la nuit. Après une visite rapide chez les Evans pour vérifier la santé des poulains et de leur mère, j'ai filé vers une ferme de la réserve qui requérait mon assistance.

Finalement, j'y est passé la matinée, sans trouver une seule minute pour me poser. Une chance, car Charles y a pointé le bout de son nez, manifestant le désir d'un tête-à-tête que j'ai esquivé avec remords.

Balayant mes scrupules, je me suis ensuite rendue à Clemercy, la ville voisine de Fallows. Là, j'ai déniché un plombier sérieux qui a accepté de se déplacer avant le week-end au ranch pour jeter un coup d'œil au système d'évacuation qui manifeste de sérieux signes de fatigue.

Un saut à la bibliothèque de la ville m'a ensuite permis de fouiller dans les journaux de l'époque et de dénicher quelques informations que je compte exploiter au plus tôt.

Si Lowell a partagé avec moi le résultat de son enquête il y a deux ans, il n'en était alors qu'au tout début de ses recherches.

Ensemble, nous avons poursuivi son travail, mais, au final, nous avons progressé lentement, en grande partie parce que Lowell tenait à faire la paix avec Moira. La réconciliation a été difficile, mais salvatrice pour ma sœur.

Je me contracte comme à chaque fois que je songe à ma cadette et aux conséquences de son incarcération. Pendant les sept années passées derrière les barreaux, Moira s'est flétrie.

La jeune fille insouciante s'est désagrégée dès lors qu'elle a été enfermée entre quatre murs, laissant la place à une femme taciturne et amère.

Je n'ai rien pu faire pour éviter cette lente descente aux enfers, même si j'ai épaulé ma cadette sans faillir au fil des années. À chaque fois que cette dernière était admise à l'infirmerie de la prison, j'ai accouru pour la soutenir, inapte à réconforter néanmoins cet être blessé au-delà de tout.

Moira est devenue au fil du temps un pâle fantôme qui s'est inexorablement muré dans un mutisme effrayant. Pourtant, avec Lowell, peu à peu, elle est revenue à la vie.

J'y ai vu un miracle, repoussant au lendemain les recherches nécessaires, mais secondaires par rapport à la lutte que sa sœur menait pour sa survie mentale.

Puis Lowell est mort et, avec lui, certains secrets. Un coup dur qui m'a renvoyée à la case départ et a manqué me faire capituler.

Mais la quête de vérité a été la plus forte et elle s'est réveillée en fanfare. Depuis j'applique la stratégie que je façonne depuis des mois.

Lire les vieilles coupures de presse s'est révélé une épreuve pénible, mais nécessaire. Même si j'ai eu juste le sentiment d'être passée sous un rouleau compresseur...

Je ne rêve plus que de retrouver mes enfants pour partager un peu de temps avec eux et oublier la noirceur du monde.

Une fois en vue du ranch, je plisse des sourcils en avisant trois véhicules ainsi qu'une moto, stationnés dans l'immense cour. Je n'attends personne et, du reste, je ne suis pas friande des visites surprises.