Chapitre 10

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            « ... de plus, grâce à l'impulsion donnée par des collaborateurs issus du métier, l'entreprise a ainsi pu varier son activité et proposer à sa clientèle un éventail d'offres complètes et avantageuses... »

Hugo se laissa retomber contre le dossier de son fauteuil, se relisant. Il lui faudrait peut-être préciser le type d'actions engagées dans le processus de changement d'activité... Franck lui avait parlé de la campagne de tracts chez les disquaires et les bars du département, peut-être pourrait-il faire une sommaire chronologie des événements, avec des illustrations.

Il se leva et quitta le bureau, prenant la direction des archives. Il était sûr qu'un quelconque dossier presse devait contenir ce matériel.

L'étage était calme. Par la porte ouverte de son bureau, le jeune homme aperçut la secrétaire de direction occupée à trier le courrier. Il alla sereinement dans la salle des archives.

Les rayonnages à translation cernaient la pièce, impeccablement rangés. Les classeurs s'alignaient proprement, assemblés par couleurs : bleu/contrats de vente, rouge/comptabilité, jaune/contrats de travail... Hugo marcha vers les classeurs mauves, consacrés au service de presse.

Il fut presque surpris d'en trouver si peu. Mais il était vrai qu'une société de cette envergure ne pouvait prétendre à des campagnes publicitaires démesurées. Il prit le chariot à plateaux et ouvrit les classeurs un par un.

Il avait du mal à concevoir la politique d'Aaron. La publicité faite du temps où Product'Ive était encore un label était tellement ridicule, que le jeune homme se demandait ce qui l'avait poussé à monter cette entreprise. La moindre des choses, quand on montait une boîte, était au moins de tenter de la faire fonctionner, d'où la nécessité d'une promotion, aussi minime fût-elle. Ici, presque rien. Juste un site internet dont il avait les captures d'écrans sous les yeux. Une simple sous-chemise suffisait pour les contenir. À croire qu'il se souciait à peine de son bébé.

La suite, en revanche, portait clairement la signature de Franck. De l'époque où il était attaché de presse, il se démarquait déjà par ses campagnes bien particulières. Là où d'autres accumulaient affiches en grand larges, pubs radio, interviews télé et conférences de presse à en donner le tournis, Franck prisait plus volontiers les campagnes intelligentes. Prenant pour exemple les publicités virales sur internet ou le fameux « Rickroll », il visait la cible principale : le public. Ainsi, plutôt que perdre son temps à brosser les journalistes dans le sens du poil, il s'alliait avec le web, publiant sur Facebook, Twitter, Instagram, achetant des bannières ou des pages d'introduction, et il laissait le buzz faire le reste. Le jeune homme se souvenait de la rencontre exclusive qui avait eu lieu entre Aaron et ses fans sur YouTube. Les fans posaient leurs questions, exprimaient leur béatitude par chat, et Aaron répondait de même. Le site avait atteint à un moment un tel nombre de connexions qu'il avait planté. Aaron Davis, du haut de ses seize printemps, avait fait planter YouTube.

Fidèle à lui-même, Franck avait appliqué cette même politique pour le studio. Hugo retrouva des flyers, des contrats publicitaires, se disant qu'il pourrait les inclure à son dossier. Ce serait peut-être suffisant pour faire comprendre à son père que la société se portait encore mieux que les chiffres ne le disaient. Il se demanda, spontanément, s'il ne serait pas une mauvaise idée d'inclure un dossier du personnel.

Le jeune homme emporta le chariot hors de la salle d'archive en dressant mentalement le plan de sa synthèse. Il se dit que, parti comme il était, il allait certainement rentrer à Paris avec beaucoup plus qu'un simple bilan comptable. Il ignorait si son père en aurait besoin, mais ce bilan fortuit lui soufflait que l'heure semblait aux comptes.

Our Love Song - Track 1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant